Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Mercredi dernier, Larry Summers a annoncé sa décision d’abandonner à la fin de l’année son poste de directeur du National Economic Council, le groupe de conseillers économiques de Barack Obama.
L’atmosphère se détériorait lentement mais sûrement entre Summers et la Maison Blanche depuis que la relance à 775 milliards de dollars, dont il était le principal maître d’oeuvre, se révélait jour après jour n’avoir été qu’un pétard mouillé. On ne lui pardonne pas non plus d’avoir torpillé la « Volcker rule », l’interdiction pour les banques de spéculer sur fonds propres, « règle » dont seule une version résiduelle ã survécu dans le « financial overhaul ». Summers, de son côté, n’a paraît-il pas digéré que Ben Bernanke soit reconduit pour un second mandat à la tête de la Federal Reserve, la banque centrale américaine : il convoitait en effet le poste lui-même. Nous allons voir dans un noment pourquoi il était tout particulièrement qualifié pour cette fonction. Une autre raison est encore mentionnée pour la disgrâce de Summers, je ne la mentionne pas tout de suite, la gardant précieusement pour la fin.
Lawrence Summers naît sous des auspices favorables pour un futur éconmiste, ayant deux oncles prix (à la mémoire d’Alfred) Nobel d’économie : Paul Samuelson (le père de Larry Summers avait échangé son nom de Samuelson pour « Summers »), et Kenneth Arrow. Ses premiers travaux d’économiste sont consacrés à mettre en évidence que la taxation des revenus des sociétés et du capital sont contreproductives, il en va de même pour les allocations de chômage, dont il « prouve » qu’elles encouragent plutôt celui-ci. À la Banque Mondiale, dont il sera l’économiste en chef de 1991 à 1993, il est l’auteur d’un memorandum qui deviendra instantanément fameux, où il défend l’idée que le tiers-monde étant sous-peuplé, il est aussi sous-pollué et qu’il est donc rationnel d’un point de vue économique que les pays industrialisés y exportent leurs déchets toxiques.
Ministre des finances (Secrétaire au Trésor) de Bill Clinton de 1999 à 2001, Summers se distingue entre autres en mettant son veto, aux côtés d’Alan Greenspan et de Robert Rubin – prédécesseur de Summers aux finances –, à une réglementation des produits dérivés, en étant aussi l’artisan de la suppression du Glass-Steagall Act, la loi qui avait en 1933 interdit aux banques commerciales de se livrer concurremment à des activités de banques d’affaires et en particulier de spéculer sur fonds propres, en ayant aussi forcé la Californie à déréguler son secteur de l’énergie, campagne menée aux côtés de Ken Lay, patron d’Enron, à une époque où cette société menait sur ce même marché – on le sut après sa chute – une fraude à très grande échelle.
Summers fut ensuite de 2001 à 2006, président de l’université de Harvard, poste dont il fut révoqué par un vote des enseignants et des étudiants, en raison d’une série d’« incidents », dont les principaux furent la perte d’un milliard de dollars subie par l’université à la suite d’un swap de taux dont il avait supervisé la mise au point et l’application, son utilisation de fonds appartenant à l’université pour éponger les amendes et restitutions auxquelles fut forcé son ami l’économiste Andrei Shleifer, inculpé de délit d’initié pour avoir joué sur la bourse de Moscou à l’époque où il était l’un des principaux conseillers dans le processus de privatisation et de libéralisation des marchés financiers russes, enfin, last but not least, pour avoir défendu dans une allocution consacrée à la sous-représentation des femmes dans la recherche scientifique, l’hypothèse d’une certaine incapacité à posséder une intelligence supérieure, comme étant la plus plausible.
Voilà donc, brossé en quelques traits, le portrait de l’homme choisi par Barack Obama comme principal conseiller économique à l’époque où circulaient également, comme noms de candidats éventuels, ceux de Joseph Stiglitz et de Paul Krugman – soit dit en passant, les principaux critiques des travaux « scientifiques » de Summers. L’annonce avait eu lieu avant même qu’Obama, fraichement élu, n’entre en fonction. Certains commentateurs – dont votre chroniqueur – en avaient conclu (1) – allez savoir pourquoi – qu’Obama était d’ores et déjà fini.
Avant que je n’oublie, et pour conclure, quelle est la dernière raison avancée par Obama pour le remplacement de Summers à la tête du National Economic Council ? « La nécessité pour lui, dans cette période pré-électorale (« midterm elections » du 2 novembre), d’avoir à ses côtés une personnalité plus sensible aux préoccupations du monde des affaires ». On est aux États-Unis, cela ne s’invente pas.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
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(1) Dans mon billet de février 2009, intitulé Rideau !.
59 réponses à “BFM Radio, lundi 27 septembre à 10h46 – Larry Summers”
Quel beau profil de philanthrope !! C’est souvent à ses hommes clefs et ses éminences grises qu’on peut juger un gouvernement….
Mais ce Larry Summers, c’est pas un type qui gravitait autour de l’étoile noire Bush ? Quel homme extraordinaire ! Effectivement, cela ne peut se passer qu’aux Etats Unis! Quel pays étrange …
Euh, non, cela ne se passe pas qu’aux USA. Dois-je vous rappeler certaines affaires en France?
Au fait, à propos du « TARP », (c’est bien ça ?) dont le billet dit que « la relance à 775 milliards de dollars, dont il était le principal maître d’oeuvre, se révélait jour après jour n’avoir été qu’un pétard mouillé« , il conviendrait de ne pas oublier que tous les économistes, absolument tous, même les plus réfractaires à l’orthodoxie libérale, l’ont soutenu en regrettant du reste qu’on n’en fasse pas autant du côté européen. A l’époque, ne pas lancer un plan de ce genre passait pour suicidaire.
@Crapaud: « même les plus réfractaires à l’orthodoxie libérale »
A dire vrai, et pour être juste, il y a eu des voix discordantes et elles sont venues soit des économistes anti-libéraux, soit des économistes ultra-libéraux. C’est pourquoi Paul Jorion et Loïc Abadie ont pu se retrouver momentanément à dire à peu près la même chose.
Ce plan n’a rien d’orthodoxe par quelque bout qu’on le prenne, c’est une escroquerie pragmatique pure et simple. Evidemment, les économistes mainstream l’ont soutenu, parce que eux n’ont pas d’idées, juste un salaire.
Un gars comme Summers n’a pas d’idéologie, juste ses intérêts. D’où les incohérences. On place ce genre de types souvent dans les ultra-libéraux parce que c’est l’idéologie qui habituellement sert le mieux leurs intérêts. Mais dès que l’idéologie les gêne, ils l’oublient. Si demain il y a une révolution communiste, vous les retrouverez parmi les apparatchiks du Parti.
This is a pretty good presentation for a US tv:
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/warning/view/
Bul de paie de avril 2004; avec 219h40mn qui font 2548,94€ brut
cotsations retraite; sa+pat =416,75€
Réduction fillon; 504,69€
Résultat -87,94€ ce qui me fait penser que le déficit de l’assurance retraite n’est pas près d’être comblé; Mais plutôt chaque mois un peut plus creusé.
Donc ce qui est dit que 1 retraité est financé par 1,5 actif (environ); est faut! En réalité vu l’exemple cité (qui est toujours en vigueur de nos jours mais sous une autre appelation); chaque ratraité (actuel) est financé par 0,8 actif. les jeunes actuel qui seront vieux un jour, ont raisons de ce faire du mauvais sang sur leur devenir.