Billet invité.
L’expérience aujourd’hui massive de l’illégitimité des décisions économiques des actionnaires et des dirigeants et de la toxicité des marchés financiers rend audible – et nécessaire – un discours offensif sur les deux nouveautés inouïes de la pension de retraite : comme salaire continué financé sans accumulation financière, elle apporte une solution déjà largement expérimentée à la souffrance au travail et au sous-investissement.
Souffrance au travail : les salariés font l’expérience de l’impossibilité de bien travailler sous le joug de ce qu’est devenu l’emploi. Soit ils sont interdits de travail par les suppressions d’emplois ou les délocalisations. Soit ils souffrent dans l’emploi de ne pas pouvoir satisfaire leur aspiration à un travail bien fait. La mobilisation pour la retraite doit dire comment sortir de cette impasse.
La réponse, c’est l’expérience du bonheur au travail d’une part notable des 14,5 millions de retraités.
Ils le disent : ils « n’ont jamais autant travaillé » et n’ont « jamais été aussi heureux de travailler ». Ils nous montrent la condition du bonheur au travail : avoir un salaire à vie, être libéré du marché du travail, de l’emploi, des employeurs, de la dictature du temps de travail. Le jour où un salarié prend sa retraite, c’est à sa personne qu’est attribuée la qualification de ses meilleurs postes de travail : c’est pourquoi son salaire est désormais irrévocable, plus aucun employeur, plus aucun passage par le marché du travail, ne viendront remettre en cause son salaire. Il peut enfin donner libre cours à sa qualification.
Ce qui est bon après 60 ans est bon avant : dès 18 ans, toute personne doit se voir attribuer une qualification et un salaire irrévocables, qui ne pourront que progresser au fur et à mesure qu’elle déploiera ses capacités. Nous ne pouvons pas travailler sans l’organisation et les contraintes d’un collectif de travail, mais nous pouvons travailler sans employeurs, c’est-à-dire sans quelqu’un qui ait droit de vie et de mort sur notre existence au travail.
Sous-investissement : les peuples font l’expérience du caractère prédateur de marchés financiers qui pratiquent des taux et des retours sur investissement usuraires. Or il faut insister sur le fait que leur prétendu « apport » est en réalité un vol. Pour financer une entreprise, un investisseur n’apporte rien d’autre qu’un portefeuille de titres financiers qu’il doit convertir en monnaie, ce qui suppose que celle-ci préexiste, comme expression de la valeur ajoutée que notre travail est en train de produire. Le détenteur de titres va exercer un droit exorbitant de propriété lucrative pour en ponctionner une partie, dans une opération parasitaire.
Là encore, la retraite apporte la réponse : les engagements massifs et de long terme que représentent les pensions – presque aussi massifs et de plus long terme que l’investissement – sont financés sans aucune accumulation financière.
Les 13% du PIB consacrés aux pensions sont financés au fur et à mesure de la création de la valeur ajoutée par une cotisation sociale (à hauteur de 25% du salaire brut) et affectée à des caisses qui la transforment en prestation. De la même façon, les 18% du PIB consacrés à l’investissement doivent passer à 25% et peuvent être financés par une cotisation économique prélevée sur la valeur ajoutée (à hauteur de 50% du salaire brut) et affectée à des caisses d’investissement qui financeront les entreprises sans aucun taux d’intérêt. Cela donnera un élan considérable à l’investissement tout en le démocratisant, puisque les représentants des salariés siègeront dans ces caisses alimentées par une partie du salaire.
Les retraites, ça marche, prolongeons leur dynamique subversive des principales institutions du capital en nous appuyant sur leur réussite pour remplacer l’emploi par le salaire à la qualification à vie et le droit de propriété lucrative par la cotisation économique.
Il est temps que les opposants à la réforme sortent d’un discours défensif comme en témoigne l’autocensure sur la revendication de hausse du taux de cotisation patronale. Il est gelé dans le régime général depuis 1979 et depuis la fin des années 1990 à l’ARRCO-AGIRC, et en baisse massive depuis plus de 10 ans pour la moitié des salaires du privé (et 20% de ceux du public) du fait des exonérations. Or la hausse du taux de cotisation patronale, bien au-delà de l’indispensable suppression des exonérations, est une forme majeure de hausse des salaires d’une population de salariés qui compte un nombre croissant de retraités. Pour abolir les réformes et consacrer aux pensions 20% du PIB en 2050, il faudrait dans l’immédiat l’augmenter de 8 points (4 points de PIB) pour rattraper le temps perdu et ensuite l’augmenter de 0,5 point chaque année, soit un quart de point de PIB, le sixième de la croissance annuelle moyenne. C’est-à-dire pas grand-chose.
La revendication de plein emploi comme solution au financement des pensions (comme si ça n’était pas d’abord le gel ou le recul du taux de cotisation patronale qui expliquait les difficultés des régimes) doit être interrogée. On comprend bien ce qu’elle sous-entend : que chacun soit au travail dans de bonnes conditions. Mais c’est précisément le plein emploi qui s’oppose à cette aspiration fondamentale. Il faut le répéter contre les prénotions qui empoisonnent nos représentations : nous sommes aujourd’hui plus près du plein emploi que dans les prétendues trente glorieuses, et c’est pourquoi le travail est dans un tel malheur. Plus près du plein emploi en France : le taux d’emploi des 20-60 ans est aujourd’hui de 76% alors qu’il était de 67% par ex. au recensement de 1962 (on oublie toujours les femmes quand on parle du « plein emploi fordiste »), et la qualité de l’emploi est bien supérieure avec l’invention du CDI dans les années 1970. Si le CDI a révélé la précarité (il faut qu’il y ait une norme pour que soient mis en forme les écarts à la norme) il ne l’a pas créée, et les petits boulots étaient plus nombreux dans les années 1950 qu’aujourd’hui. Au niveau mondial, n’en parlons pas : la salarisation massive dans les pays émergents, comme on dit, étend très rapidement la logique de l’emploi. Ne cherchons pas ailleurs les raisons du chômage (il n’y aurait pas de chômage si c’étaient les personnes et non pas les emplois qui étaient qualifiés) et du malheur au travail : plein emploi, ça veut dire plein d’employeurs, plein de dictature de la marchandise et du temps de travail, plein de compétition entre salariés réduits à de la force de travail. Tous les qualificatifs que l’on peut ajouter au plein emploi (vrai plein emploi, plein emploi solidaire, etc…) ne changent rien à la chose. L’emploi nous contraint à nous en remettre aux actionnaires et aux employeurs pour décider du travail : qui travaille, où, pour quoi faire. La financiarisation des entreprises et la globalisation du marché du travail font de cette contrainte une source inépuisable de malheur au travail et de sous-investissement.
Insister sur l’alternative qu’offre la pension comme salaire continué suppose de sortir de notre approche naturalisée du travail qui le confond avec l’emploi. Il n’y a aucune essence du travail. Le travail est la part de notre activité à laquelle une valeur est attribuée, mesurée par la monnaie. Cette attribution passe par une institution de conversion de l’activité en travail. Au vingtième siècle, cela a été l’emploi. Qu’on songe, parmi mille exemple, à la transformation en travail de l’activité de soutien à la perte d’autonomie lorsque les femmes vouées au soin de leurs parents âgés (elles n’avaient pas d’emploi et donc « ne travaillaient pas ») ont été remplacées par des « travailleuses au domicile ». Or l’emploi, dans le conflit salarial, a été la matrice d’une institution qui le subvertit : le salaire à vie des pensionnés. Le bonheur au travail d’une forte minorité d’entre eux pose la question suivante : travailler, est-ce tenir un emploi (qualification du poste) ou avoir un salaire à vie (qualification de la personne) ? Le salaire à la qualification à vie des retraités transforme leur activité en travail. Le salaire à vie est très supérieur à l’emploi pour assumer notre aspiration à contribuer au bien commun, car ce qu’il définit comme travail s’en rapproche davantage que ce que l’emploi désigne comme travail. Parce qu’il doit valoriser du capital, une bonne partie du travail fait dans l’emploi est contre-productif, toxique, anti-démocratique. On ne peut pas en dire autant du travail fait dans le salaire à la qualification à vie. Pour passer du plein emploi à la pleine qualification, il faut dépasser un discours convenu qui veut que les retraités certes « ont des activités utiles » mais ne travaillent pas et sont à la charge des actifs. Ce sont les retraités qui produisent la richesse correspondant aux 13% du PIB qui leur reviennent. Il faut arrêter de placer une prétendue « solidarité intergénérationnelle » au « cœur du lien social ». Le cœur du lien social, c’est la lutte de classes, et la solidarité salariale dans l’action collective contre la réforme des retraites est l’occasion de lui faire franchir un pas décisif en prolongeant ce qu’a déjà de révolutionnaire notre présent.
Un scénario raisonnable peut être le suivant :
- • Pension à 60 ans égale à 100% du meilleur salaire (porté au SMIC si inférieur) quelle que soit la durée de cotisation : 60 ans est l’âge politique d’entrée dans une seconde carrière ;
- • Hausse des salaires directs et du taux de cotisation patronale pour récupérer sur cinq ans les 10 points de salaire perdus du fait de la décélération des salaires directs et du gel des taux de cotisations patronales ;
- • Interdiction de toute hausse de revenu supérieure à la hausse des salaires directs.
- • Attribution à tous d’une qualification personnelle avec salaire à vie en commençant par les entrants (cohorte de 1992 en 2010, de 1993 en 2011…) et mise en place des caisses des salaires par mutualisation progressive des salaires directs : vers l’abolition du marché du travail
- • Création d’une cotisation économique (10% du salaire brut en 2010, 20% en 2011, … 50% en 2014) et mise en place des caisses d’investissement : vers l’abolition du droit de propriété lucrative.
296 réponses à “La pension comme salaire continué, solution aux impasses dans lesquelles sont aujourd’hui le travail et l’investissement, par Bernard Friot”
Bernard Friot me fait savoir qu’il n’a pas la possibilité de répondre aux commentaires dans l’immédiat mais qu’il le fera sans faute vendredi.
Et il est où le Nanard? En vacances différées continues?
Le paiement de l’allocation universelle sur base de la qualification de la personne permettrait de rémunérer un travail très important qui aujourd’hui est accompli de manière totalement bénévole, à savoir le travail au foyer des femmes.
L’allocation universelle pourrait ainsi révolutionner toute la vie des femmes et donc des hommes et donc des familles. Un nouveau paradigme source d’épanouissement et de plus grande liberté pourrait en effet se mettre ne place à travers cette atteinte à la toute-puissance des employeurs que représente la paiement d’une allocation indépendante de la situation sur le marché de l’emploi.
Pn peut parier que l
« la toute-puissance des employeurs » mais il faut bien comprendre que eux aussi sont directement menacés par le système actuel.
Les employeurs savent que l’emploi disparait, donc in fine eux aussi. C’est aussi cynique que ça.
Ils vont essayer à tout pris de conserver le système actuel, mais nous savons ici que ce ne sera pas possible.
Alors il est temps de penser à faire a révolution du « salariat », la vraie.
Quel est le triptique actuel à mettre en face de celui de la Révolution Française (Clergé/Nobles – Bourgeoisie – tiers Etat)….Faudrait pas reproduire les mêmes schémas
Merci M. Friot
Le paiement de l’allocation universelle sur base de la qualification de la personne permettrait de rémunérer un travail très important qui aujourd’hui est accompli de manière totalement bénévole, à savoir le travail au foyer des femmes, en plus souvent de leur travail d’ »employée » sur le marché du travail.
