Vers un nouveau monde – LE TEMPS QU’IL FAIT LE 25 AOÛT 2017 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 25 août 2017. Merci à Pascale Duclaud !

Bonjour, nous sommes le vendredi 25 août 2017. Dans deux jours, dimanche, à Namur, vous pouvez venir me rencontrer parce que je participerai à un débat à la Citadelle de Namur dans le cadre de la Fête des Solidarités. Et le lendemain, le lendemain en soirée, je me trouverai à Waterloo dans une librairie qui s’appelle Graffiti et où vous pourrez venir bavarder avec moi également. C’est le début du lancement de ce livre que je vais vous montrer (Je vous l’ai déjà montré). Voilà, ça s’appelle Vers un nouveau monde : Paul Jorion, et c’est – ce n’est pas indiqué en bas, bon il est indiqué là – l’éditeur : Renaissance du livre. Mais derrière il est montré que c’est un livre qui est patronné par Solidaris, le même mouvement socialiste belge qui patronne les Fêtes des Solidarités.

Alors ce livre, d’abord il est officiellement sorti en Belgique le 23 août, et il sort officiellement en France, je crois que c’est le 10 octobre. Et on m’a dit hier, des gens qui se sont présentés dans des librairies, que les libraires leurs disent : « Non, non ! Ce n’est pas sorti » ou que « Ça ne sort qu’en octobre » ou etc. Si vous êtes en Belgique, insistez bien devant votre libraire : dites-lui bien que c’est sorti il y a deux jours ! S’il y a des problèmes d’approvisionnement, il faut que ce soit lui ou elle qui les résolve.

Mais bon, voilà, le livre va être disponible ! J’en ai déjà montré quelques extraits sur le blog et deux personnes déjà m’ont dit qu’elles avaient eu le livre entre les mains et l’expérience a été assez décevante pour moi parce que ces deux personnes m’ont dit que finalement, eh bien, que le livre leur était tombé des mains, qu’elles n’avaient pas continué à le lire. La première personne, c’était une personne que j’ai rencontrée justement dans le cadre d’une réunion de Solidaris au mois de juin, et je lui ai dit : « Pourquoi ? ». Cette personne a baissé les yeux et a dit : « C’est des choses qu’on sait déjà ». Ah… ? eh bien, je n’ai pas répondu mais j’étais quand même un peu surpris ! Parce que, quand même ! La plupart des… enfin, au moins la moitié des choses qu’il y a dans ce livre, j’ai l’impression que je suis le premier à les dire sous cette forme-là. Et si je ne suis pas le premier, eh bien on est, comme dans le cas d’avoir prévu la crise des subprimes, on était trois : l’un d’entre nous était au Kentucky, le deuxième au Pendjab et puis le troisième c’était moi. Donc c’est pas comme des choses… C’est pas des choses dont tout le monde parlait : on ne parlait pas que de ça au café du coin ! Alors, bon, eh bien, j’étais un peu surpris. Ça c’était au mois de juin.

Et hier, j’ai compris un petit peu davantage, parce qu’il y a une personne qui a réagi de la même manière sur le blog, dans les commentaires, et qui a dit : « C’est des choses qu’on sait déjà » et puis qui a ajouté : « J’ai arrêté de lire ». Et là j’ai voulu comprendre ! Et alors les explications sont venues un peu, parce qu’il y a eu une discussion. L’explication est dans le fait que pour la personne qui m’avait dit qu’elle avait arrêté de lire et baissé les yeux en le disant – et les réactions, hier, montrent ça aussi : pourquoi est-ce que les gens arrêtent de le lire ? – c’est parce que ce sont des choses qu’ils savent déjà mais qu’ils ne veulent pas nécessairement se l’admettre. Ce sont des choses qui se savaient déjà « dans leur for intérieur » comme on dit, mais qu’ils n’avaient jamais formulées ! Et c’est de les voir formulées qui leur donne envie d’arrêter. Non pas parce que ce sont des choses qu’ils savent déjà – parce que mes recommandations par exemple, qui font la deuxième partie du volume, ils ne les connaissent pas du tout !

On n’est pas à l’aise. En fait, on a honte ! On a honte… On a honte de quoi ? : on a honte qu’il s’agisse de choses qui sont dans notre for intérieur mais qui, si on voulait bien les admettre, ferait qu’on n’accepterait pas : on ne continuerait pas d’avoir une vie comme celle-là. C’est ça que… c’est ça qui se passe !

Et il ne s’agit même pas d’être indigné ! ou atterré ! (rires) – Parce qu’on peut être atterré dans son lit, ça ne dérange personne ! On peut être indigné sous la douche ! Voilà… ça peut gêner les voisins ! (rires) – mais être rebellé… : là, il faut le faire nécessairement avec des gens autour de soi. Dans la rue où ailleurs, hein ! Voilà !

