Ce texte est un « article presslib’ » (*)
The English version of this post can be found here.
Une lectrice du blog me demande de la tuyauter pour son examen dans une école supérieure de commerce. Je lui ai répondu ceci.
Il me semble important de mettre l’accent sur la possibilité de généralisation des mesures proposées. C’est Martin Wolf qui dans une tribune libre du Financial Times (*) avait attiré l’accent sur le fait que les Allemands (compatriotes pourtant de Kant) semblaient avoir perdu de vue l’impératif catégorique kantien en demandant aux autres nations de la zone euro de devenir exportatrices nettes à l’instar de l’Allemagne. Il y a là une erreur logique : toutes les nations ne peuvent être exportatrices nettes, si certaines sont exportatrices nettes, il faut que d’autres soient importatrices nettes et personne ne peut alors en blâmer ces dernières.
La plupart des mesures proposées par les économistes ne sont pas généralisables et doivent être rejetées au même titre :
– la compétitivité : elle suppose un moins-disant salarial dont l’« attracteur » est le salaire de subsistance dans le pays où le prix des denrées de première nécessité est le plus bas au monde. C’est ce que j’appelle : « aligner tous les salaires (français, belges, suisses, québécois, etc.) sur ceux du Bangladesh ».
– les zones franches : elles supposent un moins-disant fiscal dont l’ « attracteur » est l’imposition zéro.
À ceux qui proposent compétitivité et zones franches comme un idéal, il faut répondre comme le fit Wolf : « Kant avait raison ». Il existe bien sûr une ou plusieurs manières moins polies de dire la même chose.
========================
(*) « Malheureusement, le débat qui a lieu en Allemagne suppose, à tort, que la solution, c’est pour chaque membre de la zone euro de devenir comme l’Allemagne elle-même. Mais si l’Allemagne peut être l’Allemagne, c’est-à-dire une économie disciplinée sur le plan fiscal, une demande intérieure faible et un surplus colossal à l’exportation, c’est seulement parce que les autres ne le peuvent pas. Son modèle économique viole le principe d’universalité du plus grand philosophe allemand Emmanuel Kant ». Martin Wolf, « Germany’s eurozone crisis nightmare », Financial Times, le 9 mars 2010. Voir mon billet Pourquoi la Grèce peut sauver le monde.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
60 réponses à “« KANT AVAIT RAISON ! »”
C’est le refrain que j’entends tous les jours dans les JT belges comme français. Nous ne sommes pas assez compétitifs, le salaire est trop cher. C’est clair que quand tous les salaires seront bas, on continuera à acheter en fait non on achètera plus que le strict nécessaire et je ne vois pas vraiment en quoi cela va relancer l’économie … quand plus personne ne pourra prendre de vacances, acheter un livre ou se payer des loisirs.
Problème, la compétitivité est obligatoire à court terme puisque l’Europe nous l’impose. On marche sur la tête.
//// Il y a là une erreur logique : toutes les nations ne peuvent être exportatrices nettes, si certaines sont exportatrices nettes, il faut que d’autres soient importatrices nettes //////
N’est ce pas Marx qui tient un raisonnement similaire, pour démontrer la vanité du système capitaliste:
Dans aucune usine , l’ensemble des employés ne peut acquérir l’ensemble de la production …ce qui implique que dans l’ensemble des usines , la somme des employés ne pourra acquerir l’ensemble des productions .