Retranscription de Le temps qu’il fait le 24 février 2017. Merci à Pascale Duclaud, Olivier de Taxis, Marianne Oppitz et Cyril Touboulic !
Bonjour, nous sommes le vendredi 24 février 2017 et cela signifie que dans 4 jours, le 28 février, il y aura 10 ans exactement que je tiens ce blog. Vendredi prochain, nous aurons dépassé l’anniversaire, donc je vais en parler un peu aujourd’hui. Je parlerai un peu moins de l’actualité immédiate, je parlerai peut-être davantage de moi-même que les autres fois, mais voilà, c’est ça le but, c’est l’objectif : c’est cela que je veux précisément faire aujourd’hui. De moi et de vous bien entendu puisque, que serais-je sans vous ? si vous ne m’écoutiez pas, si vous ne regardiez pas mes vidéos, si vous n’achetiez pas mes livres, si vous ne veniez pas faire des commentaires ici, si vous ne vous étiez pas portés volontaires pour faire des billets et, vous le savez il y a une dizaine, une douzaine de contributeurs réguliers à ce blog.
La formule des blogs est en perte de vitesse depuis pas mal d’années. Il y avait un organisme qui faisait un hit parade des blogs, il a arrêté son activité en 2015 quand les gens se sont moins intéressés à cela, quand les gens ont essentiellement découvert la presse, la presse classique en ligne et que la qualité de ce que cette presse faisait, s’est améliorée. Au début du blog, on proposait, ici, une information qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, sur la finance et sur l’économie. Il y avait des bourdes extraordinaires qui étaient faites par la presse financière. En France, vous vous souvenez peut-être de cet incident, tout au début de l’année 2008 si j’ai bon souvenir, quand la presse française a attribué à un événement franco-français, ce qui était la conséquence d’un changement majeur dans les règles comptables aux États-Unis qui avait fait bondir les bourses de 5 %. À l’époque, la presse française avait relié ça à un incident mineur [rires] qui s’était passé en France. La qualité de l’information était très mauvaise.
C’est une des choses, voilà, que le blog de Paul Jorion et quelques autres, a réussi à cette époque là, c’est à faire s’améliorer la qualité de l’information financière en France qui, sinon, planait complètement par rapport à ce qui se faisait par ailleurs. Ça c’est une bonne chose, il faut le dire. Voilà, dans les journaux, dans « La Tribune », dans « Les Échos », dans « Le Monde », dans quelques autres endroits, en Belgique dans « L’Écho », dans « Trends-Tendances », vous pouvez lire des choses de bonne qualité, à la hauteur de ce qui se fait dans le reste du monde. Voilà ! Ça c’est déjà une chose.
Donc, j’ai effectivement publié sur ces événements pas mal de bouquins. Durant la première année, en 2007, jusqu’en novembre, j’étais véritablement au front puisque j’étais dans le service de gestion du risque, dans le département de gestion du risque [de Countrywide]. J’étais à quel [échelon] ? Un, deux, trois, j’étais au 3e niveau, ce qui n’était pas mal pour une grosse boîte comme celle-là, dans le département de gestion du risque. J’avais un patron au-dessus de moi qui lui rendait directement compte au patron du département dans lequel on était. Il m’arrivait que le patron, lui-même, me parle directement, bien entendu.
Donc pendant la première année, j’étais à Countrywide qui était le grand responsable de la crise des subprimes, j’étais dans le département de gestion du risque, et donc l’information que je vous donnais, c’était vraiment de l’information en direct. J’ai été viré dans la première grande charrette, la grande charrette de 30 % du personnel – en fait le reste, c’était les « caretakers », c’était les gens qu’on conservait pendant un certain temps encore pour expédier les affaires courantes. Et je suis resté encore jusqu’en mai 2009, aux États-Unis. J’étais chômeur, j’écrivais des bouquins que vous avez pu lire. Vous avez pu lire L’implosion en 2008. Vous avez pu lire La Crise en 2008 également, qui étaient vraiment, des mises en forme de mes billets qui succédaient au livre où j’avais annoncé la crise de subprimes, qui a paru quelques semaines avant que je décide de faire un blog : La crise du capitalisme américain, qui lui était terminé d’être écrit en 2005.
