L’actualité de la crise : ILS NE NOUS MÉRITENT PAS ! par François Leclerc

Billet invité

Que retenir de l’avalanche de commentaires, dont beaucoup frisent la désinvolture à force d’afficher la sérénité, que continuent de susciter les dégradations en rafale de la notation de la dette des pays européens par Standard & Poor’s ?

Ils sont pour la grande majorité consternants, en ce sens qu’ils n’en tirent aucune conséquence ! Comme si leurs auteurs ne s’étaient pas préparés à ce qui était pourtant annoncé, ne voulant pas l’envisager pour s’être réfugiés depuis si longtemps dans le déni. Ne faisant qu’exprimer ce que l’on savait déjà : les dirigeants européens n’ont pas de stratégie alternative et n’envisagent que de poursuivre sur la voie qu’ils ont empruntée, en la modulant au gré des circonstances et des opportunités. Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, l’a exprimé crânement à la veille d’une tournée européenne qui va succéder à celle de Mario Monti : “Le gouvernement que je préside sait parfaitement quoi faire pour améliorer la réputation de l’Espagne, pour assurer la croissance et créer de l’emploi”.

Les responsables ne veulent pas écouter les marchés, qui viennent de faire savoir par agence de notation interposée que leur politique ne mène nulle part ; jugée sur pièce, elle n’est pas crédible au vu de ses résultats. Ils continuent de louvoyer, craignant les conséquences d’une application trop brutale du programme des réformes structurelles qu’il leur est demandé d’accélérer.

Mais plutôt que de commenter les commentaires, il est plus instructif de prendre connaissance des attendus des décisions de Standard & Poor’s. L’agence considère insuffisant le pacte budgétaire en phase de finalisation et d’adoption, auquel Angela Merkel se raccroche, car “il ne constitue pas une avancée d’envergure pour pouvoir pleinement répondre aux problèmes financiers de la zone euro”, étant donné que ceux-ci “résultent tout autant des déséquilibres macroéconomiques que des écarts de compétitivité”. En d’autres termes, la rigueur n’est pas la solution si la croissance n’est pas au rendez-vous.

L’impasse dans laquelle se trouve la négociation de la restructuration de la dette grecque est le parfait symbole de la situation. Les mégabanques ont suspendu spectaculairement celle-ci et s’interrogent sur “les bénéfices d’une approche volontaire”, ce qui décodé signifie qu’elles ne veulent pas accepter de décote supplémentaire de la dette, tandis que les hedge funds jouent les minorités de blocage en spéculant sur le défaut de la Grèce en mars prochain. Comme si les acteurs du monde financier venaient de décider que cela en était assez, et que les dirigeants politiques devaient prendre leurs responsabilités en faisant leur affaire des nouveaux sacrifices qui leur étaient demandés. Hier ce n’était pas leur jour, décidément !

Les alarmes retentissent mais semblent ne rien déclencher ! Angela Merkel l’exprime splendidement, en tirant comme leçon qu’il reste encore “un long chemin avant que la confiance des investisseurs soit rétablie”, comme si elle avait tout le temps devant elle. “Je ne crois pas que les dégradations ont de quelque manière que ce soit comme conséquence que l’Allemagne doive faire plus par rapport aux autres », a-t-elle ajouté, mettant à profit ses meilleures capacités d’analyse.

Quant aux conséquences pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF) de la dégradation de la France (“AA+ n’est pas vraiment une mauvaise notation”, a-t-elle dit), elle les a laconiquement commentées en prétendant n’avoir jamais pensé que la notation AAA était indispensable pour le FESF. Ce qui a dû faire bien plaisir à Jean-Claude Juncker, chef de file de l’Eurogroupe, qui déclarait dans l’urgence hier soir que “les pays qui apportent leur garantie au FESF affirment leur détermination à explorer les options pour maintenir son triple A”…

A ce propos, Standard & Poor’s qui avait également placé le FESF “sous surveillance”, vient de faire savoir qu’elle allait “prochainement” rendre son verdict. En attendant, Moritz Kraemer, chargé de la notation des États Européens de l’agence de notation, a apporté son grain de sel en déclarant que “l’environnement politique dans la zone euro n’a pas été à la hauteur des défis croissants engendrés par la crise”.

L’édifice européen sort extrêmement fragilisé de ce nouvel épisode. Mais ce qui est en cause n’est pas seulement l’euro, ou même l’avenir d’une région destinée à connaître une longue récession : l’Europe s’est révélée simplement le maillon le plus faible du système financier, permettant d’occulter momentanément la poursuite d’une implosion réduite à une crise de la dette publique.