L’allocation universelle pourrait ainsi révolutionner toute la vie des femmes et donc des hommes et donc des familles. Un nouveau paradigme source d’épanouissement et de plus grande liberté pourrait en effet se mettre ne place à travers cette atteinte à la toute-puissance des employeurs que représente la paiement d’une allocation indépendante de la situation sur le marché de l’emploi.
On peut parier que non pas la paresse mais bien la créativité encouragée par l’échange d’informations formidable que permet Internet s’en verrai décuplée. C’est travailler pour un employeur qui rend paresseux.
Enfin un autre son de cloche sur les retraites.Evidemment, certains vont crier au scandale, ce n’est pas possible , c’est de l’utopie, ça va nous conduire au goulag etc. OUI UN AUTRE FUTUR EST POSSIBLE, A NOUS DE LE PRENDRE EN MAIN. Merci pour vos propositions, il y a peut-être d’autres personnes intelligentes qui en ont d’autres aussi.
@Bernard Friot
Mêmes questions que Zébu plus haut :
Cette qualification à vie, qui l’attribue ? Des experts es qualification ?
Quand ? A l’entrée dans la vie active ? au sortir de la scolarité ?
En fonction de quels critères ? Le niveau d’études atteint ? La vocation présumée ? Le caractère prétendu de l’individu ?
Une fois laissés de côté les faux problèmes démographiques, les inventions sectorielles pratiques (les jeunes), reste que la différence entre avoir vécu (retraité) et débuter dans la vie (être jeune) c’est le devenir. Entre jeune et vieux, il y a le temps. C’est ainsi – et c’est bien.
Or, si nous sommes tous des personnes (des êtres), et que de ce point de vue la qualité de « qualifié » me parait éminemment représenter un bond hors du tragique « demandeur d’emploi », il me semble néanmoins que l’attribution d’une « qualification à vie » pose quelques problèmes. Notamment en ce qu’elle procède d’un double enfermement du coté du fixe comme du fixé par autrui (vs la réappropriation de son identité professionnelle mobile et complexe).
Mes réserves étant énoncées, j’attends impatiemment vos arguments.
Malheureusement pas avant vendredi, comme Paul Jorion le signalait plus haut.
à Piotr
« Je crains qu’un système hyper-égalitariste ne soit liberticide et sclérosant ».
Sur cette crainte le capitalisme a pris son envol et muselé toute contestation.
J’ai attrapé le français un peu tard, pardon si je vous ai mal lu.
Cà vaut mieux que d’attraper la scarlatine!
Ce texte est intéressant car il porte beaucoup de réflexions symptomatiques de notre société.
Il stygmatise et généralise . Je rejoins donc les réponses de Betov et beaucoup d’autres.
Stygmatisation, généralisation de tous quelque soient les ages, les motivations de travail et de gestion de leurs rémunérations, bref Friot nous proposer la parfaite société standardisée robotisée.
Etant jeune, l’une de mes craintes est de voir le fossé se creuser entre cette génération de vieux qui délirent totallement dans leurs privilèges avec ce genre de discours et ma génération celle qui est souillée et sacrifiée sur l’autel de leur betise et de leur suffisance.
Et les fameux retraités que vous portez en stakhanovistes modèles de votre nouvelle société, où travaillent ils pour être si heureux ? dans leurs fauteuils à regarder Derrick pour augmenter les revenus d’EDF et de la redevance télé ? Ou ceux qui jouent au tarot ou qui sont en croisière ?
Vous n’évoquez bien sur pas le délitement générationnel qui s’exacerbe et qu’il est pourtant absolument nécessaire de réduire dans un système par répartition qui prétend à la pérennité.
Et pas non plus le sentiment d’exclusion de la société de beaucoup de retraités une fois qu’ils sont en dehors de ce champ conventionnel du travail avec leurs sentiments d’inutilité etc…
Donc voila une contre-proposition Démocrate à Mr Friot :
Les retraités ont le droit et le devoir en tant que citoyens bénéficiants de revenus octroyés par le contrat social de participer à la pérénnité de ce contrat.
Dès qu’une personne atteint la retraite et tant qu’elle est physiquement et mentalement valide, elle doit donner à la société une partie de son temps dans des secteurs non marchands (ou marchands pour du conseil) qu’elle choisi pour bénéficier de l’intégralité de sa pension de retraite.
Ce temps est bien sur dégréssif en fonction des années.
Elle a le droit de refuser de participer à cet Effort de Reconstruction Economique mais perd à ce moment là une grande partie de sa pension, ne lui laissant qu’un minimum vital pour vivre.
Voila une première proposition de responsabilité citoyenne et de cohésion sociale.
Vous tous qui êtes à la retraite sur ce blog vous seriez heureux n’est ce pas de vous sentir utiles à votre pays et de contribuer à la survie d’un modèle que vous chérissez tant ?? : )
Je pense que ca c’est une proposition révolutionnaire d’une société changeant de paradigme sociétal.
Votre analyse me semble biaisée par un a priori : une lecture conflictuelle des rapports inter-générationnels.
Vous ne faites qu’ajouter un bouc émissaire convenu à la liste des « usual suspects ».
Moi, un a priori ? Bien au contraire je dénonce la frontière sociale et générationnelle que représente le passage à la retraite.
Je dénonce ce constat d’une fracture grandissante à vouloir opposer actifs/retraités jeunes/vieux qui lui est bien réel, et il va s’exarcerber en laissant la situation actuelle ne pas bouger car elle deviendra intenable.
Pas besoin de moi donc pour ce supposé a priori. Le monde politico médiatique fait très bien son travail pour constamment alimenter ce conflit.
Quant au bouc émissaire, je donnerai pas le plaisir au citoyen Friot et son idéologie de se positionner en victime.
Je crois que vous n’avez pas bien lu le texte que vous caricaturez grossièrement. Que vous trouviez les propositions de Bernard Friot farfelues, c’est une chose. Que vous l’imaginiez en « vieux qui [délire] totalement dans [ses] privilèges », pardon, vous faîtes fausse route. C’est marrant, voilà un type qui passe son temps à refuser les catégories simplistes et vous décidez qu’il « stigmatise ».
Cette émission chez Mermet pourra vous renseigner d’avantage sur le personnage ; l’intervenant n’est pas désagréable. Mais écoutez-la jusqu’au bout, déjà qu’il y résume des années de travail en 40 minutes, il ne faudrait pas que vous profitiez d’une oreille approximative pour vous autoriser des remarques trop convenues :
thttp://www.toofiles.com/fr/oip/audio/mp3/bernard_friot_daniel_mermet_france_inter_23062010.html
@ Michael Saratoga dit : 6 juillet 2010 à 13:28
« Etant jeune, l’une de mes craintes est de voir le fossé se creuser entre cette génération de vieux qui délirent totalement dans leurs privilèges avec ce genre de discours et ma génération celle qui est souillée et sacrifiée sur l’autel de leur bêtise et de leur suffisance. » dites-vous.
Cela me surprend d’entendre un jeune parler ainsi de ses aînés.
Ne vous a-t-on pas enseigné autre chose que la haine de l’autre comme exutoire à la haine de soi ? Que reprochez-vous à ceux qui vous ont précédé et à qui vous devez d’exister, même si votre existence n’est pas aussi facile que celle dont vous pourriez rêver ?
Chaque génération est bien obligée de prendre la situation qui s’offre à elle et, en accomplissant sa propre mission, de faire en sorte que ceux qui prendront sa suite accomplissent la leur pour que l’espèce humaine se perpétue quels que soient les tourments du monde.
Je connais une vieille dame de 96 ans qui a commencé à 13 ans comme servante de ferme et qui doit dépenser 2000€ par mois pour recevoir les soins d’une maison de retraite, alors que ses revenus de retraite ne sont que de 1000€. Comme elle et son mari ont travaillé très dur tout au long de leur vie, elle finance les 1000€ manquants grâce à ses économies.
Sachant, ses jours comptés, elle a pris des dispositions pour que ce qui restera de son pécule laborieusement constitué aille chez ses descendants. Vous en profiterez peut-être par ricochet dans quelques années si vous entrez par alliance dans sa famille, qui sait ?
Je me garderai bien de lui rapporter vos propos de crainte de hâter sa fin, elle qui de toute sa vie a enseigné à ses enfants et petits enfants le respect de toutes les personnes, jeunes ou vieilles, riches ou pauvres quelle que soit leur qualification professionnelle de départ.
Je me garderai bien aussi de lui faire part de cette proposition de salaire irrévocable dès 18 ans qu’il y ait travail ou pas ; elle qui a toujours dit à ces descendants, « avant de penser à dépenser de l’argent, songe à le gagner par ton travail » Que pourrait-elle penser de l’idée d’un salaire perçu sans travailler, rien que sur la base d’une qualification définie on ne sait par qui ni comment. Si c’est comme pour les diplômes délivrés maintenant : bonjour les dégâts. http://www.pauljorion.com/blog/?p=13394#comment-92567
En tous les cas il y a une chose que je ne lui dirai pas. C’est le fait que ce projet émane d’un économiste. Comme elle est un peu sourde elle me ferait répéter et répondrait : « Economiste ! Economiste ! Et bien heureusement que je ne lui ai pas confié mes économies ! »
Avec 20 ans de moins qu’elle, je me dis qu’effectivement, le bon sens populaire, le pragmatisme, le réalisme, le sens critique et moral, ont tellement été malmenés dans nos sociétés modernes que l’avenir de l’humanité est en cause.
A vous les jeunes de relever le défi et de montrer ce dont vous êtes capables !
Méfiez-vous malgré tout de ceux qui désignent aux peuples des boucs émissaires, c’est ce qui a été employé dans les années 30. Vous savez où cela à conduit.
@Jducac
Je suis surprise que vous soyez étonné par le commentaire de Michael Saratoga.
Le sentiment d’amertume qu’il exprime me semble particulièrement révélateur de l’état d’esprit de beaucoup de jeunes gens entrant dans la vie active et ne faisant plus aucune illusion sur le futur qui les attend.
Le sociologue Louis Chauvel, que l’on a beaucoup entendu au moment des manifestations anti-CPE, a du reste fort bien montré l’écart significatif entre la progression des conditions de vie des générations dont vous vous faites l’écho et celle allant en se dégradant des générations postérieures. Pour le dire simplement, il me semble que vous omettez que cette dame a pu faire des économies substantielles (peut-être même en ne partant de rien), tandis que ses descendants, même avec toute la meilleure volonté du monde, ne pourront probablement plus mettre un centime d’euro de côté, si tant est évidemment, qu’un euro mis de côté vaille encore quelque chose à la fin.
Sans vouloir stigmatiser quiconque, ni enfermer les citoyens dans des catégories hermétiques, il me parait tout de même important qui nous puissions interroger sereinement les responsabilités des uns et des autres. Car enfin, si la responsabilité – comme vous aimez le rappeler – s’apprend, elle doit pouvoir également être mise en cause.
L’anxiété croissante des actifs, comme la colère des jeunes contre les dépenses jugées vaporeuses de leurs aînés, est un élément à ne point ignorer. Précisément si nous voulons éviter que les pires populistes s’en resservent.
et ne se faisant plus (etc).
