Jean Pouillon (1916–2002)

Très peu de mes amis appartenaient à la génération de mon père. Il y en eut deux : Jean Pouillon et François Debauche.

Pouillon m’avait un jour abordé au séminaire de Lévi–Strauss en 1969. Il avait écouté les tirades arrogantes d’un jeune homme de vingt–trois ans à la chevelure et à la barbe abondantes et il m’avait dit : « Bonjour, je suis Jean Pouillon. Si vous avez un jour envie d’écrire, j’aimerais vous publier ». J’attendrais encore quelques années avant de me rendre à son invitation. Nous avions compris que nous pensions de la même manière et nous nous verrions souvent : il passait me voir à Cambridge et partout où le hasard me conduisait. Il racontait avec des mimiques expressives les mésaventures de ses « voyages » en Afrique, l’expression de « terrain » lui semblant excessive pour décrire ses séjours tumultueux au Tchad et en Éthiopie. J’avais lu Jean–Sol Partre avidement dans mon adolescence mais c’est Pouillon qui m’a fait aimer le personnage, dont on devinait dans la manière dont il en parlait qu’il avait dû lui porter une réelle affection.

J’admirais son « Temps et roman », publié l’année de ma naissance et, dans un article, j’en avais un jour dit tout le bien que j’en pensais. Pouillon qui était rédacteur de la revue où le texte paraissait y avait ajouté un post–scriptum qui disait en substance : « L’article de Jorion est si élogieux que j’ai le sentiment qu’il ne me reste plus qu’à mourir, ayant lu ma propre notice nécrologique ».

Jean Pouillon, je pense à vous très souvent.

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3 réponses à “Jean Pouillon (1916–2002)

  1. Avatar de yaz
    yaz

    helas le complexe de zeralda est en piteux état. c en Algérie

  2. Avatar de JLM
    JLM

    @yas

    Ne voulez-vous pas parler de Fernand Pouillon, l’architecte? (trés belle autobiographie, type passionnant).

  3. Avatar de Paul Jorion

    Oui, il s’agit là de Fernand Pouillon. Jean m’avait un jour expliqué que la confusion avait souvent lieu. Ils n’étaient pas parents et ne se connaissaient pas. Philippe Jorion, professeur à l’Université de Californie à Irvine, et moi sommes dans la même situation. La différence, c’est que nous nous connaissons. Malgré les efforts de Bernard Jorion (frère de Philippe), et bien que nos ancêtres viennent de la même minuscule région de Wallonie, notre parenté n’a pas pu être établie.

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