Il y a eu tous ces livres où je parlais de la crise, qui ont été publiés par Fayard et le dernier dans cette série, il paraîtra le 1er [mars], c’est à dire dans quelques jours. Se débarrasser du capitalisme est une question de survie, c’est l’ensemble de mes chroniques parues dans « Le Monde » et par la suite également dans « L’Écho » en Belgique, anciennement « Écho de la Bourse » et dans la revue du milieu des affaires « Trends – Tendances », là ce seront les chroniques, pas toutes, 80 sur une centaine, commentées avec une introduction générale et une introduction sur chacun des chapitres sur des thèmes particuliers et c’est un peu le couronnement de ce que j’ai pu faire avec L’implosion, La crise.
Ensuite il y a eu L’argent mode d’emploi », c’était en 2008, alors qu’il se passait pas mal d’autres choses. Quand on a décidé de se débarrasser une fois pour toutes, du mythe qui circule toujours, vous savez puisqu’on en parle en particulier dans ce film qui a eu beaucoup de succès qui s’appelle Demain, le mythe des banques commerciales qui créent de l’argent de toute pièce : ex nihilo.
C’est une chose dont il fallait se débarrasser. Je n’ai pas seulement dit pourquoi ça ne marchait pas dans L’argent mode d’emploi, j’ai expliqué pourquoi il y a des gens qui y croient, j’ai expliqué l’historique de cette histoire. Je suis revenu d’ailleurs sur l’historique de cette histoire à propos de Keynes dans mon bouquin paru chez Odile Jacob sur Pensez tout haut l’économie avec Keynes parce que ça a déçu un grand nombre de personnes, le fait que de manière très passagère, il a cru lui-même à cette histoire de banques qui créent de l’argent. Et puis, heureusement, au moment où il écrit son grand ouvrage, sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, il s’est débarrassé, heureusement, de cette histoire embarrassante. Il ne nous dit rien d’ailleurs parce que s’il en avait parlé, il aurait dû expliquer pourquoi il a cru un moment à ce bobard et il aurait attiré l’attention sur le fait qu’à une époque, il ne comprenait pas comment fonctionnait une banque, ce qui évidemment aurait été gênant !
Alors, par la suite il y a eu Le Capitalisme à l’agonie (2011), c’était un petit peu une interprétation de tout ce qu’il s’était passé après la crise, et une réflexion sur « comment reconstruire une science économique ? », ça, c’est un autre thème, évidemment – c’est que je ne suis pas économiste et si j’ai pu vous expliquer tout ça (comment ça marchait la finance et l’économie), c’est en grande partie en ignorant entièrement comment tout ça fonctionnait ça selon les livres de « science » économique.
J’ai parlé de ça dans Le Capitalisme à l’agonie. J’en ai parlé aussi dans Misère de la pensée économique, qui a paru quelques années plus tard (2012). Et puis ça a été un sujet aussi également discuté avec Bruno Colmant dans le livre Penser l’économie autrement (2014). Donc, voilà, une série de livres consacrée à la finance.
J’ai fait allusion au fait que j’ai voulu consacrer un livre à Keynes, à proprement parler, et ma conviction au départ c’était que, ayant baigné pendant pas mal d’années quand même (pendant une dizaine d’années), d’abord comme étudiant thésard et puis comme jeune professeur à Cambridge où j’ai rencontré des gens de sa famille : j’ai rencontré, j’ai eu l’occasion de manière un peu hebdomadaire sinon quotidienne de côtoyer sa nièce [Polly Hill] et de voir des gens qui sont des gens de sa famille éloignée, par alliance, etc., comme des collègues [Caroline Humphrey], des gens que je voyais… et surtout baignant dans ce milieu dans lequel j’ai l’impression que c’est une question d’immersion : si on n’a pas passé un certain nombre d’années – peut-être pas dix, mais enfin moi dans mon cas c’est dix – à Oxford ou Cambridge, il y a des choses qu’on ne comprend pas sur l’Angleterre et sur la manière dont on pense… « dont on pense », voilà : dont on pense là-bas.
Et donc, Keynes, c’était quelqu’un dont le spectre hantait les couloirs que j’ai fréquentés pendant une dizaine d’années, mais ça m’a donné envie de le lire : non pas que je ne l’ai pas lu avant mais de le lire entièrement. Bon, je n’ai pas tout lu toute sa correspondance – il y a trente volumes [d’oeuvres complètes] quand même – mais enfin, sur ces trente volumes, j’ai quand même lu bien plus que la moitié… voilà, pour écrire un livre [à son sujet].