@ Martine Mounier dit : 8 juillet 2010 à 19:13
Si j’ai réagi au commentaire de Michael Saratoga, c’est parce qu’il s’en prend à des plus anciens que lui. Peut-être ai-je tort, mais je pense que toute personne doit se sentir redevable à l’égard des générations qui l’ont précédé.
Si elle ne le fait pas, c’est qu’elle n’a pas mesuré ce qu’il en a coûté, depuis la nuit des temps, à tous ses ancêtres qui ont du surmonter les difficultés de leur temps pour assurer la perpétuation de l’espèce et donner ainsi à chacun des vivants d’aujourd’hui, la possibilité d’exister. Toutes les générations ont jusqu’alors eu des intentions bienveillantes en faveur des générations suivantes, même si parfois, ce qu’elles ont cru bon pour leurs successeurs, s’est révélé néfaste en final.
B.Frio et les gens de sa génération, sont bien intentionnés lorsqu’ils proposent leur formule de salaire irrévocable à 18 ans qu’il y ait travail ou non en échange. Au contraire, ils ne veulent que du bien aux jeunes et aux chômeurs sans se rendre compte que la formule proposée conduirait à un sabordage général du pays à moins que par miracle notre terre se transforme en un vaste paradis terrestre dans lequel il suffirait de puiser sans fournir aucun effort.
Ce ne sont pas les générations qu’il faut monter les unes contre les autres, mais les idées qu’il faut confronter les unes aux autres, en s’appuyant sur des arguments prenant en compte toutes les données des problèmes à résoudre.
C’est en cela que ce blog est extrêmement utile. Il permet des échanges d’idées et d’arguments de manière constructive pour peu que les intervenants visent à confronter des conceptions, non des idéologies ou des personnes.
Nos systèmes de retraites par répartition, mis en place à l’après guerre, ne procèdent pas du même concept que les systèmes de capitalisation. Cela aurait mérité à l’époque, de faire une analyse objective des avantages et des inconvénients sans a priori. Malheureusement, dès lors que l’un comportait le mot capital, il était voué à l’époque comme aujourd’hui encore aux gémonies de nos concitoyens tout imbibés des pensées marxistes basées sur l’opposition entre capital et travail alors qu’il vaudrait mieux, à mon sens, faire apparaître l’intérêt des collaborations entre les deux entités.
J’ai écouté l’exposé en 5 parties donné par Louis Chauvel. Merci de l’avoir signalé. Vu son âge, le conférencier n’est pas neutre pour souligner les écarts entre générations de retraités. En tous les cas il ne fait rien pour ne pas monter les générations les unes contre les autres.
Il ne signale pas les avantages des retraites par capitalisation qui, si on avait adopté ce système en 1945, aurait réduit les disparités de charges en fonction des générations plus ou moins confrontées au chômage. Imaginez ce que serait notre situation si l’on avait capitalisé en 45 et constitué des stocks, de charbon et de métaux dont maintenant notre sous sol est totalement dépourvu. J’ai fait une longue intervention sur ce sujet à l’attention de Jean-Luc, malheureusement, je ne la retrouve pas.
Les fluctuations dans la marche du monde sont aléatoires, ce ne sont donc pas les générations qui décident de leur propre sort.
Mais, avec 68 l’avènement des attitudes hédonistes et égoïstes a amené chaque génération à regarder ce que détient la génération précédente et à s’y attaquer. En 68 les anciens disposaient d’une sorte de privilège d’autorité qui s’est vue malmenée et remise en cause avec « il est interdit d’interdire » Le privilège d’autorité a tellement été sapé chez les parents que maintenant ce sont les plus jeunes qui décident, dès le premier âge. Rien de mieux pour préparer le futur.
La génération des enfants de ceux qui avaient 20 ans en 68 ont hérité du travers de leurs parents. Ils sont eux, jaloux des conditions d’existence qu’auront connues leurs parents et annoncent qu’à partir de 2015 ça pourrait poser problème au point de nécessiter de s’attaquer à ce privilège insupportable.
En phase de croissance, chaque génération vit mieux que la précédente, et lègue à celle qui la suit, le capital qui lui reste.
En phase de décroissance, chaque génération est appelée à vivre moins bien que la précédente, et lègue à celle qui la suit les dettes qu’elle laisse.
Serait ainsi que s’éteignent les civilisations ?
Heureusement que nos anciens ont inventé l’argent, cela laisse une étape supplémentaire avant que les jeunes mangent les vieux.
@Jducac
Puisque vous me rétorquez parti pris considérant la tête de Louis Chauvel – même si à mon sens, c’est l’honnêteté d’une l’argumentation qui définit l’intérêt d’un énoncé, et non la prétendue objectivité de l’auteur -, je vais vous citer quelques phrases d’un philosophe pour qui j’ai le plus grand respect.
Voici ce qu’il confiait à un journaliste, toujours au moment des manifestations anti-CPE :
« La guerre, toutes les guerres, sont ce que j’appelle à présent les meurtres des fils. Les deux guerres mondiales, ce sont des vieillards, à Berlin et à Paris, qui s’entendent pour qu’on massacre leurs propres fils. A chaque fois c’est pareil, nos sociétés ont toujours massacré leurs enfants. Chaque génération recommence. Pour la première fois dans l’histoire, depuis 60 ans nous n’avons pas connu de guerre. Mais les pères d’aujourd’hui ont inventé autre chose pour tuer leurs fils, cela s’appelle le chômage et la précarité. »
Le philosophe qui s’exprime ainsi dans les pages du journal le Parisien, c’est Michel Serres. Michel Serres est né, si j’en crois Wikipédia, en septembre 1930 ; nous sommes au printemps 2006, vous faites le calcul : on ne peut pas vraiment dire qu’il prêche pour sa paroisse !!! Et comme on ne peut pas davantage penser raisonnablement que Michel Serres souhaite « lever les générations les unes contre les autres », je serais curieuse de savoir ce que vous allez pouvoir en dire.
jducac dit :
En phase de croissance, chaque génération vit mieux que la précédente, et lègue à celle qui la suit, le capital qui lui reste.
C’est faux et de plus en plus faux. Non, la croissance (économique) n’est pas la prospérité. De nombreuses études le démontrent depuis des décénnies (et certains la remettent en cause depuis bien plus longtemps). La croissance économique non seulement détruit la planète mais détruit aussi l’humain.
Et de quel capital parlons-nous ? De fric càd d’argent que les uns réclament aux autres avec intérêts ? N’oubliez jamais que face à chaque euro épargné se trouve un euro emprunté, ce sont les deux faces de la même chose. S’il y a épargne, il y a obligatoirement emprunt/dette et vice-versa, l’un ne va pas sans l’autre. Quand vous blâmez les emprunteurs, vous devez tout autant blâmer les épargants car ce sont les deux faces de la même chose.
jducac dit :
En phase de décroissance, chaque génération est appelée à vivre moins bien que la précédente, et lègue à celle qui la suit les dettes qu’elle laisse.
Là encore, c’est faux. J’entends faire une distinction entre décroissance et récession. D’ailleurs «nos» responsables parlent de «croissance négative», montrant ainsi l’absurdité d’un système qui impose la croissance!
Et de quelles dettes parlons-nous ? Que penser d’une génération qui pille, pollue et détruit la planète et l’humain ? N’est-ce pas un dette bien réelle autrement plus lourde que de simples dettes financières qui ne sont après tout que des promesses qui s’avèrent être mensongères ?
@ Martine Mounier dit : 9 juillet 2010 à 20:26
Avant de vous répondre sur les déclarations de Michel Serres, je me dois de revenir sur Louis Chauvel que, probablement, j’ai découvert grâce à vous ; je n’ai jamais eu une bonne mémoire, mais en vieillissant, c’est pire.
Je condamne le fait qu’il ne fait rien pour concilier les générations au contraire, mais je me dois de dire que ces vidéo m’ont impressionné positivement sur le sociologue. Il est très à l’aise, son ton est modéré et son argumentation est claire; il doit être intéressant à suivre lors de débats contradictoires. C’est donc quelqu’un à prendre en considération, sans que son statut et son renom interdisent de porter une analyse critique sur ses déclarations.
Le fait qu’il aborde les retraites du monde anglo-saxon en disant qu’elles posent moins de problèmes inter générationnels sans donner un minimum d’explication sur les causes, montre à mes yeux, qu’il n’est pas exempt de parti pris anti capitalisation. Voyez en 5ème séquence vers 3,35
Quant à Michel Serres ce brillant philosophe académicien, attaché à la vulgarisation des approches philosophiques, je le connais un petit peu par ses chroniques sur France Info. Dans le texte que vous m’avez proposé, je suis tombé en arrêt sur deux formules qui après vérification, me semblent exagérées.
La première est percutante : « ce sont des vieillards, à Berlin et à Paris, qui s’entendent pour qu’on massacre leurs propres fils ». Voila une bien curieuse façon d’expliquer l’histoire. Des vieillards qui vont jusqu’à « s’entendre » pour massacrer leurs propres enfants comme si ces guerres avaient eu comme but de massacrer. Non, à mon humble avis, les massacres ont été des conséquences acceptées et non les buts des guerre. Même les exterminations juives, tziganes et autres qui ont été voulues et répondaient à un but, ne faisaient pas, je crois, partie des objectifs initiaux de guerre. Elles ont été facilitées par la guerre, c’est sûr.
Imaginez un instant la scène de ces réunions de vieillards à Berlin et Paris qui commencent leurs travaux en ces termes « nous nous réunissons pour nous entendre afin de massacrer nos fils » ? A première vue c’est grotesque.
La seconde est tout aussi incisive : « Mais les pères d’aujourd’hui ont inventé autre chose pour tuer leurs fils »
Vous savez comment fonctionne un inventeur. Il part d’un problème à résoudre, une fonction à assurer et il imagine une solution nouvelle pour la réaliser de façon plus efficace que ce qu’on a pu faire jusqu’alors. Vous voyez où je veux en venir. Imaginez des pères qui ont un problème à résoudre : celui de tuer leurs fils. Ils cogitent pour inventer une nouvelle forme de meurtre et eurêka, ils ont trouvé une chose nouvelle qui s’appelle chômage et précarité, il n’y qu’à la breveter tant qu’on y est.
Là aussi, le chômage et la précarité me semblent être des conséquences indésirées plus que des créations destinées à satisfaire une fonction d’extermination.
Non monsieur Michel Serres n’est pas crédible et entame son honneur et sa respectabilité quand il énonce des horreurs de la sorte. Je mets au défi quiconque de présenter un seul père qui se reconnaîtrait dans une démarche de cette espèce.
En conséquence, au risque de choquer, je pense que l’intention première de l’auteur de ces déclarations est de monter les générations de jeunes contre celles de leurs ainés. Je vais même jusqu’à imaginer que la démarche pourrait dissimuler une part de lâcheté. Je condamne les plus faibles, les vieillards, catégorie à laquelle j’appartiens par mon âge, et, comme je me place dans le camp des classes montantes donc les plus fortes à terme, j’ai de meilleures chances de sauver ma peau en me plaçant à priori dans le camp des vainqueurs. Quelle grandeur d’âme ! Du populisme peut-être même!
C’est terrible de présenter les choses ainsi, s’agissant de Michel Serres. Montrez-moi en quoi j’interprète mal ses propos.
