L’actualité de la crise : Il n’y a pas de sauveur suprême, par François Leclerc

Billet invité.

IL N’Y A PAS DE SAUVEUR SUPREME

A la recherche de repères dans cette crise toujours aussi opaque, nous méfiant particulièrement des moments d’accalmie de ces derniers jours, craignant qu’ils soient particulièrement trompeurs pour n’être rien d’autre qu’une absence d’information, nous nous en remettons faute de mieux aux réunions et annonces des banques centrales, ces Dieux de la finance drapés dans leurs voiles et perchés sur leurs Olympes. Non pas parce qu’ils ont particulièrement fait preuve de clairvoyance dans leurs prédictions, ou bien parce qu’il peut leur être accordé le bénéfice d’une franchise faisant défaut par ailleurs, mais parce qu’ils apparaissent comme les derniers gardiens du temple. Ce lieu ultime du sauvetage en cours d’une finance toujours en déroute et d’une économie en subissant sans véritable recours les lourdes conséquences. En nous disant qu’ils savent ce qu’ils font, ou tout du moins en l’espérant. En nous raccrochant, non pas à leurs certitudes affichées, mais aux indices qu’ils pourraient laisser par inadvertance échapper, nous permettant de mieux cerner la réalité.

Les gouverneurs des banques centrales, pourtant, ne sont pas les oracles que l’on voudrait nous faire croire, tout empreints de leur importance mise en scène. Ils auraient plutôt tendance à se démonétiser même, en quelque sorte, au fur et à mesure qu’ils monétisent les dettes des autres en les prenant à leur compte. Mais en attendant, leurs paroles valant de l’or sur les marchés, elles sont donc comptées, est-ce ce qui finalement fait leur seule valeur, cette rareté ?

Si nous sommes donc suspendus à ces apparitions, qui font l’objet de tant de supputations, et dont notre sort semblerait dépendre, il vient d’apparaître que ces Dieux présumés sont aussi perplexes que nous pouvons l’être, en dépit de l’assurance professionnelle et de façade dont ils ne peuvent se défaire, sauf à déchoir. A quels saints, alors, pourrions-nous encore nous vouer s’il devait en être ainsi ?

Dans le fouillis des indices qui sont exhumés et abusivement sollicités par les uns et par les autres pour justifier cette fameuse relance, comme autant de tentatives dérisoires de se rassurer ou de faire comme si, il en est certains qui, eux, ne trompent pas. Il ne s’agit plus des cours de la bourse, dont tout le monde comprend désormais qu’ils ont leur vie spéculative bien à eux, ni de ce miraculeux Baltic Dry Index (BDI), qui serait d’autant plus probant qu’il est mystérieux pour les non-initiés, mais des simples rendements des obligations d’Etat, on en viendrait presque à s’excuser d’aussi peu d’imagination.

Car ces taux ne pardonnent pas, et il a été abondamment relevé que ceux des bons du Trésor US à 10 ans viennent de faire un bond à l’occasion des dernières adjudications, donnant un coup au cœur des observateurs dont nous sommes. Mais les experts, ceux de la Fed ou bien ces Dieux de second rang chargés de décrypter la parole des Dieux de premier rang, quand ils cultivent l’ambiguïté dans leur propos, sont profondément perplexes. Et cela commence fâcheusement à se savoir. Ils ne savent pas à quoi il faut attribuer cette grosse grimpette des taux. Au fait que les investisseurs, reprenant confiance, délaissent cette valeur refuge que représentent les « treasuries » ? Qu’au contraire, ils n’acceptent de souscrire aux nouvelles émissions de ceux-ci qu’à condition d’être mieux rétribués, jugeant plus préoccupante la qualité de la dette américaine au fur et à mesure qu’elle s’accroît ? Ou, enfin, aux fourberies supposées de la banque centrale chinoise, suspectée de vendre ses obligations à 10 ans pour les remplacer par des obligations à plus court terme, dont il lui sera plus facile de se défaire ? Nos Dieux s’y perdent, nos Dieux sont perdus et ne savent plus quoi faire. Ils ne font donc plus rien. Mais nous, alors, comment allons-nous y retrouver ?