Ce livre, on en parle très très peu. Pourquoi ? Parce qu’il y a des gens qui sont des anti-keynésiens et la pensée dominante, vous le savez, c’est la pensée ultralibérale et elle est contre Keynes. Donc, ces gens-là a priori n’aiment pas qu’on parle de Keynes. Et puis, en fait, les gens qui ont parlé de Keynes, en ont parlé de manière extrêmement différente du portrait qu’on voit chez moi. Il y a une personne, c’est un monsieur qui s’appelle Geoff Tily, que je cite d’ailleurs abondamment dans mon livre… Non, il y en a un second ! C’est Hyman Minsky, qui n’a pas parlé… – si, il a écrit un livre sur Keynes (John Maynard Keynes, 1975) – en fait, il n’a pas parlé, je dirais, de manière approfondie [sur Keynes]. Hyman Minsky, c’est quelqu’un qui comprenait Keynes, qui a compris ce que Keynes disait et qui l’appliquait à sa manière et donc c’est un vrai keynésien : ce n’est pas un « post-keynésien », ce n’est pas un « keynésien », c’est un « vrai keynésien ». Hyman Minsky est mort dans les années 90 [1996]. Geoff Tily est un contemporain et il a fait un livre (Keynes Betrayed : The General Theory, the Rate of Interest and « Keynesian » Economics, 2007) pour faire sauter un peu tous les mythes autour de Keynes, mais il y a un aspect tout particulier qui l’intéresse, ce sont les taux d’intérêt bas.
Moi j’ai voulu parler de Keynes d’une manière beaucoup plus « comprehensive », comme on dit en anglais, de manière beaucoup plus complète. Je parle aussi de la manière dont il imaginait ce qu’était la bibliothèque idéale, des choses comme ça. Je suis allé voir l’homme sous tous ses aspects : ses relations avec le milieu des arts, ses relations compliquées avec ses amis, etc., on en parle aussi dans le livre.
Mais, évidemment, je m’intéresse là aussi aux taux d’intérêt et surtout ce que j’ai voulu faire, c’est appliquer ce qui peut être une contribution originale à moi, qu’on trouve dans le livre Le Prix. C’est une réflexion qui repart de zéro, mais pas tout à fait de zéro puisqu’elle repart d’Aristote sur la manière de comprendre comment se forment des prix, et du coup comment se forment également des taux d’intérêt. Et ça, c’est un bouquin que j’ai pu publier relativement récemment (en 2010) mais qui était dans mes tiroirs depuis très très longtemps : je n’arrivais pas à le vendre. Pourquoi ? Parce que c’était tellement hérétique de dire : « Les économistes, après Marx, n’ont rien compris à la formation des prix, donc moi je vais vous expliquer ça en tant qu’anthropologue, spécialiste de l’anthropologie économique ». Ça ne passait pas. C’est resté longtemps à plusieurs endroits où on me disait qu’on allait le publier et puis on ne l’a pas fait. Je ne vais pas dire des noms parce que ça ne serait pas gentil pour certaines personnes [rires] ! Une autre manière de comprendre comment se forme un prix, comment se forme un taux.
J’ai bénéficié, évidemment, pour comprendre tout ça pas seulement du fait d’avoir été anthropologue mais aussi bien entendu d’avoir travaillé 18 ans dans la finance, et pas dans une agence. Je n’ai rien contre les gens qui travaillent dans les agences dans les banques, mais je veux dire [que] quand je travaillais dans une banque, c’était au siège : c’était là où ça carburait, où on essayait de comprendre les choses, où on essayait de faire avancer le Schmilblick… où, comme dans le cas de Countrywide, on essayait de, comment dire, de gérer la catastrophe.
J’ai eu la chance de travailler aux endroits stratégiques à l’intérieur des banques où j’ai travaillé : j’ai même travaillé dans un hedge fund qui, malgré toutes les bizarreries de son patron, était quand même à la pointe de ce qu’on pouvait faire. Et, si j’ai pu utiliser un modèle « proie/prédateur » pour expliquer comment le prix de demain allait se faire sur un certain nombre de marchés, c’est grâce, quand même, à ce hedge fund en particulier qui s’appelait « Frontier », à Houston, Texas.