@Jducac
Je suis ravie que ayez choisi de dépasser un certain à-priori concernant le sociologue Louis Chauvel. Peut-être cela vous donnera-t-il envie de lire « Les classes moyennes à la dérive » paru aux éditions La République des idées, chez Seuil, c’est un petit livre extrêmement riche de chiffres et très rigoureux.
Concernant Michel Serres, je comprends que l’âpreté de discours vous blesse. Souvent le philosophe regarde le monde tel qu’il, sans complaisance, et je n’ai personnellement aucune difficulté à lire dans ce genre de propos bien plus de bienveillance que de haine.
Il s’agit en fait ici d’un avertissement, celui-ci s’inscrit dans la ligne du message juif et chrétien que cesse le sacrifice d’Abraham. L’histoire n’est pas nouvelle, vous voyez. Les humains sont complexes ; ils vont avec leur désir de création et leur désir de destruction tout ensemble. On parle souvent du meurtre du père, pourquoi ne pas parler du meurtre symbolique des fils, autrement dit de ce désir d’empêcher que la vie ne s’épanouisse, ne s’étende, ne mute, tant il peut être difficile de concevoir que la vie se poursuive sans nous.
Au fond, Michel Serres ne fait rien d’autre que d’interroger une fois encore le désir de jouissance sans fin. C’est étrange mais il semble me souvenir que vous ne disiez pas tellement autre chose concernant un certain… mai 68 ! 😉
@ Martine Mounier dit : 12 juillet 2010 à 11:55
Seriez-vous en train de me décevoir ?
J’avais cru rencontrer une contradictrice sérieuse, capable de reconnaitre éventuellement l’infériorité de sa propre argumentation et pourquoi pas aller jusqu’à donner raison à son contradicteur, comme je crois avoir su le faire avec vous au sujet du care.
Là vous aviez l’occasion de le faire dans l’autre sens quitte à adoucir ma condamnation.
Non, vous me dites en l’occurrence que Michel Serres pense le contraire de ce qu’il écrit, et que de ce fait j’ai mal compris un philosophe plutôt vulgarisateur par nature, donc employant des mots simples pour donner un sens à son discours afin qu’il soit accessible au plus grand nombre de ses lecteurs.
Or, Michel Serres a écrit ce texte au moment des mouvements anti CPE, on peut penser qu’il l’a fait pour soutenir ces mouvements et que tel qu’il l’a rédigé, il souhaitait le déchaînement des haines et des désordres sans quoi il aurait employé d’autres mots. N’allez pas me dire qu’il n’était pas conscient de ce pouvaient provoquer ses propos pyromanes.
Quand Alain Bentolila déclare dans le Figaro du 01/07/2010 « Aujourd’hui, mes étudiants français de licence de linguistique sont pour un tiers environ incapables de mettre en mots leur pensée de façon cohérente et explicite » Michel Serres sait à quelle population il s’adresse. Il sait que pour être accessible, il faut parler simple, dur, sans nuances et ne pas craindre l’outrance pour provoquer ce que certains cherchent : l’effondrement de la société en faisant s’opposer les uns aux autres, notamment les fils à leurs ainés.
C’est une basse et lamentable technique qui consiste à désigner des boucs émissaires, comme B. Friot le fait aussi de son côté avec les employeurs. Peu importe qui ils sont pourvu qu’il y en afin de cristalliser des haines.
Pour être né, comme moi, dans les années trente, Michel Serres sait où cela conduit et sur ce point il est inexcusable, même si son opposition au CPE est respectable.
Je n’approuve pas ces procédés, et m’emploie plutôt, au contraire, à rechercher au moins un petit dénominateur commun dans les points de vue divergents des uns et des autres afin de tendre vers une union des bonnes volontés.
Suis-je dans l’erreur ? Rassurez-moi !
@Jducac
La force d’une argumentation n’en garantit malheureusement pas toujours le succès !
J’aurais volontiers reconnu la faiblesse de la mienne si j’avais douté de son socle, mais voyez-vous, je reste convaincue que la critique de Michel Serres est un appel à la vie, que l’on peut du reste parfaitement entendre comme tel, pour peu que l’on accepte de se débarrasser de l’utopie d’une générosité inconditionnelle des ascendants.
J’essaierai cependant de ne point tant vous décevoir la prochaine fois, promis.
@ fujisan dit : 10 juillet 2010 à 11:31
Merci d’avoir repris le contact.
Je me souviens de longs échanges argumentés que nous avions eus sur le thème du travail, de l’épargne et autres sujets. A l’époque votre pseudo renvoyait à « The Crash Course par ChrisMartenson.com ». Je vois que cette fois il renvoie à un parti politique, j’avais donc bien vu venir les choses lors de mon post : http://www.pauljorion.com/blog/?p=5861#comment-46767
Si vous parcourez cette file, vous vous rendrez compte de la « richesse » de nos échanges d’alors. Je dois toutefois vous avouer ma très grande surprise de vous retrouver encore sur internet, à vivre dans un monde capitaliste où tous ceux qui consomment, vous y compris, épuisent la planète bien plus que ceux qui vivent de façon primitive au fond d’une forêt équatoriale auxquels, d’après vos théories, vous devriez logiquement vous joindre. Mais puisque nous nous retrouvons, enrichissons-nous encore mutuellement.
Quand j’avance que « En phase de croissance, chaque génération vit mieux que la précédente, et lègue à celle qui la suit, le capital qui lui reste » vous le contestez en invoquant de « nombreuses études » . Vous n’apportez rien de probant au contraire, vous allez contre le bon sens populaire qui, au moins jusqu’alors, en conservant sa virginité d’origine, servait de repère fiable.
L’économie jusqu’à maintenant est allée globalement en croissant et chaque génération a eu la sensation de vivre mieux que la précédente et moins bien que celle qui la suit. Partant de conditions très modestes, chaque génération dans ma famille a laissé, à la génération suivante, en plus d’un patrimoine moral inestimable, un petit pécule financier, souvent dérisoire.
Bien qu’ayant connu une croissance considérable en investissement éducatif et en niveau de vie, je suis quasi certain que la génération qui me suis aura bien plus de peine à laisser ne serait-ce qu’un petit pécule à la suivante, si ce n’est pas une dette. Quant à la génération suivante, cela risque d’être encore pire.
Je ne suis pas seul à avoir cette perception. C’est bien ce qui provoque le malaise ambiant de l’occident. Vous allez me dire que l’argent ne fait pas le bonheur, ce que j’admets. Mais alors dites-moi pourquoi, quand on évoque la réduction des dépenses et des revenus disponibles, tout le monde s’insurge ?
Il y a là un volume de travail colossal à fournir pour transformer les esprits et ce faisant réduire le chômage en ouvrant un nouveau champ d’activité illimité, c’est ce que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises. Avec le peu d’énergie et de métaux qui nous restent, cela rend difficile de continuer à travailler de manière industrielle sur du « matériel » ; alors travaillons sur du « spirituel ». Travaillons sur l’homme, sur l’esprit des hommes, sachant qu’il nous faudra toujours œuvrer dans le domaine matériel pour que survive notre espèce.
« S’il y a épargne, il y a obligatoirement emprunt/dette et vice-versa, l’un ne va pas sans l’autre » dites-vous.
Vous faites erreur, et ceux qui conditionnent leurs semblables à voir les choses ainsi sont des idéologues irresponsables, mais coupables. Ils veulent inciter à emprunter plutôt qu’à épargner en laissant croire que les épargnants sont aussi coupables voire-même plus coupables que les emprunteurs, car voyez donc, au fond, les épargnants sont des capitalistes et il n’y a pas plus abject disent-ils.
Surtout, ils veulent vous faire croire que l’emprunteur n’est pas responsable des dettes qu’il contracte car s’il n’y avait pas eu d’épargne, il n’aurait pas pu emprunter. C’est totalement faux et à la limite criminel, car un tel discours peut conduire à l’anéantissement accélérés des plus faibles.
Pour asseoir ma démonstration je vais m’appuyer sur une robinsonnade. Non pas celle de Robinson Crusoé du début du 18ème siècle époque à laquelle certains veulent faire naître le capitalisme ; mais une bien plus ancienne, quand l’homme qui est né capitaliste, a commencé à l’utiliser ses vertus pour son plus grand bien.
L’histoire se situe à la fin du paléolithique. Robinson était un chasseur de gros poissons armé d’une lance/harpon, son outil universel, qui lui permettait à la fois de se défendre et de chasser des proies pour se nourrir. A l’époque il pratiquait le surf pour s’avancer en haute mer à plat ventre sur une bille de bois. Cela lui permettait d’approcher de plus grosses proies à la peau bien plus sombre que celle des petits poissons qui se nommaient dans sa langue primitive des brillants. Vérifiez, c’est de là qu’est venu le mot argent.
Une fois, emporté par une série de violentes tempêtes qui s’appelaient dans sa langue « crises », Robinson ne pu regagner son campement et ses semblables. Il se trouva projeté sur une île lointaine au milieu de l’océan, pauvre en flore et en faune, hormis une profusion de petits poissons, de la grosse friture : de l’argent.
Le malheur pour lui vint du fait que son outil universel était inadapté à la taille de ses proies, car à l’entour il n’y avait pas de gros poissons. Il arrivait à se nourrir, mais il devait y consacrer énormément de temps. Quel travail harassant !
Mais comme Robinson était homme il était aussi spéculateur, c’est-à-dire qu’il était capable de projeter son imaginaire dans un futur fait de concret. Il s’employa donc à améliorer sa condition, non en travaillant moins, mais en travaillant plus, pour travailler moins.
En effet en travaillant encore plus il arriva à pêcher un peu plus que ce qu’il consommait quitte à se priver un peu ce qui lui évitait de prendre de l’embonpoint et améliorait son rendement à la pêche. Surtout, il eut l’idée de transformer dans son esprit, l’inconvénient de sa ressource halieutique, la petite taille, en une série d’avantages dont il pourrait tirer profit.
A l’époque, ce mot n’était pas tabou.
D’une part, la petite taille se prêtait particulièrement bien à une opération de conservation qu’il découvrit en se lançant dans une conduite totalement nouvelle pour lui : la constitution d’une épargne de petits poissons séchés.
D’autre part, il se rendit vite compte que pour venir à bout de petits poissons, il n’avait pas besoin de mettre en jeu des forces aussi grandes que les siennes et que des fibres végétales, judicieusement disposées pourraient très facilement juguler les forces de ces petits poissons.
Sans le savoir, Robinson venait d’inventer le capitalisme qui nait dans l’épargne, laquelle, contrairement à ce que vous vous voulez faire croire ne nécessite pas d’avoir un emprunteur pour exister.
L’histoire ne donne pas le détail de toutes les étapes, de tous les échecs, de tous les efforts qui ont été nécessaires à Robinson pour qu’il dispose d’un équipement de pêche approprié construit en prélevant sur son épargne les jours où la météo rendait plus judicieux d’investir plutôt que de pêcher.
Prudent et sachant qu’une crise (tempête) peut anéantir un capital en un rien de temps, Il s’employa à toujours disposer d’une épargne en poisson séché lui permettant de repartir et de reconstituer son capital, ses biens, le moyen de subsister en se donnant la peine de travailler.