Se rebeller c’est le… c’est quand même le stade au-dessus ! Et si on lisait sans que le livre nous tombe des mains ce qui est écrit là, il est bien probable qu’on se rebelle. Et c’est peut-être là que se trouve l’explication de ce paradoxe qui avait été soulevé par Cédric Chevalier sur le blog : il y a une baisse du nombre de gens qui lisent le Blog de Paul Jorion. Elle est très nette (ça remonte ! ça remonte ! [P.J. : 41.000]). Quand je donnais le chiffre, je crois que je disais qu’il n’y avait que 36.000 personnes qui regardent ça par mois – 36.000, on peut dire que c’est déjà pas mal, hein ! On peut déjà remplir quoi ? un stade quand même avec ça ! – mais ça a été à 150.000, donc ça a été beaucoup plus. Mais le paradoxe n’est pas là évidemment, le paradoxe est dans le fait qu’à l’époque où il y avait 150.000 personnes qui regardaient mon blog, il y avait très peu de gens qui achetaient mes livres. Et là c’est le contraire qui se passe. Mes livres se vendent bien, merci ! c’est gentil de les acheter et j’espère que vous les lisez ! Alors comment on explique ce paradoxe ? Parce que si on ajoute les chiffres, on pourrait dire que dans l’ensemble, eh bien, le nombre de gens qui lisent, reste le même !

Et je crois que l’explication, elle est là dans les yeux baissés de la personne qui m’a dit « C’est des choses qu’on sait déjà » : c’est que regarder un truc sur son ordinateur – il y a des gens qui passent, qui vous demandent ce que vous regardez, est-ce que c’est intéressant ? – c’est un truc qu’on doit partager d’une certaine manière. Oh ! On peut regarder tout seul dans un coin, mais ce n’est pas un truc entièrement privé.

Tandis qu’acheter un livre… D’abord on n’est pas obligé de le dire aux autres ! Et puis on peut le lire en… secret. On peut le lire en secret. Alors voilà : il y a peut-être quelque chose dans ce livre qui soit… « sulfureux » ! (rires). « Sulfureux » : on parle beaucoup de Satan ces jours-ci et je vais vous montrer quelque chose. Je vais essayer de vous montrer quelque chose tout à l’heure en terminant, à moins que j’oublie [P.J. : j’oublierai effectivement], mais sinon je vous le montrerai une autre fois.

Bon ! Que vous le lisiez d’une manière où d’une autre, lisez-le, seul(e) – ou pas, en niant que vous le faites – ou pas, mais continuez de lire jusqu’au bout parce qu’il y a des recommandations, et je crois que ce n’est pas mauvais pour la santé d’être mis face peut-être à ce qu’on n’aime pas, c’est-à-dire reconnaître une certaine lâcheté ou une certaine couardise de sa part, parce qu’il y a des choses qu’on sait et qu’on préfère regarder ailleurs. Ce qui me vient à l’esprit, c’est cette petite vidéo affreuse de cette jeune femme en Chine, écrasée par les bagnoles et tout le monde s’en fout…

Ce n’est pas que tous les gens s’en foutent à mon avis, c’est qu’on se dit à l’intérieur : « Pourquoi est-ce que je ne fais rien ? » – Ou alors un viol récemment au Maroc… Des choses comme ça – Je ne crois pas que les gens soient indifférents mais les gens se disent « J’ai pas le courage… j’ai pas le courage… est-ce que je vais prendre un mauvais coup ? ». Il faudrait être sûr, il faudrait être – voilà – comme ces gars dans la carlingue d’un des avions du 11 septembre 2001 : « Let’s roll ! ». On regarde autour de soi : est-ce qu’il y en a d’autres qui sont prêts à y aller ? Parce que c’est vrai, moi aussi j’ai un jour – voilà – dans un café, je me suis jeté sur un type qui avait un couteau et qui menaçait des gens, mais je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas échangé quelques clins d’œil avec deux, trois gars – deux sans doute – qui étaient là et qu’on allait faire ça ensemble. Hum, et c’est ça : se rebeller comme ça, descendre dans la rue et se mettre à gueuler, on en voit des gens qui font ça à leur manière ou à travers un système plus ou moins bizarre. « Go berserk », devenir « berserk », c ’est une expression, là : je crois que c’était quand on avait mangé des champignons hallucinogènes, que certains Vikings devenaient « berserk », commençaient à tout casser autour d’eux. Alors ça c’est… On ne va pas loin : la police arrive rapidement et voilà !