J’ai eu la chance énorme en finance de me trouver aux endroits où on faisait des choses, où on inventait le trading à haute fréquence, où on inventait un système absolument pionnier pour que les gens puissent, en dix secondes, savoir s’ils allaient recevoir un prêt, à partir de l’information qu’ils entraient (en dix secondes !). On nous présente maintenant ça comme une révolution mais on a fait ça, c’était il y a 17 ans ! – voire même un peu avant ! C’était il y a 19 ans, c’était quand même pas mal ! Je vous ai raconté tout ça au fil des années.
Ce livre Le prix – je vous l’ai dit – il était déjà écrit : il attendait simplement d’être publié. Il y en a un autre, qui a été publié en 2009, c’est celui qui a été publié chez Gallimard : Comment la vérité et la réalité furent inventées et ce livre-là, je l’ai terminé quand j’étais invité… j’ai pu passer pratiquement un an à l’université de Californie à Irvine en Californie du sud, où pendant à peu près un an j’ai pu travailler à terminer ce bouquin qui a quand même pris au moins une quinzaine d’années à être écrit. L’histoire de ces notions de vérité/réalité dans notre culture, et avec une réflexion quand même, sur d’autres cultures, des cultures qu’on appelle « sauvages » ou « primitives » entre guillemets et la culture chinoise.
D’où viennent ces idées ? Qu’est-ce que ça veut dire dans le monde d’aujourd’hui, la vérité et la réalité ? Et ça m’a permis en particulier de réfléchir au rôle des mathématiques dans notre monde. Les mathématiques en tant que représentation, en tant que modélisation, en tant qu’outils appliqués, etc. Voilà ! C’est un livre dont je suis assez fier : c’est un regard qu’on ne trouve – à ma connaissance -, comme d’habitude d’ailleurs avec mes livres [rires], qu’on ne trouve nulle par ailleurs. Alors il faut évidemment le temps que ce soit lu, compris, qu’on en parle.
Pour le moment on parle, un peu, c’est sympathique, d’un livre que j’ai écrit, celui-là en 1989 – c’était bien avant le blog – qui s’appelle Principes des systèmes intelligents. Ca parlait du projet d’intelligence artificielle que je développais à l’époque pour les British Telecom – enfin, c’est ce qu’on imaginait… en réalité pour l’armée britannique ! Et l’intelligence artificielle, en 2017, elle commence à s’intéresser à l’aspect qui était central à mon programme. Pourquoi ? Eh bien, parce que mon programme, au lieu d’aller puiser dans les bouquins de mathématiques très profondes (je les lisais quand même par acquis de conscience et pour pouvoir alimenter les conversations avec les collègues [rires] et de logique formelle du 14e degré, je plaisante !), je suis allé le trouver dans la psychanalyse et bien évidemment, la psychanalyse c’est la représentation d’un être humain agi de manière inconsciente essentiellement, par une dynamique d’affect associée à des traces en mémoire. Voilà ! Et tout à coup, maintenant, eh bien ça commence à intéresser bien évidemment l’intelligence artificielle et on est… 11 + 17… on est 28 ans plus tard [rires]. Alors j’espère que des livres comme Le Prix, Comment la vérité et la réalité furent inventées, qu’au moins, 28 ans plus tard, on commencera à s’intéresser à ce que ça dit puisque c’est quand même un regard, un regard assez neuf sur ces questions-là.
Alors qu’est-ce que j’ai encore fait ? Eh bien oui… là aussi ! : un petit bouquin un peu pionnier puisque ça sort en 2011, c’est La guerre civile numérique, et ça c’est une demande qui m’est faite par l’éditeur Textuel. Il se passait quelque chose ; « vous avez parlé de M. Assange ; vous avez parlé de M. Greenwald dans les années 2009/2010, qu’est-ce que c’est exactement ? » Et là, on a fait un petit bouquin, qui probablement – en français en tous cas – est un des tous premiers où on parle de ces choses. Ça ne parle pas de M. Snowden parce qu’on ne parlait pas encore de lui mais ça parle de tout ça : de la manière dont on mène la guerre aujourd’hui, qui est une guerre civile numérique entre les populations et leurs dirigeants et que, à l’échelle mondiale, il y a bien entendu une guerre civile numérique. L’épisode le plus récent, ce sont les hackings durant la campagne électorale aux États Unis.