Grand bien lui fit d’adopter une telle attitude, lorsqu’il constata la disparition des ressources qui abondaient sur la côte ouest où il s’était implanté. On ne dit pas s’il s’agissait d’El Ninio où d’un autre phénomène, mais toujours est-il qu’il dû se réfugier sur la côte Est qu’il appela extrême orient, en transférant, ses nasses, filets et autres instruments de pêche, tout son capital en fait.
Il appela cette opération une délocalisation.
Là encore, il prit soin de reconstituer tout de suite son épargne. Et il s’en félicita le jour où il recueillit deux naufragés qui comme lui, avaient été dans l’incapacité, après une série de tempêtes effroyables de rejoindre leur collectivité d’appartenance. L’un s’appelait Fourmi, l’autre Cigale.
C’est alors qu’après les présentations d’usage, Robinson leur proposa un plan qu’il appela peut-être Marshal. Il consistait à aider les 2 nouveaux venus à se constituer par leur travail, un capital productif à l’identique de ce qu’avait fait Robinson seul, en partant de pratiquement rien.
Il s’agissait d’un prêt doublé d’un transfert de technologie.
Ils furent alors à trois à puiser dans la réserve de poisson séché constituée par Robinson.
Pour ne pas la voir s’épuiser trop vite il fut décidé que celui qui ferait des heures supplémentaires serait récompensé par l’octroi de quelles nasses ou mètres de filets supplémentaires par rapport à l’autre.
Vous imaginez la suite, Fourmi arriva rapidement à rembourser l’avance faite par Robinson, tandis que Cigale ce disant qu’il n’avait qu’une vie, traina de telle sorte que Robinson fut amené à lui imposer le paiement d’intérêts. Malgré cela, Cigale préféra continuer sa belle vie en puisant à fond sur une autorisation de découvert qu’il utilisa jusqu’à sa mort plutôt que se libérer totalement en fournissant un bon coup de collier.
L’histoire ne dit pas comment s’est terminée la vie des trois personnages sur cette île, ni comment les termes argent, épargne, capital, crises et autres se sont étendus sur la planète entière. C’est probablement par la migration des hommes dans tous les sens sur la planète.
Les trois personnages ont certainement eu des descendants qui ont donné diverses lignées, lesquelles se sont croisées en tous sens de sorte qu’on peut rencontrer des Cigales filles de Fourmis et vice versa. Il y a même des banquiers et des traders qu’on nomme parfois surfeurs d’argent… Ils surfent sur les vagues d’Elliott, c’est un retour aux sources 40 000 ans après, avec d’autres techniques.
@jducac
La caricature est un procédé commode pour discréditer ceux qui énoncent des vérités qui dérangent, remettent en question les lieux communs. Ainsi je devrais me taire et m’enfuir pour « [vivre] de façon primitive au fond d’une forêt équatoriale », vivre dans la jungle, alors que je souhaite sortir de la loi de la jungle imposée par un ultra-libéralisme débridé.
Vous me demandez des éléments probants. Mais avez-vous seulement cherché par vous-même ? Ou refusez-vous de regarder la réalité en face ? «Le PIB, c’est la vérité» mais voyez par ex. les divers indicateurs alternatifs au PIB. Voyez aussi la contre-productivité décrite par Ivan Illich.
L’économie jusqu’à maintenant est allée globalement en croissant et chaque génération a eu la sensation de vivre mieux que la précédente et moins bien que celle qui la suit. Partant de conditions très modestes, chaque génération dans ma famille a laissé, à la génération suivante, en plus d’un patrimoine moral inestimable, un petit pécule financier, souvent dérisoire.
Ne faites pas une généralité de votre cas particulier. Regardez autour de vous et ailleurs dans le monde les ravages causés par la croissance. Vous mettez en avant la «sensation de vivre mieux» mais le deuxième poste de dépense dans le monde est la publicité, cette machine à fabriquer de la frustration, du manque perpétuel. Est-ce vivre mieux que d’être continuellement insatisfait ? Voyez aussi les sucides chez FT. Voyez la consommation des antidépresseurs, somnifères… Cela fait croître le PIB, mais est-ce vivre mieux ?
Bien qu’ayant connu une croissance considérable en investissement éducatif et en niveau de vie, je suis quasi certain que la génération qui me suis aura bien plus de peine à laisser ne serait-ce qu’un petit pécule à la suivante, si ce n’est pas une dette. Quant à la génération suivante, cela risque d’être encore pire. Je ne suis pas seul à avoir cette perception. C’est bien ce qui provoque le malaise ambiant de l’occident.
Vous rendez-vous compte que vous alimentez le «malaise ambiant» et l’apathie par votre fatalisme ? Et si vous cessiez de vous lamenter sur la fin de «votre» monde ? Et si vous faisiez le deuil de «votre» monde pour vous en libérer, découvrir et oeuvrer pour ce qui advient ?
Vous allez me dire que l’argent ne fait pas le bonheur, ce que j’admets. Mais alors dites-moi pourquoi, quand on évoque la réduction des dépenses et des revenus disponibles, tout le monde s’insurge ?
Dans un monde où les valeurs sont «travailler plus pour gagner plus», l’argent, l’emploi, le «bling-bling», la consommation ostentatoire et compulsive… Quand notre existence, notre identité sociale repose sur ces valeurs. Quand ces reliquats de «valeurs» s’effondrent, ce qui fait société s’effondre de même.
Il y a là un volume de travail colossal à fournir pour transformer les esprits et ce faisant réduire le chômage en ouvrant un nouveau champ d’activité illimité, c’est ce que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises. Avec le peu d’énergie et de métaux qui nous restent, cela rend difficile de continuer à travailler de manière industrielle sur du « matériel » ; alors travaillons sur du « spirituel ». Travaillons sur l’homme, sur l’esprit des hommes, sachant qu’il nous faudra toujours œuvrer dans le domaine matériel pour que survive notre espèce.
Bonne idée, je m’en vais ouvrir un camp de rééducation dans la jungle du Cambodge 😉
« S’il y a épargne, il y a obligatoirement emprunt/dette et vice-versa, l’un ne va pas sans l’autre » dites-vous.
Vous faites erreur, et ceux qui conditionnent leurs semblables à voir les choses ainsi sont des idéologues irresponsables, mais coupables. Ils veulent inciter à emprunter plutôt qu’à épargner en laissant croire que les épargnants sont aussi coupables voire-même plus coupables que les emprunteurs, car voyez donc, au fond, les épargnants sont des capitalistes et il n’y a pas plus abject disent-ils.
Relisez «L’argent mode d’emploi». Vous comprendrez que l’épargne est un prêt fait à une banque qui elle-même le prête aux particuliers, entreprises, états. Que ça vous plaise ou non, c’est le fonctionnement du système bancaire. Vous semblez fustiger les cigales insouciantes, mais contrairement à la fable, la fourmi est prêteuse. Je n’émets aucun jugement moral, je vous renvoie simplement le vôtre. Je pourrais aussi paraphraser l’argument de PJ vis-à-vis de l’Allemagne «vertueuse» vs la Grèce «fainéante» pour dire «Les épargnants ont renié la parole du philosophe Immanuel Kant : un principe moral doit toujours valoir pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent devenir champions du monde de l’épargne».
Pour finir, puisque vous évoquez «le bon sens populaire», voici que qu’écrivait un auteur d’origine très modeste qui ne manquait pas de bon sens populaire ni d’humour.
Jean Giono, Les terrasses de l’île d’Elbe, Gallimard, 1976.
PS Mon pseudo renvoie au site du Mouvement politique des objecteurs de croissance qui n’est pas un parti politique.
@ fujisan dit : 14 juillet 2010 à 15:17
Merci pour cette très belle page de Giono!
Soit, puisque vous le dites, le « Mouvement politique des objecteurs de croissance ( mpOC) » n’est pas un parti, c’est donc seulement un mouvement politique, ce que j’avais bien cru sentir venir.
Pour tout vous dire, cela ne me gène pas du tout. En effet, je pense qu’en l’absence de développement d’une énergie nouvelle peu coûteuse, la décroissance ou la non croissance s’imposeront d’elles-mêmes, pour toujours, sauf petits sursauts locaux et temporaires, fonction de l’issue des conflits d’appropriation.
Vous ou vos successeurs devriez donc enregistrer des satisfactions là où la plupart de vos congénères ressentiront des souffrances. Mais le fait d’avoir voulu opérer un regroupement au sein d’un mouvement politique, témoigne de la volonté de constituer une force politique avec ce que cela implique, en arrière plan, comme intention d’action sur la conduite des autres. Attention au risque de dérives et de divisions dont l’histoire abonde, pas toujours pour le bien des peuples.
Dans l’immédiat il faudra surmonter les problèmes non dus à l’épargne, mais à l’endettement. Pour tenter de mieux me faire comprendre, je me suis donné la peine, spécialement pour vous, d’écrire cette histoire du Robinson néolithique. Vous semblez la considérez comme une marque d’orgueil alors que j’aurai souhaité qu’elle soit reçue comme un pur signe d’empathie.
J’avoue qu’elle démontre le contraire de ce que vous avancez en mettant en évidence le fait que l’on peut épargner sans qu’il y ait dette. C’est ce qu’ont fait Robinson et Fourmi.
Cigale aurait pu faire de même, mais il a préféré jouir à fond de la vie dans le temps présent plutôt que de se libérer en fournissant rapidement le petit surcroît de travail nécessaire à son total affranchissement.
Selon moi, c’est la dette qui est aliénante, non le travail, qui lui est libérateur. Entrer en dette, et s’en servir pour survivre au jour le jour, cela équivaut à entrer dans la drogue, dans la dépendance. La dette « roulée » non seulement est une drogue qui, par le surcroît de travail qu’elle impose pour le paiement des intérêts, épuise le débiteur mais conduit à accélérer l’épuisement de des ressources de la planète.
Là où nous devrions nous rejoindre, compte tenu de l’objectif que vous poursuivez, c’est sur l’attitude à avoir vis-à-vis de la dette. Je prétends qu’on peut épargner sans nécessairement provoquer des dettes, c’est ce que font les Chinois pourtant en moyenne bien plus pauvres que nous occidentaux.
Avec cette l’histoire de Robinson néolithique, nous ne sommes qu’au début du développement économique de l’humanité. Ensuite, les hommes n’ont eu de cesse d’accroître leur productivité afin de pouvoir satisfaire plus que leurs besoins essentiels de subsistance et de perpétuation de leur espèce. Cet accroissement de la productivité a permis à une foule d’individus de se livrer à la création de biens et de services répondant à la satisfaction de besoins secondaires par rapport à ceux de Robinson, mais qui maintenant nous sont devenus essentiels.
Ils sont devenus essentiels tant pour ceux qui les consomment que pour ceux qui les procurent en trouvant en eux leurs moyens d’existence. Sans remonter au néolithique, vers lequel peut très bien conduire la décroissance, voyez le cheminement de Giono qui pour vivre et faire vivre sa famille, s’est livré à une activité bancaire ; quelle honte ! Avant de vivre de ses écrits ; quel délice !
Essayez avec le mpOC de lancer une campagne visant à faire cesser l’activité littéraire. Elle n’était pas essentielle au néolithique. Aujourd’hui elle contribue comme beaucoup d’autres, à l’épuisement de la planète bien plus que nécessaire. Une telle campagne ne vous amènerait pas beaucoup de nouveaux adhérents, au contraire, et il faut s’en féliciter.
