La finance américaine s’attend au pire, la chose est maintenant évidente. Ce qui me le fait penser, ce sont deux indices. Le premier, c’est la manière dont mon baromètre (l’indice ABX BBB–) est reparti précipitamment à la baisse et plus particulièrement la manière dont il s’est mis à désespérer des Asset–Backed Securities les plus récentes. Nous l’avions laissé le 19 septembre (Le baromètre a frémi) quand les prix (en pourcentage) avaient légèrement rebondi. Observez maintenant la manière dont 07–2 (en bleu), lancé au début du second semestre 2007 a petit à petit rejoint ces jours derniers 07–1 (en rouge), dont on aurait pu espérer que la médiocrité resterait inégalée (à 24,5 cents du dollar aujourd’hui). La différence entre les deux indices (en pointillé vert) avait atteint au plus haut 8,4 % il y a deux semaines, le 3 octobre ; aujourd’hui en clôture, le différentiel avait fondu à 2,38 %.
Le deuxième indice que l’on s’attend maintenant au pire, c’est la manière dont des alliances sont en train de se nouer, la manière dont des camps se mettent en place. Je suis certain que je vais devoir y revenir longuement dans les jours qui viennent, en attendant et en bref, les firmes comptables qui avaient pris un mauvais coup lors de l’affaire Enron – on se souvient qu’accusé de collusion avec Enron, Arthur Andersen avait dû fermer boutique – se posent maintenant en parangons de vertu et admonestent leurs clients de coter, quoi qu’il en coûte, leurs avoirs adossés à des prêts au logement (MBS pour prime ; ABS pour subprime) au prix du marché. Ceci suscite une levée de boucliers de la part de la Securities and Exchange Commission (SEC) et du Financial Accounting Standards Board (FASB) qui poussent des cris d’écorchés et clament que c’est à eux de dire ce genre de choses. Coter ces obligations au prix actuel du marché précipiterait la déroute de tous ceux qui en détiennent de grandes quantités, par exemple CitiGroup, le numéro 1 du secteur bancaire américain, dont les bénéfices sont en chute libre (– 57 % au dernier trimestre) et qui tente de créer un fond de soutien à ses Structured Investment Vehicles (SIV) au bord de l’insolvabilité et est parvenu à mobiliser les numéros 2 et 3, Bank of America et J.P. Morgan Chase. Encore que cette dernière ait décidé de s’absenter de la réunion la plus récente, déclarant qu’il ne convenait pas de mettre la charrue avant les bœufs. Absents de marque de l’alliance sacrée : les grandes banques d’investissement de Wall Street, les Goldman Sachs, Morgan Stanley, etc. et les banques européennes. Oui, je pense qu’il faudra que je revienne sur tout ça !
Ah, parce qu’un coup de semonce, ce n’est pas une escalade militaire ? Régulièrement, Poutine rajoute un degré de plus…
5 réponses à “Les grandes manoeuvres”
Effectivement, le pire n’est pas encore atteint, quand on observe les derniers chiffres économiques du NAHB (à 18 soit son plus bas historique ) ainsi que ceux des mises en chantier et permis de construire.
La récession est à venir !
Je n’y croyais pas, jusqu’à il y a encore quelques temps, mais son évidence m’est désormais apparue.
(Mieux vaut tard que jamais :o) )
Bonjour,
Pensez vous qu’il y a un risque fort de voir les EU prendre des mesures protectionistes drastiques face à l’envolée de la concurrence asiatique dans un contexte de faiblesse persistante du dollar ? Y a t il un rapprochement à faire avec la situation de 1987 et la profonde crise des marchés financiers à cette époque ?
Merci de vos réponses.
A propos de ce que dit Marc, deux choses, très brièvement. Est-ce que la situation ressemble à celle de 1987 ? En fait, c’est extrêmement difficile à dire dans la mesure où il existe plusieurs explications concurrentes au crash de 1987 : la plus courante, le program trading, une manière de couvrir, « hedger », son portefeuille dynamiquement est encore utilisée mais je ne l’ai pas vue mentionnée à propos de la crise actuelle. De manière moins spécifique, on peut se contenter de dire que les choses se ressemblent par le simple fait qu’il y a dans l’un et l’autre cas, une crise.
L’Europe va-t-elle sombrer dans le protectionnisme ? Je ne sais pas : si l’Europe parvient à se convaincre que l’Extrême-Orient pratique le dumping et vend en dessous du prix coûtant pour simplement gagner de la part du marché, alors,
« Oui ». Mais c’est difficile à prouver, plus particulièrement dans le cas de la Chine.
[…] Citigroup Revenus en baisse de 57 % par rapport à 2006 à la même époque. La banque a inclus dans son bilan une charge de 6,4 milliards de dollars. Citigroup est le principal acteur du marché des Structured Investment Vehicles (SIV) (voir Comment fonctionnent les SIV) avec une part de marché de 23 % et tente en ce moment de mobiliser Wall Street en vue de sauver ce qui peut l’être encore dans ce secteur (voir Les grandes manoeuvres). […]
[…] avais parlé le 18 octobre dans Les grandes manoeuvres, les firmes comptables dont la réputation avait pris un mauvais coup lors de l’affaire Enron […]