Se rebeller : il faut d’abord se compter ! Il faut d’abord se compter, surtout dans un système d’hyper-surveillance, surtout avec des gens qui, bon… qui analysent ce que je dis là. Surtout dans un système comme le nôtre où les « munitions… », comment on les appelle ? les « armes autonomes » qu’on est en train de faire avec l’intelligence artificielle. Ce ne sont pas des drones, ce sont des machines qui fonctionneront toutes seules, qui prendront la décision de tirer en vous voyant et il ne sera même pas nécessaire qu’elles aient votre nom dans leur base de données ou qu’elles aient la forme de vos iris déjà enregistrée. Non, non, non : les militaires travaillent là-dessus, un certain type de comportement suffira pour quelles prennent la décision de se débarrasser de vous, et se débarrasser de vous à l’abri [du regard] des gens qui pourraient s’indigner à leur balcon ! Parce que c’est quand vous retournerez à votre bagnole que le robot fera que vous ne pourrez pas mettre la clé dans la porte ou utiliser le petit machin qui remplace les clés maintenant – Tout ça sera « très propre ».

Il y a un autre petit livre, tiens ! Voilà (P.J. montre le livre), je vous en ai déjà parlé : Four Futures de Peter Frase. Mais avant… avant ça, je voulais quand même dire un petit mot encore : parce que nous avons un très, très grand cinéaste qui s’appelle Paul Verhoeven. Et M. Paul Verhoeven, il a fait des films que les gens n’ont pas compris tout de suite. Il a fait un film comme Robocop (I987) et on a dit : « Mais qu’est-ce que c’est ce truc ?! Est-ce qu’il prône une société comme ça, avec des munitions ou des armes autonomes dans nos rues, utilisées par la police ?! ». Non messieurs-dames, c’était un avertissement ! C’était un avertissement : ça vient, ça vient… ça viendra vite ! Il a fait Starship Troopers (1997) : on a dit « Qu’est-ce que c’est ce truc fasciste ?! », etc. Eh bien « ce truc fasciste, etc. », ça vous montrait que dans une guerre entre les êtres humains et des insectes géants, les bons ne sont peut-être pas les êtres humains : c’est ça qu’il vous montrait ! C’est un monsieur qui nous met le nez dans… dans des choses qui ne sont pas faciles. Pourquoi est-ce que je m’interromps : parce que je voulais vous parler d’un de ses films qui s’appelait Total Recall (1990) – et ce qui me vient à l’esprit, c’est un autre ! – alors je vais vous dire pourquoi. Total Recall, c’est un… là c’est un monde où on ne sait plus : est-ce que c’est de la fiction ? est-ce que c’est de la réalité ? et ça c’est une réflexion bien entendu inspirée de Philip K. Dick, sur les jeux vidéo, la réalité virtuelle et ainsi de suite. Non mais le dernier film qui me venait à l’esprit de Verhoeven, c’est son plus récent, c’est un film qui s’appelle Elle (2016) et qui vous montre des choses qui sont dérangeantes là aussi. Dérangeantes… Il vous montre un violeur qui n’est pas celui qu’on attendait. Il vous montre la femme du violeur qui dit des choses qui vous prennent comme un coup de poing dans l’estomac. Et il vous montre aussi – et ça, il faut avoir le courage de le faire ! – une femme violée qui est ambiguë dans sa relation par rapport à ce qui s’est passé. Tout ça, ça dérange ! hein ? moi ça me dérange de le dire, vous ça vous dérange sûrement de l’entendre ! On lira un jour – il y encore un film sur la résistance, de Verhoeven, dont le nom m’échappe en ce moment (Black Book – 2006) – c’est un monsieur qui… qui a fait tout ça et qui continue de le faire j’espère, pour nous faire réfléchir, pour nous mettre mal à l’aise, et pour qu’on passe peut-être du stade de l’atterrement à celui d’abord de l’indignation, et finalement à celui de la rébellion.

Alors je reviens à mon petit livre de M. Peter Frase : Four Futures. Il faut lire ça. Si vous ne lisez pas l’anglais, adressez-vous à un libraire, adressez-vous à un éditeur, et dites qu’il faut traduire ça. C’est un livre – ah oui ! le sous-titre c’est « Life After Capitalism » : la vie après le capitalisme. Il y a quelque chose de commun entre ce livre et ceux que j’écris moi, c’est de dire : de toute manière, si on continue comme ça, on ne continuera pas très longtemps. Il faut… le capitalisme, ça c’est un truc qui ne peut pas continuer à durer.