Voyez, internet, ce moyen dont, comme beaucoup d’autres, vous n’arrivez pas à vous défaire. Il est né dans les milieux militaires, il résulte de l’inventivité des hommes dans un domaine qui n’a pas spécialement bonne cote dans le monde de ceux qui se revendiquent humanistes. C’est pourtant pour moi, à n’en pas douter, une invention, un élément du progrès, tant décrié par Giono, qui contribuera peut-être à sauver l’humanité en lui évitant de s’entretuer.
Favoriser les échanges d’idées sur la planète entière, au-delà des frontières, n’est-ce pas à porter au crédit du progrès.
C’est la dette qu’il faut tuer quand elle sert à vivre au jour le jour. Il faut faire vivre le travail qui vous révulse, mais qui donne la dignité à chacun. Il faut réhabiliter l’épargne qui, avec la spéculation (au sens large), sont les seuls moyens qu’a l’homme pour tenter d’appréhender le futur
@Jducac
Si je puis me permettre d’intervenir.
Dans la réponse que vous faites à Fujisan, vous écrivez la spéculation et vous ajoutez « au sens large ».
Ce qui me sidère, et me donne envie de vous demander : comment pouvez-vous encore, alors même que vous fréquentez assidûment ce blog, vous satisfaire d’une telle imprécision sur un point que nous savons caractéristique et crucial.
De la même manière, il faudra un jour m’expliquer comment un observateur attentif peut préférer choisir d’englober la crise singulière que nous vivons dans une histoire tellement généraliste de l’humanité qu’il devient impossible d’y répondre en terme de cycles, de catastrophes et de non-linéarité.
Pardonnez-moi, mais je crains que cette vision fondamentalement progressiste ne vous empêche de voir ce que le moment recèle de possibilités d’engendrement ou de décadence. C’est d’ailleurs probablement l’une de nos divergences majeures : le caractère critique de cette crise.
jducac dit :
Dans l’immédiat il faudra surmonter les problèmes non dus à l’épargne, mais à l’endettement.
Mais vous ne pouvez séparer l’un de l’autre. Les dettes des uns sont les créances des autres (dépôts à vue, épargne, assurance vie…) Ce sont les deux faces de la même chose (via l’intermédiaire des banques, assureurs, fonds…) C’est bien parce que l’un et l’autre vont de concert que pour sortir du surendettement, il faut aussi sortir de l’excès de créances. La question est-qui va payer ? Ou plutôt quelles créances seront annulées ?
Pour tenter de mieux me faire comprendre, je me suis donné la peine, spécialement pour vous, d’écrire cette histoire du Robinson néolithique.
Votre robinsonade ne correspond au fonctionnement du système bancaire. En particulier l’argent ne se pêche pas et ne se mange pas. Une banque n’est pas un coffre fort où vous déposez votre épargne (stock de poisson) mais un intermédiaire entre déposants et emprunteurs. Sa fonction est de prêter l’argent qu’on lui dépose (càd qu’elle emprunte).
Vous semblez la considérez comme une marque d’orgueil alors que j’aurai souhaité qu’elle soit reçue comme un pur signe d’empathie.
Pour le coup, vous me faites un procès d’intention.
Entrer en dette, et s’en servir pour survivre au jour le jour, cela équivaut à entrer dans la drogue, dans la dépendance.
Je ne dis pas le contraire. Demandez-vous plutôt pourquoi certains salaires ne permettent pas de «survivre au jour le jour».
Je prétends qu’on peut épargner sans nécessairement provoquer des dettes, c’est ce que font les Chinois pourtant en moyenne bien plus pauvres que nous occidentaux.
L’épargne des chinois est prêtée surtout aux américains. On peut se demander pourquoi les chinois n’en n’avaient pas profité pour améliorer leurs propres conditions de vie au lieu d’épargner à outrance, d’ammasser des créances qui s’avèrent douteuses voire pourries. Ils apprécient les oeufs pourris, il paraît ;-). La Chine est comme un supermarché où les étrangers ont un crédit et viennent se servir sans jamais régler leur ardoise. Qui est «fautif» dans l’histoire ? Le supermarché qui fait trop facilement crédit ou ceux qui en profitent vu qu’on ne leur demande pas de régler l’ardoise ? Les deux à mon sens.
Essayez avec le mpOC de lancer une campagne visant à faire cesser l’activité littéraire. Elle n’était pas essentielle au néolithique.
Vous avez gagné encore un point «carricature» dont vous semblez faire la collection avec les points «invective» et «procès d’intention». Si vous épargniez au lieu de les dilapider ? 😉
Puisque vous aimez les histoires, en voici une : Kou l’ahuri ou La misère dans l’abondance par Jacques Duboin, 1935.
Cela recadre aussi avec le sujet de ce billet car Jacques Duboin était promoteur de l’économie distributive, ce que Bernard Friot semble objecter.
@ fujisan dit : 15 juillet 2010 à 15:13
Je finis par croire qu’il est impossible de vous sortir d’une attitude d’opposition systématique, une sorte de négativisme.
Quand on vous dit qu’il est bon d’épargner, votre réponse est en l’occurrence « ni pensez-pas, car si vous épargnez, d’autres vont être privés de quelque chose et vont être contraints de s’endetter. »
Non, le système économique sur lequel la marche du monde s’est réglée ne fonctionne pas comme vous voudriez le faire croire.
Votre discours relève d’une manipulation qui dessert ceux qui vous croient.
@jducac
Je ne fais que décrire le système bancaire tel qu’il fonctionne. Que cela vous plaise ou non n’est pas mon affaire. Certes, je vous ai provoqué en renvoyant votre intransigeance bornée à la figure, mais ne me pretez pas des intentions que je n’ai pas, car c’est vous qui y adjoignez systématiquement un jugement moral. J’arrête là, vous êtes sur ma liste noire.
@ Martine Mounier dit : 15 juillet 2010 à 12:37
Avant de m’exprimer sur le sujet qui vous accroche, « la spéculation au sens large », je tiens à revenir sur Michel Serres.
Il vient d’être élevé à la dignité de grand officier de l’ordre national de la Légion d’honneur. Je pense que cela ne vous choque pas, au contraire. Et bien moi non plus, j’en suis satisfait au regard de ce que je connais de l’homme, globalement. Je pense qu’il le mérite, même si je maintiens ma condamnation des propos qu’il a tenus dans le journal le Parisien en 2006. Aucun homme (femme) même le plus remarquable, n’est parfait. Il peut commettre des erreurs qui peuvent et doivent être pardonnées même quand elles résultent d’outrances, surtout si elles sont portées par de bonnes intentions.
Toutefois, chacun est face à l’idée qu’il se fait de son devoir. Cela guide et oriente l’action de chaque personne responsable, ce qui donc contribue à la marche du monde. Je souhaite pour lui, et pour l’humanité, qu’il n’ait pas à regretter ses propos si d’aventure, les fils en viennent à tuer leurs pères, guidés par un sentiment de jalousie ou de vengeance résultant d’une haine imprudemment instillée chez les êtres les plus faibles, par une personnalité d’autant plus influente qu’elle est distinguée.
Je reviens à la spéculation au sens large. Ce que je viens de dire précédemment y prépare, puisque d’après moi, tout ou à peu près tout ce qui guide la conduite de l’homme responsable résulte d’une succession de choix opérés après analyse effectuée autant de fois que nécessaire en fonction des données disponibles.
De nos jours, avec le développement de l’information, de son étendue, de sa vitesse de diffusion et de pollution, l’action d’analyse est de plus en plus difficile, parce qu’elle oblige à intégrer de nombreuses données en très peu de temps pour permettre de faire le meilleur choix du moment, compte tenu de l’objectif que chacun se fixe.
Or il y a une multitude de chacun. L’individuel, le familial, le citoyen, le national, le continental, le mondial.
Comment mener sa barque dans de tels champs de forces changeant sans cesse ?
La spéculation au sens large, telle que je la perçois, ce sont les actions que décident de conduire ces divers niveaux de chacun pour se placer au mieux dans ce qui fera son existence demain.
Il est certain, pour moi, que face à un demain difficilement imaginable, la plus grande réserve de moyens mobilisables au profit des besoins possibles, donne la meilleure chance de survie. Celui qui est astreint à consacrer aujourd’hui son énergie à fournir le travail qu’il a promis de réaliser en contractant un emprunt n’est pas le mieux armé pour voir venir le futur. D’où la situation très critique de l’occident, particulièrement de l’Europe et en son sein des pays qui n’ont aucune réserve énergétique et minérale en particulier la France.
Si je fréquente assidument ce blog, au passage je rends hommage à P. Jorion, F.Leclerc et l’équipe qui s’y consacre, ça n’est pas ce qui m’oblige à me caler sur la ligne générale qui peut s’en dégager. Ne soyez donc pas surprise si je me tiens parfois dans le vague quand, en mon âme et conscience, j’estime devoir le faire. J’ai parfois des positions tranchées quand elles s’appuient sur des fondements moraux qui me semblent les plus fiables
@jducac
Vous le savez bien, il est important pour le jeune adulte, afin de pouvoir fonder sa propre famille, d’être tout à la fois suffisamment en lien avec ses origines et suffisamment séparé : ce qui correspond symboliquement au meurtre des pères. Ce que dit M. Serres en revanche, c’est que le meurtre des fils pose un réel problème en ce qu’il s’oppose à la roue de la vie. C’est cette différence de taille qui ne doit pas être perdue de vue sous peine de tout confondre.
Mais prenons plutôt un exemple aux antipodes de notre géographie.
Dans la culture Aborigène, tous les respects marchent ensemble. Celui des jeunes vis-vis des aînés bien entendu, mais également celui des vivants vis-à-vis des morts, celui des adultes vis-à-vis des enfants, comme celui des humains vis-à-vis de la terre et des animaux. Or regardez. Regardez comme nous sommes loin désormais, dans notre Occident industrialisé, financiarisé, dans notre monde abstrait et tentaculaire, de ce respect fondamental des sols, de l’eau, de l’air, des animaux, de la vie et du temps.
Du temps qui passe.
C’est la raison pour laquelle j’évoquais dans un précédent commentaire ces générations tellement effrayées à l’idée de vieillir – mères cramponnées à l’idée de ressembler à leurs filles, pères se maintenant coûte que coûte au top d’une forme publicitaire fantasmée, sexuelle et financière -, non que je souhaite stigmatiser un groupe, mais pour observer ce qui m’apparait comme une voie sans issue dans laquelle nous nous sommes engagés depuis deux siècles.
Pour faire court (il fait si chaud) : un capitalisme marqué par le sceau d’une spéculation stérile, inutile à l’économie réelle, comme le douloureux passage de flambeau de certaines générations, correspondent selon moi aux deux facettes d’une même névrose autodestructrice. Ce qui fait qu’à l’opposé du progressisme positiviste qui vous anime et vous pousse fort logiquement à considérer la crise comme un épisode (la régulation étant dès lors envisageable comme solution), j’appréhende la crise actuelle comme un tournant (la copie entière étant à revoir).
Plus qu’une ligne, c’est cette idée maîtresse qui me semble à la base de ce blog.