Dieu merci, en Europe, nous avons nos piliers de sagesse. Nous ne les cherchons pas du côté des gouverneurs de ces petits pays, comme la Grèce, dont on sent qu’ils pourraient vite capituler aux sirènes de la monétisation de la dette des entreprises et des Etats. Rejoignant dans la précipitation leurs confrères de la Fed, de la Banque of Japan ou de la BoE, pour un résultat dont on commence à mesurer aux Etats-Unis le danger potentiel, avec cette élévation des taux aboutissant au surenchérissement de leur dette. Non, nous trouvons ces piliers en Allemagne, avec la chancelière Angela Merkel qui vient de faire savoir aujourd’hui à Berlin, à deux jours de la prochaine réunion de la BCE, qu’il était hors de question que celle-ci capitule, abandonnant sa primordiale indépendance vis à vis des Etats en s’engageant dans de nouvelles mesures dites « non conventionnelles » (de création monétaire afin de financer de la dette privée ou publique). Elle a même appelé la Fed et la BoE à mettre fin aux dispositions qu’elles ont déjà prises dans ce domaine, en grand, sachant bien qu’elle n’a aucune chance d’être entendue par les responsables de ces dernières, mais que ses propos ne vont pas passer inaperçus au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. La BCE doit être indépendante des Etats, mais il faudrait mieux qu’elle en suive les recommandations, si l’on comprend bien.

Les très timides mesures arrachées lors de la dernière réunion de la BCE, l’achat pour un montant de 60 milliards d’euros d’obligations sécurisées (à faible risque) devraient en effet faire l’objet de nouvelles annonces plus détaillées dès ce jeudi. Les Dieux de second rang estimant que cette enveloppe est très modeste, au regard de la situation économique européenne et du risque de déflation qui grandit, ne représentant que 0,4% du PIB de la zone euro. Les achats d’actifs financiers de la Fed et de la BoE représentent, pour comparaison, environ 10% des PIB de leurs pays respectifs.

Somme toute, devant quel délicat choix sont placées les puissances divinatoires ? Financer la relance européenne par une politique de création monétaire, écartant ainsi le spectre de la déflation si celle-ci réussit, mais faisant craindre en contrepartie une forte inflation pour demain ? Ou laisser les Etats assumer ce financement en accroissant outre mesure la dette publique, qui ne pourra être ultérieurement gérable que si une forte inflation vient la réduire ? Ou bien encore, ne pas bouger, espérant que la reprise interviendra aux USA et nous entraînera magiquement à sa suite ?

Il faudrait que les Dieux sachent ce qu’ils veulent.

Partager :

36 réponses à “L’actualité de la crise : Il n’y a pas de sauveur suprême, par François Leclerc”

  1. Avatar de tomate
    tomate

    Bonjour

    @ YBABEL:

    Oui ! les SEL « médiatisées » sont une option .

    Mais , je dirai plus simplement ceci :

    Si ton désir est d’être moins imprégné par le sous – système ( en l’occurrence, le capitalisme actuel dans sa dernière mue…) , alors , ose te lever et rechercher parmi ton environnement proche ( dans un rayon de 100 kms et un secteur géographique ou tu souhaiterais terminer tes jours – comme s’il ne te restait que quelques mois à vivre : démarche hussarde , néammoins, très stimulante et qui permet de trier rapidement , pour chacun, ce qui est essentiel et non essentiel ) un lieu qui t’ agrée.
    – Ensuite, connaître le lieu qui te convient : tissage economique, social, . En clair, il te faut rencontrer les gens …. et discuter … C’est le point le plus important
    – enfin , chercher le lieu d’habitation …. et le trouver !!! ( attention: il faut du terrain … avec des arbres …primordial !!!)

    Au préalable :
    – tu te connaitras toi même … ou tu te découvriras …. Tu as de nombreuses de compétences et une experience propre qui t’amèneront à trouver un ou plusieurs jobs sur ton lieu de vie , et ce, dans un premier temps
    – tu as des ressources inexploitées car jamais envisagées et… exercées ….
    – parmi ton lieu de vie, il y a des personnes qui se sont découverts, comme toi, … Ils ont effectué la démarche plutôt… voilà tout !!! Le temps n’a pas d’importance … A leur contact, tu te sentiras, très rapidement …. vivre , VIVRE !!!!
    Et là, les « MONNAIES » vont apparaître , très rapidement …. TROP rapidement même pour ce qui est de mon cas personnel ( avec le recul….). Le RESEAU se tisse …. Tu sollicites…. Tu es sollicité …. Ton agenda se remplit plus rapidement que n’importe quel agenda commercial ….
    Ecoute, livre toi , et tu verras ….