Alors, encore deux choses ! Après avoir parlé d’une crise que j’avais vue venir, qui était celle des subprimes, j’ai voulu parler d’une autre et là donc, c’est l’objet de Le dernier qui s’en va éteint la lumière, mon livre qui s’est le mieux vendu et qui continue à se vendre, et qui sort en livre de poche dans trois/quatre jours. Celui que j’écris en ce moment, Qui étions-nous ? étend la réflexion à des questions comme la colonisation des étoiles, le transhumanisme et le temps qu’il nous reste pour refaire, en vitesse (!), ces choses-là avant que notre planète soit inhabitable. C’est un thème qui intéresse.
Avant de passer à la suite, je vais dire un mot de la collaboration avec Grégory Maklès : La survie de l’espèce. C’est un livre qui est important [sourire]. C’est un livre important et qui va avoir une descendance ! Je touche du bois mais c’est un livre qui va avoir une descendance et je crois qu’on n’a pas fini d’en parler. Dit vite fait !
Alors, la réflexion sur le monde, le monde qui est en difficulté : c’est tout au centre de ma réflexion en ce moment. Mais est-ce que je suis arrivé à convaincre qui que ce soit de quelque chose !? – à part vous, mes amis, qui regardez ça – mais je veux dire au niveau des décisions qui sont prises. Alors un petit mot là-dessus.
Eh bien, on m’écoute ! Ça c’était une surprise ! On a commencé à m’écouter tout de suite, dès que je suis rentré en 2009 ; j’étais dans les studios assez rapidement à évoquer les questions. En 2009 aussi, on m’a invité, au Parlement Européen. C’était la première fois ; on m’y a fait revenir de temps à autre ; j’y suis encore allé récemment, en octobre dernier ; je ne sais plus quand, peut-être en décembre. On discute là, et les idées passent un petit peu. On m’a fait venir plusieurs fois faire des dépositions au Sénat français, sur différentes questions comme les paradis fiscaux, les responsabilités de la crise. J’ai eu la chance et l’honneur d’être nommé dans une commission en Belgique où on parlait de l’avenir du secteur financier en Belgique. C’était un très grand honneur : j’ai eu l’occasion de rencontrer là les gens qui dirigent véritablement la finance en Belgique. J’ai eu la chance de connaître ce monsieur Luc Coene qui a été gouverneur de la Banque centrale belge : la Banque nationale de Belgique et j’ai eu la chance de me disputer avec lui : monsieur Coene très ultralibéral. Nous nous sommes battus pied à pied dans cette commission sur les choses qu’on allait dire, – et c’est pour un autodidacte comme moi en économie et en finance – c’est un très grand honneur d’avoir pu me battre comme cela, avec une personne de premier plan qui conseille la banque centrale européenne, et qui a fait plein, plein de choses. Quand Monsieur De Larosière, qui lui était à la tête du Fonds Monétaire International, du Trésor en France et que sais-je encore… me dit : « Vous avez raison ! », – quand je le rencontre, eh bien : – ça fait plaisir. Ça fait qu’il y a effectivement une reconnaissance.
La reconnaissance peut-être la plus… – c’est là-dessus que je vais terminer – la plus sérieuse, c’est le fait qu’on parle de ma « Taxe robot ». Cette « Taxe robot », si j’ai bon souvenir, j’en ai parlé pour la première fois – la « Taxe Sismondi » – j’en ai parlé pour la première fois dans Misère de la pensée économique qui est sorti en 2012. Et puis ce qui a attiré peut-être l’attention des gens encore davantage, c’est quand j’en ai fait l’objet d’une chronique dans Le Monde. J’ai fait allusion au fait qu’on en parlait dans le petit livre qui allait sortir : mon débat avec Colmant, où je l’avais appelé « Taxe Sismondi » et là ça a paru dans Le Monde [en avril 2014]. Et donc ça a été vu, ça a été lu, ça a été retenu et M. Hamon m’a fait l’honneur de reprendre cette idée-là. Et là, il m’a fait le plaisir ces jours-ci, que quand on lui pose des questions là-dessus il dit aux reporters : « Consultez Monsieur Jorion sur cette affaire ». Bon, il a des choses à en dire heureusement lui-même aussi, mais il a l’amabilité, pour des compléments d’information, de demander aux journalistes de m’en parler.