@ Martine Mounier @jducac @fujisan
jducac a besoin de se rassurer dans une orientation positiviste (la robinsonnade). Et il est bon qu’il nous rappelle cette disposition d’une technique vers un « meilleur », et la robinsonnade est au fond un petit hymne au culte de cette technique, de ce soin à faire des filets et des séchoirs à poissons et des hangars etc.
Mais la technique exige une transmission de savoir, et un support de mémoire. A minima, ce fut le langage lui-même qui devint sophistiqué (néo-cortex) pour apprendre que papa australopithèque apprenne au petit australopithèque comment tailler le caillou (Leroi-Gourhan en résumé).
Ces supports deviennent des « systèmes associés », riches de bien plus de potentialités que ce pour quoi ils émergèrent. C’est bien entendu le cas de l’écrit, de l’imprimé, de l’internet. Et c’est parce que c’est aussi sur cette couche là, celle du langage/mémoire support que ce ce joue le drame que, comme le poisson dans l’eau, on a du mal à voir l’eau. Martine ne voit que l’esau et vous , jducac, vous n’en voyez point.
En effet, le malheur des peuples tel que le décrit Serres vient des attentes et des théories qu’ils ont formées, et qui ont utilisé le pire dans la « logique » ou dans la « force de conviction » que permet le langage (je ne citerai pas l’ouvrage qui justifia l’espace vital teuton pour éloigner M. godwin d’ici). Ces « attentes tordues » (et qui reviennent peut être à tuer leur fils faute d’avoir synthétisé les attentes de leur génération avec celle de leur fils) ne datent pas d’hier.
Les sophistes en furent l’exemple de référence, prêt à utiliser « l’asymétrie des propositions » que Jorion rappelle dans « Comment la vérité… » dans un but intéressé, pour gagner leur sous en faisant des mots d’esprit dans les salons d’Athènes, quelle que fut la proposition à « démontrer ».
On retrouve une logique de type soin/poison pour chaque épisode. Et ce n’est pas seulement qu’il faille « doser » pour éviter le pire, c’est aussi qu’il y a assez de « liaison des pulsions » , de sublimation , pour qu’éviter le pire soit naturel et peu coûteux. Dans les périodes correspondantes, l’esprit donne l’impression de s’élever.
Peut être les cycles techniques pluri-séculaires que décri(vai)t Jean Gimpel (votre génération ?) s’articulent-ils avec ces aspects sprituels.
Si vous regardez mes autres posts, vous verrez que mes sources pour dérouler le scénario ci-dessus sont B. Stiegler et R. Sennett, mais ils sont peu contagieux, alors je n’insiste pas.
Je résume à nouveau : votre désaccord (jducac vs. …) vient de la (non)perception de ce qui baigne le problème, l’eau du poisson, les deux côtés étant entrevus l’un par vous (la technique, Prométhée) et l’autre par Serres/Mounier (les maux, Epiméthée, Pandore). Je dis « entrevus », car je ne suis pas convaincu qu’après avoir lu bcp de pages de Serres, on ait acquis une grille d’analyse « opérante » (sinon utile). On peut lire Serres sans chercher ce but, bien évidemment.
@ Martine Mounier dit : 16 juillet 2010 à 20:43
Puisque le monde Aborigène vous a servi de point d’appui pour nous aider à cheminer dans la réflexion sur notre monde occidentalisé, voyons ce qui les différencie, mais aussi ce qui les rapproche. Je ne me sens pas spécialement bien armé pour le faire, mais qu’importe.
J’imagine que nous avons des ancêtres communs mais que, du fait de l’isolement dans lequel ils se sont trouvés, leur civilisation donne l’impression de s’être bloquée, comme stérilisée dans son évolution, ce dont elle s’est apparemment satisfaite, jusqu’à notre arrivée.
Notre lignée occidentalisée, poussée par la curiosité ou la nécessité de disposer de davantage de ressources pour nourrir l’accroissement de sa population, a investigué tout l’espace accessible sur terre et est en train de tenter d’aller au-delà. Nous ne pouvons rien au fait que nous sommes issus d’une branche qui de par son histoire, nous a fait tels que nous sommes, très différents de nos frères aborigènes, même si eux comme nous avons la même mission, le même devoir, perpétuer l’humanité.
Nos deux lignées se sont retrouvées et de ces retrouvailles naîtra peut être un nouveau rameau qui portera notre espèce au plus loin qu’il est possible qu’elle aille. Nous n’en savons rien, sauf que nous sommes en devoir de poursuivre cette marche, pour la rendre la plus longue possible. En fait il y a déjà eu une infinité de seconde fusion entre la multitude de peuplades qui se sont séparées et retrouvées pour poursuivre plus loin l’aventure.
Il me semble évident que nous vivons actuellement ce qui pourrait bien être l’ultime fusion de la pâte humaine au sein d’un creuset qui s’appelle la terre entière. Ce serait l’idéal. A moins que par suite de divergences fratricides, nous en arrivions à nous réunir ou nous fragmenter encore en deux ou plusieurs blogs plus enclins à s’affronter qu’à unir leur destin. Chacun ayant pour objectif de survivre quitte à devoir éliminer l’autre.
Pour cela il faut que chacun, au niveau individuel ou d’un bloc, entretienne la vie pour donner une chance grâce à sa propre survie de faire survivre l’humanité.
La vie est alimentée par trois grandes familles d’ingrédients, deux sont stimulantes, l’autre énergisante. C’est ma façon simplifiée de mettre en évidence ce qui conditionne l’existence humaine.
Prenons la famille énergisante, celle qui nous donne la force physique de vivre. Elle suppose la destruction de vies végétales ou animales qui puisent elles-mêmes leurs éléments nutritifs dans l’énergie renouvelable que nous procure le soleil en s’aidant du substrat terrestre.
Si d’un côté, nous nous sommes multipliés ce qui donnait a priori plus de chance à notre espèce de survivre, nous sentons bien de l’autre, qu’il y a une limite au nombre d’êtres que la terre peut alimenter. Il reste des possibilités de choix dans les modes alimentaires, mais il y a de toute façon une limite au nombre d’humains physiquement supportable par la planète. Il faudra un jour que les hommes s’attèlent à ce problème à moins qu’ils le laissent se régler de lui-même, par la sélection naturelle.
L’une des deux « familles d’ingrédients » stimulantes qui nous amène à vivre, nous est donnée naturellement, par nos instincts, nos réflexes que nous avons hérités de nos ancêtres et que nos diverses civilisations nous entraînent à développer ou à réfréner. Cette famille stimulante nous est commune avec les animaux. C’est en elle que je place les instincs et réflexes, de reproduction, de défense, d’agressivité, de protection et de stimulation des siens…
Quant à la troisième famille d’ingrédients, c’est celle qui nous distingue des autres êtres vivants et qui nous occupe beaucoup sur ce blog. Elle est en mesure d’agir sur les deux autres familles que je viens d’évoquer. Je vous laisse le soin de la qualifier. Je crois qu’elle met en jeu, nos responsabilités, notre libre arbitre, nos aptitudes à spéculer et à tenter d’appréhender le temps futur et passé, tout ce qui nous fait homme ou femme en somme.
Le care fait il partie de cette famille d’ingrédients ou de ce que je place dans la seconde famille ?
Ah, j’allais oublier un point essentiel, cette troisième famille d’aptitudes très particulières a pu se développer de manière fulgurante durant les deux derniers siècles en sachant puiser une énergie particulière dans des vies mortes depuis plusieurs centaines de millions d’années. Cette énergie n’a pas son pareil pour se transformer en force, bien mieux que celle qu’on tire des êtres vivants ou de l’action solaire.
L’humanité est maintenant confrontée au problème de son épuisement.
Elle saura probablement le résoudre grâce à ses fils que les pères ne cherchent pas à exterminer, contrairement à ce que certains osent prétendre. Pour ces fils, l’objectif, comme toujours est devant. C’est à nous de les aider à bien l’identifier.
@ timiota dit : 17 juillet 2010 à 01:21
Ma réponse à Martine Mounier ne tient pas compte de votre poste que je n’ai découvert qu’à l’instant. Merci de collaborer au décryptage de la marche du monde.
@jducac
Je ne crois pas une seconde que la démographie soit en cause dans l’épuisement sans précédent des richesses. C’est une thèse commode pour ne pas avoir à regarder du côté de notre responsabilité dans l’ampleur absolument sans équivalence historique de la destruction des ressources.
L’utilisation normale des ressources ne peut être nommée « destruction » qu’à partir du moment où précisément cette utilisation conduit à leur épuisement. Tâchons d’être précis.
@timotia
Qui vous dit que je ne suis pas légèrement asymétrique ?
Qu’est-ce qui vous dit que je parle à jducac quand je parle à jducac ?! ;]
@ Martine Mounier dit : 17 juillet 2010 à 18:39
D’accord, les problèmes de démographie globale ne sont pas encore critiques.
Alors quel est selon-vous le problème à traiter en premier ? Celui sur lequel pourraient se focaliser et s’employer les jeunes générations, celles qui ont survécu à l’extermination de leurs pères ?
Elles pourraient éliminer leurs pères et grands pères, en épargnant ceux qui les ont incité à le faire ?
Cela aiderait à résoudre le délicat problème du financement des retraites. Tout compte fait ce ne serait pas très loin de solutions qui ont cours dans la nature sous des formes différentes mais équivalentes quant au résultat. Je pense au mâle de la mante religieuse ou de la mygale. Il y en a peut-être d’autres.
On peut même envisager de limiter le nombre de pères en éliminant les enfants mâles plutôt que les filles. On peut aussi réduire le nombre de mères en augmentant le nombre d’enfant par mère. Les solutions ne manquent pas pour résoudre le problème des retraites.
@ timiota dit : 17 juillet 2010 à 01:21
Merci de m’avoir fait connaître un peu Leroi-Gourhan.
Le débat est inévitablement retombé plus ou moins dans égalitarisme vs individualisme, mais c’est normal vu la façon dont il est posé par M. Friot.
Je remonte donc d’un cran encore en terme d’abstraction et d’approche philosophique du sujet en reposant la question de fond de ce qui meut profondément l’Homme, ce qu ‘il recherche lors de son passage dans cette vallée de larmes.
Est on certain que l’Homme recherche à être l’égal des autres… Hmm ?
Si depuis Rousseau le débat a fait des bonds de géant en imposant la démocratie comme panacée universelle de la vie en commun, il est manifeste que celle ci ne s’est pas imposée dans les relations marchandes, y compris dans la vente de la force de travail dont le salariat moderne et confortable de nos sociétés post-tout-ce qu’on-veut, n’est qu’une version acceptable de l’exploitation de l’homme par l’homme… Parce qu’une rapide observation de 70 000 ans de traces de L’Homme sur Terre, résumée par exemple de façon impressionnate par des historiens comme Arnold Toynbee (dont l’approche est par ailleurs criticable notamment sur le poids des religions, quoique…) , montrent, que l’homme est fondamentalement un loup pour l’homme, et que la minorité dominante ne peut s’imposer sans exiger la soumission de la majorité dominée.
Admettons simplement içi qu’il y a au minimum un boulot de Sysiphe pour apprendre à nos frères humains, que ne pas dominer son prochain, est quelque chose d’envisageable !
Bernard Friot a dû ramasser en quelques lignes un propos déjà assez dense sur 173 pages (« L’enjeu des retraites » aux éditions La dispute). La lecture du livre vaut clarification, même si, évidemment, des questions demeurent.