    Pour terminer et pour avoir quelque point de repères :

    – Une maison ancienne en pierres, se restaure entièrement, sans aucun coût de main d’oeuvre , et la TVA qui va avec …. en 7 à 12 ans . ( le temps n’a pas d’importance ….. se le rappeler) . Quant au coût des matériaux et de leurs flux, la baisse peut être très significative. Le résultat est que tes amis esclaves du sous-système, quant il te rendront visite, t’envieront… et ne voudront pas partir … Excellent pour les relations …hors du lieu de vie !!!
    – l’autarcie partielle en énergie ( habitation) et alimentation, est possible !!! ( et moi et mes semblables, ne nous privons pas ) . PS : je ne suis ni un hippie, ni un écologiste réductionniste…
    – disposer d’arbres et d’arbustes, sur le terrain récemment acquis, te fait gagner … le nombre d’années que ces – derniers ont … pour aménager ton espace exterieur , qui constituera ton pilier et ton réservoir alimentaire premier ( et non pas ton frigo, via le supermarché- hyper du coin) et energétique .
    – Des animaux, tu auras ! Excellent pour le côté autonomie alimentaire … plus encore pour son aspect psychologique et relationnel ( à toi , ta famille de sang, celle de coeur… et ton RESEAU !!!).
    – la mobilité mécanique : il faut s’interroger , compte tenu de tes besoins de déplacement … Mais , comme pour moi, laisse de côté, ta berline 5 portes …. Il faut réfléchir : Ton réseau te poussera inconsciemment à revoir le type de véhicule qu’il te faut …. Comment optimiser mes déplacements , en fonction de mes obligations … de mes besoins ????
    E

  2. Avatar de tomate
    tomate

    Et puis , il y a PANTONE et GILLIER !!!! Faudrait pas les oublier !!!! Histoire d’être moins dépendant des SP95, SP98, GPL et DIESEL ! Eh oui ! le choix du moteur , la modification qui s’impose, et HOP ! un peu d’eau ! Et ça marche !
    A voir …. selon ta situation personnelle !!!! Voilà encore, une MONNAIE !
    – La chasse peut être une option interessante : je ne la pratique pas … mais j’adhère à ceux qui ont une vision de respect … et la pratique pour des raisons de diversité et d’hygiène alimentaire dans ce que tu mets dans ton assiette…. et d’extension du RESEAU !!!! Voilà encore une MONNAIE !

    Bon je m’arrête ! Faut que j’y retourne !

    Bonne journée !

  3. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ 113,

    Merci pour la mise au point. Je ne crois pas plus à l’intelligence collective par blog interposé, ce qui ne m’empêche pas d’y participer qd même sur les blogs a priori les plus en prise sur les difficultés en cours.

  4. Avatar de jacquesp

    -« J’allongerai les riches et les forts dans la poussière ». Cette citation date de 1974 et est extraite d’un livre ( la Révélation d’Arès) que l’on trouve à la Bibliothèque Nationale et dans les bonnes librairies. Ceci prouverait qu’il y a bien un sauveur suprême. Toutefois, il est possible qu’il nous laisse nous débrouiller pour réparer nos propres bêtises.

  5. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    Que nous propose « La Révélation d’Arès » ? De guérir les malades par l’imposition des mains ?

    http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8lerins_d%27Ar%C3%A8s

  6. Avatar de iGor milhit

    je ne vous ai pas encore parlé du mantra du bouddha amida de la terre pure? non? c’est que je croyais que ça n’avait rien à faire ici… 🙂
    ici on fait qu’à parler de choses finies et limitées comme des ressources naturelles ou des trillions (on dit trillions ou billions, faudrait quand même savoir…) qui disparaissent dans le triangle des bermudes (et pas dans la poche de mon bermuda, ahaha), tandis que bouddha amida, tenez-vous bien, c’est « vie sans mesure » et « lumière sans mesure »
    comme « mesure » contre la crise financière, je sais pas…
    quand je pense à la terre pure, ça ferait pâlir d’envie n’importe quel anatiofurtif… des métaux précieux et pur en veux-tu? en voilà, jusqu’à l’indigestion…
    na man da bu! 😀
    (j’ai pas pu m’empêcher, un moment d’euphorie…)

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta