Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Depuis une semaine, les stratèges du Front National avancent un nouvel argument de campagne. Leur candidate le développe dans tous les médias, tel un étendard, en s’offrant de plus le luxe de se présenter en chantre de la démocratie. Dans l’hypothèse de sa victoire à la fonction suprême, elle s’engage à organiser un referendum sur la sortie de l’Union Européenne en 2018 et à démissionner immédiatement en cas de réponse négative du peuple souverain.
Cet engagement, à moins de 30 jours des deux scrutins des élections présidentielles revient à annoncer, d’ores et déjà, l’organisation d’un 3e tour.
C’est diabolique à bien des égards.
Et cela risque d’être diablement efficace au regard des sondages : 50% du corps électoral déclare ne pas avoir encore fait son choix et parmi les personnes qui l’ont fait, la moitié envisage de changer d’avis.
C’est dire la labilité de l’électorat et l’incertitude inédite du scrutin !
Alors, que dit la candidate FN à une frange de l’électorat ?
Elle démine les résistances des velléitaires, des versatiles et particulièrement ceux qui, d’élections en élections, rechignent toujours, bien que tentés, à franchir le Rubicon vers le vote extrême. Elle les encourage à faire le dernier mètre en leur promettant cet argument massue, en guise de filet de sécurité : un referendum comme 3e tour, véritable tour de rattrapage, ou tour de la rédemption possible !
Combien vont entendre que l’occasion d’assumer pleinement leur colère, leurs peurs et même leurs pulsions se présente enfin ?
Combien vont comprendre que l’heure d’en découdre à la dynamite a sonné ?
Combien resteront sourds aux appels du sursaut républicain qui ne manquera pas d’être lancé à un moment donné par les autres candidats, les corps intermédiaires et la société civile ?
Et combien vont se dire que l’occasion est trop belle de ne pas se faire duper une nouvelle fois comme en 2002 ?
Les abstentionnistes sont aussi ciblés. Cette masse silencieuse, énorme réserve de voix, premier parti de France, constituée de citoyens pour qui aller aux urnes n’a plus de sens, les chantres du « tous pourris », du « plus rien à faire », du « ça sert strictement à rien ». Avec cet engagement, la candidate du FN leur offre la possibilité unique d’un acte politique et citoyen fort… mais réversible.
« Retournez aux urnes, citoyens, votez pour ma candidature, payez-vous l’establishment et ses élites, tous ceux qui vous ont oublié, osez aller au bout sans vous faire peur… puisque je vous donne la possibilité de changer d’avis dans un an si vous regrettez votre vote !»
Marine Le Pen et ses stratèges ciblent les hésitants, les démotivés, les résignés d’impuissance. Ceux fatigués des coups de semonce répétés mais encore effrayés par le passage à l’acte. Elle leur promet la possibilité inédite de réaliser un coup de maitre indolore, un coup d’éclat sans risque, un coup de force réversible.
C’est la stratégie du fantasme d’un 3e tour, d’un referendum redemption, d’un quinquennat réduit à un an. Illusion de l’ardoise magique et du film de l’histoire rembobinable.
Promesses de bénéfices importants et même jubilatoires pour un risque en apparence si faible.
Dans le grand cirque électoral où tout est permis, la vigilance est plus que jamais de mise puisque l’on sait que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
L’engagement annoncé de cette candidate est extrêmement dangereux par son efficacité potentielle. Il n’est pourtant qu’une imposture à visée exclusivement électoraliste. Dans l’hypothèse de sa victoire, jamais celle-ci, quoiqu’il se passe, ne renoncera à la fonction suprême.
Il n’y aura pas de 3e tour salvateur pour les regrets et les remords.
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