Billet invité.
Alors que se tient un G7 finances dont on ne saura que des banalités, valait-il la peine de rédiger un énième papier sur le rebondissement de la crise du système financier, sous-jacente aux événements en cours, en détaillant l’analyse des difficultés grandissantes que les banques européennes rencontraient pour se financer ?
Bien que le roulement de leur dette soit vitale (le renforcement de leurs fonds propres et l’accroissement de leurs liquidités pouvant selon elles attendre), la question n’est-elle pas finalement secondaire en ces temps tumultueux où elles viennent encore de sévèrement dévisser, alors que le prix des CDS sur leur dette grimpe allégrement, compliquant encore leur situation ? Selon le Wall Street Journal, leur valeur en bourse aurait chuté en moyenne d’un tiers.
Ces difficultés sont un signe de plus que la machine est profondément atteinte. Après les Etats, les banques doivent également faire face à une crise de confiance dans leur solvabilité. Elles doivent en conséquence faire face au renchérissement de leurs ressources financières, phénomène auxquels échappent les Etats dont la dette souveraine représente un refuge ultime mais relatif.
On assiste à une ruée sur les obligations souveraines américaines, allemandes, et même françaises, ce que les analystes financiers appellent en temps normal la fuite vers la qualité, expression qui ne manque pas de saveur dans le contexte actuel. Ancien directeur général adjoint du FMI et désormais son conseiller spécial, John Lipsky vient d’ailleurs de mettre en garde ces pays à propos d’un brusque retournement du marché.
La fois précédente que les banques se sont trouvées dans cette situation, les Etats ont donné aux banques leur garantie pour qu’elles puissent emprunter dans les meilleures conditions, l’a-t-on oublié ? Mais aujourd’hui, l’aveugle peut-il soutenir le paralytique, selon la formule consacrée ?
Faut-il le répéter : en faisant porter tout le poids de la dette sur les Etats, on n’a contribué qu’à affaiblir dangereusement la qualité de leur signature, comme disent les banquiers. Le système était déjà en manque de points de repères, il est désormais à la recherche d’appuis. Alors qu’il est en Europe face à des restructurations de la dette souveraine dont il n’a pas les moyens. Impliquant qu’il soit renforcé malgré lui, si l’on suit le FMI. Par qui ? Mais inévitablement par les Etats, dans ces conditions, dont on exige la réduction de la dépense par ailleurs ! Cela s’appelle se mordre le bout de la queue.
Prévu pour être lent et progressif (et de plus en plus douloureux), le désendettement ne passe pas ! Il est trop gros pour être avalé, il n’y a pire vérité dérangeante.
Tardivement, une nouvelle préoccupation prend le dessus sur les autres. Sans relance économique, il ne peut pas être repris la main, est-il finalement admis. Mais comment y parvenir, les munitions financières ayant déjà été utilisées – et largement épuisées – seuls les fonds de tiroir pouvant encore être grattés ? Résultat, l’insolvabilité est généralisée, les dettes sont trop élevées.
Il va donc falloir se résoudre à penser l’impensable. Ce que l’on croit voir poindre dans les commentaires et les medias, qui affectaient auparavant de l’ignorer; laissant alors seuls quelques éclaireurs, iconoclastes ou traîtres, s’aventurer sur des pistes inexplorées.
Certes, il y aurait bien encore un dernier refuge de disponible, une stratégie de la dernière chance à employer en désespoir de cause, l’arme suprême de l’inflation. Mais « l’euthanasie des rentiers » – selon la célèbre formule de Keynes que l’on va beaucoup entendre – n’est pas une perspective réjouissante pour le monde de la finance, qui a le plus à y perdre et ne l’ignore pas ! Comment se résoudre à voir fondre sa chère cassette ?
Il va pourtant bien falloir en passer par là ! Le seul choix étant de réveiller le monstre de l’inflation, à ses risques et périls, ou bien de trouver un moyen de restructurer la dette de manière ordonnée. Inutile de dire que nous n’y sommes pas encore, mais cela viendra.
L’impensable ne consiste pas uniquement à apurer le passé en cessant de croire à un miracle, mais aussi de préparer l’avenir. Ce qui suppose de s’atteler à deux questions loin d’être anodines: remettre l’activité financière à sa juste place et rééquilibrer le monde économique. Cela réclame d’être radical dans les deux cas, car il n’y a plus de demi-mesures possibles, elles sont là aussi épuisées. Il est trop tard, les choses sont allées trop loin. Ceux qui veulent s’y essayer s’y brûleront, ne disposant plus de marge de manœuvre.
A propos du rééquilibrage du monde, le débat oppose – rarement dans une grande clarté – les partisans de la mondialisation et ceux qui prônent d’une manière ou d’une autre de la détricoter en élevant des barrières plus ou moins élaborées. A l’heure de l’électronique, on ne construit plus la grande Muraille de Chine…
Mais que veut-on à l’arrivée, au-delà de mesures de protection diabolisées par les apôtres de la mondialisation, ce qui ne les rend pas pour autant acceptables ? Créer un espace économique planétaire viable pour les uns comme pour les autres, car pourquoi exclurions-nous certains ? Au nom de quoi ? Cela implique, si l’on veut y réfléchir, d’élaborer des modèles de développement et de société de part et d’autre de la frontière qui sépare ceux qui vivent dans les pays avancés de ceux qui le font dans des pays émergents (sans oublier les autres). Seront-ils d’ailleurs si différents, ces modèles, à bien y réfléchir ? L’idée est donc d’abattre un mur et non pas d’en construire un autre.