Alors il y a une différence entre M. Peter Frase et moi, c’est que c’est un optimiste. Il a quatre… (rires), il a quatre scénarios et vous allez rigoler quand je vais dire que c’est un optimiste parce qu’un des quatre scénarios, c’est l’exterminisme. C’est carrément… bon, les riches propriétaires de robots qui se retranchent dans leurs – j’ai oublié comment dire… « gated communities », comme on appelle ça en anglais, des « communautés entourées de grilles », et qui en ont marre un jour des gens qui se rebellent devant leurs… qui les emmerdent quand ils sortent avec leurs belles bagnoles, et qui décident un jour de demander à des robocops de se débarrasser de tous ces trublions qui finalement leur gâchent la vie. Voilà ! C’est des losers, c’est des « louseurs » ! Qu’on en tire les conséquences !

Ça c’est le… je dirais, c’est le pire scénario ! C’est le pire scénario dans l’histoire de Peter Frase parce que c’est un optimiste et il dit : « Bon, oui… ! M’enfin… d’accord, mais il y aura encore, même toujours… il y aura toujours ceux qui seront dans les bunkers (bunkers creusés dans la montagne) – qui vivront dans leurs communautés barricadées. C’est un optimiste : il ne tient pas compte du fait que certains des robots continueront peut-être une guerre nucléaire entre eux et que ce ne sera pas jojo pour nous et qu’on ne peut pas vivre dans un bunker éternellement ! Il n’y aura peut-être plus assez de… que les robots qui s’occuperont de la maintenance et de la surveillance des centrales nucléaires, euh, eh bien il y en aura peut-être qui tomberont en panne ou qui n’arriveront pas à se… ou que s’il y a un accident, eh bien on verra comme à Fukushima que même des robots, ils subissent des rayonnements qui arrêtent leur fonctionnement.

Les trois autres scénarios de M. Frase, c’est un truc qui s’appelle « rentism », qu’on pourrait appeler le « dividendisme » et ça c’est le système que nous avons maintenant, c’est-à-dire un monde avec la concentration de la richesse. Les propriétaires des machines gagnent de plus en plus de sous et déséquilibrent complètement le système financier et économique. Et puis les autres qui sont les laissés pour compte, et on leur dit : « On va vous donner un revenu universel de base » ou « Ne vous inquiétez pas, on va baisser le nombre d’heures de 40 à 20 mais… eh bien, malheureusement, vous ne pensez quand même pas qu’on pourrait vous payer pour 20, autant qu’on vous payait autrefois pour 40 ! ». Ça, il l’appelle le « rentism », ou traduit en français : le « dividendisme ». Et puis il a deux autres possibilités qui s’appellent le communisme et le socialisme. Alors entre les deux vous connaissez ma préférence. Il faut lire ce petit livre : c’est bien analysé. Il dit beaucoup de choses, et comme beaucoup des « social scientists », beaucoup des chercheurs de sciences humaines qui réfléchissent sur toutes ces choses-là, sur notre avenir, sans être des futurologues, il fait appel de manière massive à la science-fiction qui est en fait notre « science sociale collapsologue », projetée plus ou moins dans le temps mais qui a fait déjà un très, très bon boulot de réfléchir à tout ce qui pourrait nous arriver.

Alors, euh… eh bien je termine là-dessus, alors le petit livre qui s’appelle Vers un nouveau monde… Bon, ce n’est pas facile effectivement à lire le début. Ce n’est pas une histoire d’horreur : c’est plutôt que ça dérange ! Ça dérange, ça dérange parce que oui, le lecteur va se dire « Oui, c’est une chose que je pense vraiment et je n’ai jamais rien fait à ce propos-là, je dis même le contraire aux gens autour de moi et je fais croire à mon beau-frère qu’on ne pourra jamais compter sur moi pour changer les choses ». Hmm… alors faites l’effort d’être dérangés pendant un moment : soyez atterrés au départ, indignés ensuite, et rebellés… et rebelles ! Et rebelles ensuite. Et faites-le savoir ! Vous l’avez bien compris, ce n’est déjà pas un livre facile à se procurer : ce sera plus simple sur Amazon mais insistez auprès de votre libraire, même si la nouvelle n’est pas encore venue que ce petit livre existe et qu’il est disponible en Belgique depuis le 23 août. Et en France, il sera disponible à partir du 10 octobre.

Voilà ! Allez, à bientôt ! J’espère voir certains d’entre vous… ah ! il y en a un que je vois tout à l’heure, l’un d’entre vous ! et il y en a d’autres que je verrai à Namur et d’autres encore à Waterloo. Et puis, eh bien, il y aura encore d’autres occasions, en France et en Navarre, et encore ailleurs. Allez, à bientôt ! Au revoir !

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