Au jeu de la patate chaude, les marchés viennent de marquer un nouveau point, réduisant la marge de manœuvre des États sans se rendre compte qu’ils se tirent par la même occasion une balle dans le pied, car ce qui leur est demandé n’est pas à leur portée. La machine infernale s’alimente d’elle-même.

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316 réponses à “L’actualité de la crise : ILS NE NOUS MÉRITENT PAS ! par François Leclerc”

  1. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    Chez http://www.t-online.de, on peut trouver le résultat d’ un sondage sur internet:
    11.970 réponses – 78,4% – se prononcent pour une sortie de l’Allemagne de la zone euro, seulement 18,9 sont contre. Le slogan (je traduis): mieux vaut accepter une fin avec terreur qu’une terreur sans fin.

    1. Avatar de Paco76
      Paco76

      @Germanicus
      Etonnant sondage car, au risque de me répéter, l’Allemagne a beaucoup plus à perdre que la France ou d’autres, à ‘sortir’ de l’Euro…
      C’est la monnaie la ‘terreur’ ou le capitalisme de marchés, le libre échange, le tout à la sauce économique ultra libéral ?

      1. Avatar de Germanicus
        Germanicus

        Paco 76
        Il s’agit des risques. Les investisseurs veulent que les pays du nord, et notamment l’Allemagne cautionnent définitivement et officiellement pour les pays du sud. Ce serait, selon eux, un moyen pour sauver au moins une partie des meubles. Ce serait une très mauvause affaire pour l’Allemagne, car elle ne gagnerait plus rien, mais serait obligé de financer en grande partie la Grèce et ses déboires – et celle des autres pays adhérents. Le public allemand n’est pas du tout d’accord avec ce principe.
        De plus, même les allemands ont en marre de la dictature néolibérale, de la politique surnoise menée par Merkel. Et de la perte de l’autonomie nationale. Il existe le même phénomène en France.

      2. Avatar de Paco76
        Paco76

        @Germanicus
        Je comprend bien votre raisonnement, mais si ‘même les allemands en ont marre de la dictature néolibérale’… Imaginons où en sont les Grecs…
        La ‘cible’ c’est bien le néolibéralisme et pas les pays, y’a pas de ‘pigs’ !

  2. Avatar de BA
    BA

    En zone euro, quatre Etats sont notés AAA.

    Ces quatre Etats AAA sont des Etats du nord de l’Europe : l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Finlande.

    Dans les mois qui viennent, ces quatre Etats AAA accepteront-ils de payer davantage pour aider les autres Etats de la zone euro ?

    Dimanche 15 janvier 2012 :

    Un grand patron allemand évoque une sortie de l’Allemagne de l’euro.

    Le patron du géant allemand des gaz industriels Linde, Wolfgang Reitzle, a pris position pour une sortie de l’Allemagne de la zone euro au cas où l’on ne parviendrait « pas à discipliner les pays en crise », dans une interview au magazine Spiegel, à paraître lundi 16 janvier. « Si on ne parvient pas à discipliner les pays en crise, l’Allemagne doit se retirer », déclare M. Reitzle, ajoutant « ne pas croire personnellement qu’il faille sauver l’euro à tout prix ».

    Selon l’hebdomadaire, M. Reitzle est le premier patron d’une entreprise cotée à l’indice Dax des 30 valeurs vedettes de la Bourse de Francfort à prendre une telle position.

    « Ce scénario n’est à mes yeux pas souhaitable, mais il ne doit pas non plus être considéré comme tabou », a souligné le chef d’entreprise, qui considère qu’après le choc des premières années lié à sa sortie de l’euro, l’économie allemande pourrait retrouver toute sa compétitivité.

    http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Un-grand-patron-allemand-evoque-une-sortie-de-l-Allemagne-de-l-euro_6346-2032422-fils-tous_filDMA.Htm

    1. Avatar de liervol
      liervol

      C’est certain en 30 ans avec les 30 millions d’habitants en moins qui les attend en Germany, nul doute que l’avenir est là ….

  3. Avatar de jérôme
    jérôme

    «  »Pour conclure, voici un court extrait de la préface : « La mémoire ?…Pour quel passé ? Pour quel devenir ?
    La mémoire ?… un repère à redéfinir ?… Une leçon à retenir ? … Une prière à exaucer ? … Une peine à proscrire ? …
    La mémoire ? … Simplement la preuve que nous n’avons jamais rien compris à la chance d’être en vie, à la chance d’aimer et d’être aimés… » » »

    http://yahoo.lyon.bondyblog.fr/news/la-rencontre-du-mois-de-nadia-kamel-mouellef-nous-ne-sommes-pas-arrives-pour-manger-le-pain-des-francais

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