Pour trouver la réponse à cette interrogation, il est conseillé de faire la chasse aux idées toutes faites, aux conventions conformistes et aux rentes… de situation et de pouvoir. La notion de modèle de développement renvoie en effet à la définition de la croissance et à la mesure de la richesse, ainsi qu’à une pratique que réprouvent ceux qui ont du bien : le partage. Abomination d’où a été dérivé l’ironique partageux (le mot a disparu, le dédain est resté).
Or, il se trouve que cette valeur morale est également une valeur économique de première importance, comme la crise actuelle vient de le démontrer, en faisant la preuve par son contraire. Le déséquilibre dans la distribution de la richesse implique d’être compensé par un échafaudage financier de crédit, qui vient nécessairement un moment à s’écrouler. Que les banques, qui le disent et ce n’est pas seulement un élément de chantage de leur part, ne peuvent plus alimenter. Nous y sommes et cela devrait faire réfléchir ceux qui espèrent encore relancer la consommation pour faire repartir la machine. D’où va venir le pouvoir d’achat ?
Mais ce déséquilibre n’existe pas uniquement au niveau d’un pays donné, ou d’une région du monde, il est reconnu comme planétaire. Ne pas y remédier à cette échelle condamne in fine à l’échec. S’entourer de murs n’est pas plus une solution pour les pauvres… que pour les riches.
Où va nous conduire la dynamique de la Grande Perdition, qui se prépare à entamer sa quatrième année ? Il n’y a pas de réponse à cette question. A ce stade, il se confirme déjà que les espoirs de ceux qui pensaient pouvoir repartir comme avant sont illusoires. Ce qui ouvre des portes plus que cela n’en ferme.
182 réponses à “L’actualité de la crise : PENSER L’IMPENSABLE, par François Leclerc”
au regard des prix des cds,il y a des personnes qui doivent rentrer des fleuves d’argent,ah les banquiers…..il faudrait les éliminer avant que le monde s’écroule sur lui même!!!
En mars 2011, la Fed annonce un « profit record de 82 milliards l’an dernier essentiellement grâce aux actifs toxiques qu’elle a achetés aux banques en difficulté durant la crise », alors qu’elle dégageait en moyenne 25 milliards annuellement pendant les 10 ans précédant la crise financière de 2008-2009 source wikipedia
Ma petite entreprise connait pas la crise …
Dette qui roule amasse des intérêts…
En réalité les banques centrales FED et BCE n’ont aucun intérêt à ce que les dettes soient remboursées
la seule croissance qui vaille c’est la croissance de la dette à condition de prétendre le contraire bien sûr.
Bravo!!!! c’est ça le truc !!
La croissance c’est la dette . Nos sociétés n’auraient pu accéder à une telle richesse sans élever des cordilières de dettes grace auquelles elles ont dominé le monde .
Alors , qu’est ce qui cloche dans cette belle mécanique ?
Sommes nous arrivés à une limite dans la surexploitation de la terre et des humains qui grouillent à sa surface ?
Alors quoi , que nous préparent ces cinglés ?
Là je perçois que vous êtes près du but :
Après cela, que reste-il ?
DIRE l’ INDICIBLE
ECOUTER L’INENTENDABLE
Voir l’invisible ???
Sentir l’inodore, toucher l’impalpable ??
« La dé mondialisation n’est pas la fin du libre commerce international, elle n’est que l’outil empêchant l’humanité de connaître de forts grosses déconvenues.
Jean Claude Werrebrouck »
==> http://www.lacrisedesannees2010.com/article-colloque-assemblee-nationale-14-septembre-2011-83935438.html
Extrait :
« La gestion de l’inéluctable effondrement du gigantesque château de cartes financier passe par le rétablissement de l’autorité monétaire : la fin de l’indépendance des banques centrales, le financement direct des Trésors par ces dernières, la renationalisation de la dette publique désormais nourrie par la forte épargne des ménages, l’amaigrissement considérable des bilans bancaires, le rétablissement des planchers de bons du Trésor, et la maitrise des taux de change. Cela ne signifie pas nécessairement la fin de l’euro-zone, mais au moins le passage de la monnaie unique à la monnaie commune.
Mais cela signifie surtout un accord international visant ce que Keynes recherchait avec son bancor en 1944 : un monde où les équilibres des échanges extérieurs de chaque participant est recherché, notamment- mais pas uniquement- par des procédures de modification des taux où – à intervalles réguliers – le « meilleur » se trouve juridiquement obligé de réévaluer et le « moins bon », juridiquement obligé de dévaluer. Le commerce international n’est pas une guerre et les échanges se doivent de viser- autant que possible- l’équilibre. »