La collusion entre la finance et la politique,n’est pas nouvelle,qu’elle soit légalisée ou pas ne change rien dans le fait que les lois sont d’une telle complexité,que tout connaisseur habile peu contourner la loi par la loi.
Les systèmes quels qu’ils soient ne sont pas en cause.Si un artisan commet un homicide avec son outil,le coupable n’est pas l’outil.Détruire l’outil et en interdire l’usage,n’empêcherait pas d’autre crimes.
Tout système est mis en oeuvre par des individus.La vrai question est le comportement individuel,qui s’ajoutant à celui des autres engendre un comportement collectif.
Toute architecture repose sur des murs porteurs,des piliers,ou des structures,qui font la solidité de l’ensemble.L’intégrité des composants de la structure fait la solidité de l’édifice.
Or dans les systèmes politiques,financiers,sociaux,les composants ce sont les individus.Il est bien question ici de l’intégrité des individus.
Mais encore faut-il savoir envers quoi et qui chacun de nous doit se montrer intègre.Envers son club,envers sa caste,envers sa famille,sa religion…………??????????
La multiplicité des intégrités possibles et des éthiques de chacun résoudra-t-elle le problème de la cohésion sociale????????????
La question de fond est « L’Homme ».Nous sommes multiples dans nos singularités,mais pour faire vivre ensemble ces singularités,il faut un dénominateur commun,un principe absolu qui canalise nos singularités.
J’en reviens toujours à la même chose,notre identité commune est notre appartenance à un groupe au sens large: l’Humanité.
Cela pose la question centrale d’une certaine idée de ce que nous sommes et de la valeur que nous y accordons.Poser la question de la dignité humaine,la valeur la plus petite au monde ,la plus partagée par tous ,au dessus de laquelle rien n’existe mais qui peut se parer de toutes sortes d’attributs,c’est poser la pièce maîtresse de tout édifice.
La solidité,la beauté de toutes structures dépend également de la répartition des poids et des mesures,cela s’appelle l’équilibre,l’équité,la Justice.
La justice n’existe pas en tant que vertu,mais c’est une science,dont la pratique est vertueuse par ses bienfaits.Prenons exemple du corps,dans lequel tout déséquilibre qui perdure et s’accroit en entraine d’autres ,générant des pathologies plus ou moins graves.
Ce n’est pas une nouvelle religion,ni un nouveau dogme,ou tout autre idéologie qu’il nous faut mais d’avantage de mesure et d’esprit d’équité nous permettant d’ajuster nos comportements avant qu’ils ne deviennent délétères pour nous et la collectivité que nous constituons ensemble.
C’est de cette façon que nous ferons meilleurs usage de nous mêmes et des outils que nous avons à notre disposition en les utilisant en toute liberté dans le respect de ce que nous sommes.
Poser au centre le principe absolu du respect de la dignité humaine,c’est garantir la liberté de chacun,tout en lui donnant une limite dans l’usage et les pratiques.
Prenons pour exemple le voile intégrale,l’interdire n’est pas porter atteinte à la dignité humaine,ni à la liberté de culte,de croyance.Cela pose une limite,celle d’une culture,d’un choix de société,d’une communauté circonscrite dans ses frontières.Celui qui veut entrer dans cette communauté doit s’adapter un minimum ou si cela est source de conflit,en choisir une qui corresponde a des valeurs qui semblent essentiel à une telle personne.La demande de conciliation n’est pas énorme,que de demander de rendre visible un visage,dont les traits et l’expression permettent la reconnaissance de l’autre,et nous place sur un terrain d’égalité.
L’équité est affaire de proportion,or nous vivons dans un monde ou les répartitions des poids est des mesure ne se fait pas dans un souci d’équité et de bien commun.Chacun cherchant à prendre sur l’autre un espace toujours plus grand,par la réussite,par la conviction et l’argumentation faisant valoir son bon droit,ses bonnes intentions ou son absence de mauvaises intentions……………justifiant sans cesse des comportements dont les conséquences portent atteinte à la liberté des autres,à l’intégrité physique et mentale des individus,au bien commun.
Voilà pourquoi les individus n’étant pas construit dans leur identité première,mais forgés dans la primauté de leur singularité sociale,nationale,religieuse,culturelle ,d’appartenance à une caste,dans un sentiment de supériorité ou un sentiment d’infériorité.Ne sont pas liés entre eux par un lien de confiance,mais de compétition.
Cela fait le lit de la division mise en ordre par l’uniformité.Par un carcan de règles et de lois,toujours plus complexes,trop nombreuses et sclérosantes.
La valeur des lois est remise en cause parce dans leurs pratiques et la pratique des sanctions,basée sur des critères pré-établit ,elles portent atteinte dans leurs effets à l’esprit qui à inspiré ces lois.Auquel les lois sont sensées être soumises,car c’est leur justification,l’Esprit de Justice,l’Esprit d’Equité.
Le but devrait être d’établir l’unité fondamentale,permettant d’harmoniser les singularités en établissant un lien de confiance ,de co-responsabilité,de coopération.Seule façon de pouvoir construire,oeuvrer ensemble.
Les problèmes sont infinis à la périphérie,il sont un seul au centre.Ne trace-t-on pas un cercle en partant du centre et non inversement.
Cela redonnerait force et valeur aux sciences et aux arts,et sens et valeurs à nos vies. Redonnant sens et valeur à notre activité sur cette terre .J’entends par là le travail qui est constitué de toutes les tâches que nous accomplissons du lever au coucher et qui ne saurait être réduit à une terminologie utilitaire :l’emploi ou le service.
On devrait initier les enfants à l’architecture dés le cycle élémentaire,toutes les sciences et les arts sont regroupés en elle.
Ou bien?
Attention, la Justice est bien une vertu. Et même une vertu cardinale avec la Prudence, la Tempérance et la Force. Auquelles la religion catholique à rajouté les vertus théologales, la Foi, l’Espérance et la Charité (l’Amour).
Un détail: laissez un espace après vos ponctuations, ce sera plus aéré.
Je prends bonne note, merci monsieur vigneron!
Au passage, j’ai grand plaisir à vous lire. Même lorsque le sujet n’est pas toujours drôle, je ris de bon coeur, vous pratiquez le verbe comme on ne l’entend plus guère. Votre parole est belle. Une parole charpentée, digne d’un vigneron.
Excusez moi, mais je persiste à penser que la Justice est la Science, dont la pratique est une vertu, cardinale, je vous l’accorde.
Tempérance et Prudence, ne sont-elles pas filles de la Sagesse? Force et Espérance ne résident -elles pas dans la Foi?
Personnellement je ne crois plus en Dieu, bien que de confession catholique, mais j’ai néanmoins besoin de sacré dans ma vie et de merveilleux sinon je m’étiole.
J’ai l’impression d’avoir toujours la Foi, a moins que ce ne soit que l’instinct animal de survie qui me porte, des fois, je ne sais plus très bien.
Le merveilleux quand à lui, semble plus rare que l’eau dans le désert, à moins que ce ne soient mes yeux qui ne savent plus voir, et mon coeur qui s’assèche. Ah retrouver quelque chose de son enfance! Ce quelque chose qui est enterré sous les décombres des espérances déçues.
En fait c’est ce sentiment depuis l’enfance, de mener une course contre la montre, ce sentiment de bâcler, de perdre son temps dans une lutte contre la médiocrité, qui contamine tout, y compris soi même.
L’apprentissage le plus douloureux pour moi est la patience. Bien que je sache que le père Noël n’existe pas, j’attends quelque chose qui lui ressemble, depuis si longtemps. Juste une petite étincelle, un rayon de lumière auquel je pourrait accrocher ma charrue.
Chez nous, on avait un gout immodéré pour les mots, mais des mots qui ne fleurissent pas en actes, perdent de leur substance. Ils ont l’apparence du pain, mais ils ne calment pas la faim.
Je suis affamé de quelque chose, mais de quoi?
En fait je sais de quoi, des savoirs faire qui ce sont perdu de générations en générations. De matière, de temps. Ces savoirs faire, qui transforment la matière par le travail, qui font l’intelligence des mains. Permettant d’oeuvrer, de faire la petite oeuvre de sa vie.
Qu’est ce qu’un « petit d’homme » sans ses mains…………..un cerveau dans un bocal?!
Je ne sais pas apprendre toute seule, j’ai besoin de faire avec d’autres, d’apprendre de et avec quelqu’un, cela donne toute sa saveur à la moindre tâche.
J’ai hérité d’une petite maison blessée, pleine d’amour, pleine d’histoires, de mémoires, de rêves avortés. Une maison grosse comme un ventre de femme en gestation. Je manque de temps, de savoirs faire et de moyens pour faire d’elle ce pourquoi elle est sorti de terre.
Comme le chantait Francis Lemarque: » toutes les maisons sont faites pour la même raison , protéger le bonheur des gens qui vivent dedans ».
Elle était blanche aux volets rouge bordeaux, à présent elle est blanche aux volets bleu, on dirait une maison de bord de mer. Quelqu’un m’a dit qu’elle était aux couleurs de « Notre Dame ». Au pieds de la maison poussent des roses.
Il y a un jardin, je m’y prends comme un pied à force de vouloir faire tenir sur une petite surface , un potager, un coin de campagne, un petits sous bois, c’est le foutoir.
Un jour j’ai trouvé une pousse de chêne, j’ai du l’enlever, à contre coeur.
Et puis il faut tailler les arbres, c’est frustrant de ne pas pouvoir les laisser monter et s’épanouir.
Oula! je m’égare…………..tant pis je laisse tout.
Quand à l’Amour, pensez-vous à l’Agapè? Il me semble parfois inatteignable. Si loin.
Et si le mot Philia remplaçait l’expression de « lien social »………….c’est bien de l’Amitié de l’ »Homme » pour l’ »Homme » dont nous manquons le plus?
C’est un peu décousu, peut-être ennuyeux. Hors sujet.
Au plaisir de vous lire.
Cordialement
C’est pas ennuyeux du tout.
Un jardin foutoir, mais c’est magnifique, ce sont les meilleurs, il y pousse parfois des choses incongrues et de belles surprises.
Revenez nous raconter des choses.
@Louise
Merci pour cette gentille réponse, un sourire en mots, quand on a un petit coup de blues, il n’en faut pas d’avantage.
En me promenant sur ce blog, entre mille autres choses, j’ ai ramassé un petit coquillage.
« Je suis affamé(e) de quelque chose, mais de quoi? »
Peu importe, restez affamé(e).
Merci pour l’effort de ponctuation. Vous écrivez superbement…
PS: j’aurais laissé les volets Bordeaux…
Chère Saule, c’est si agréable à lire, dans votre petite maison à vivre; que je me suis permis de relayer chez moi. Chez nous, le gout immodéré était pour les mains. Aujourd’hui, je suis affamé de mots.
Petit boulot aujourd’hui n’est pas du tout la même chose qu’un petit boulot dans les années 50 60 où il n’y avait certes pas de CDI ; mais il n’y avait pas davantage de chômage ; autrement dit, licencié un jour vous étiez assuré de trouver à vous employer le jour d’après !
ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les CDI ont fait leur apparition dans les années 70, c’est-à-dire les années qui ont vu le commencement de la crise et de la précarité et donc l’apparition induite des demandes de protection !!