Alors voilà. Est-ce que c’est la seule chose qu’on aura retenue ? Ma campagne dès le début en 2007 pour qu’on revienne à une interdiction de la spéculation, il faudrait évoquer des choses relatives à un violon ! Parce qu’il n’y a absolument personne qui parle de ça. Comme si on ne savait pas ce que c’était, la spéculation. Comme si personne ne savait que c’est un truc qui plombe absolument nos économies. Mais apparemment – et je crois que c’est lié au fait que chacun se dit de son côté qu’il est peut-être un petit spéculateur lui-même – personne ne veut parler de ça. Il faudra bien quand même qu’on y revienne si on veut avoir une économie qui marche. Ou alors on met en place un système qui l’empêche. Si on invente une chambre de compensation au niveau européen, au niveau mondial, du type de ce que Keynes proposait et bien on aura automatiquement bien sûr une manière de mettre la spéculation entre guillemets.
J’ai parlé aussi d’une constitution pour l’économie tout au départ. Là aussi ça n’a pas eu beaucoup eu d’impact. Maintenant, quand on parle de revenu universel, je préfère parler moi de gratuité pour l’indispensable.
Voilà, ces idées prennent évidemment du temps. C’est une bonne chose qu’au bout de 10 ans je ne sois pas obligé de faire un bilan entièrement négatif en disant : « Personne ne m’a jamais écouté ! » – et vous ne me regarderiez pas dans ce cas là ! Et que tous ensemble ici… la première fois c’était vraiment quand on a fait ce bouquin L’argent, mode d’emploi. Je n’ai pas fait ça tout seul : on s’y est mis [tous ensemble]. Il y a eu Jean-Pierre Voyer. Il y a eu Julien Alexandre, ici. Il y a pas mal de monde qui s’est joint à cette réflexion sur : « comment ça marche véritablement quand une banque prête de l’argent, qu’est-ce qui se passe en réalité ? » On a mis ça à plat. C’était vraiment un effort collectif. Et je tombais hier (parce que je regardais les gens qu’on rattache au mouvement du MAUSS, parce qu’on me posait une question là-dessus) que Jean-Pierre Voyer est mentionné. Et non seulement cela, mais que dans son entrée dans Wikipédia, on mentionne le fait qu’il ait participé sur le blog de Paul Jorion à cette réflexion sur « comment ça marche vraiment la finance et le crédit ? »
Alors voilà : bilan pas négatif. Il y a encore plein de projets dans le pipeline, comme on dit. Il y a encore plein de choses qui se préparent : des choses dont je ne peux pas vous parler parce que tous les obstacles ne sont pas encore sautés. Mais voilà ce n’est pas fini, il y a encore du pain sur la planche. Et s’il n’en reste qu’un, ce sera nous. Mais « nous sommes déjà 500 et en arrivant au port nous serons »… encore beaucoup plus nombreux !
Vous êtes là, vous êtes tiraillés comme nous ici sur le blog sur ce qu’il faut faire exactement durant la campagne électorale. Mais hier j’ai été surpris – je termine vraiment là-dessus parce que je sais pas depuis combien de temps je parle mais ça commence à être long – j’ai rencontré deux personnes dans des cadres tout à fait différents : je suis sorti de chez moi ou bien on est venu me voir et j’ai parlé avec des gens qui avaient des opinions vraiment très très différentes et qui ont dit : « Bon, quand même, je vais voter Hamon. Parce que cette idée de revenu universel c’est une bonne idée. Et ça nous permettrait de souffler ! »
Dans les détails à mon avis, ce n’est pas la meilleure approche. Mais c’est bon que l’idée s’installe. Parce que ce que moi je propose, à la limite, c’est quelque chose de plus ambitieux encore. Quand Piketty parle d’une implémentation, d’une mise en application du revenu universel, il montre qu’il faudrait tenir compte de certaines choses qui existent déjà, il faudrait remodeler ceci, intégrer ça, dans le cadre : qu’il ne suffit pas de donner 800 € de plus à des gens à qui, par la taxation, on va reprendre 850 €, etc.
Même chose pour la taxe robot. Et je remercie en particulier Pierre Sarton du Jonchay d’avoir planché l’autre jour sur : « comment est-ce qu’on pourrait faire une application pratique de la taxe robot ? ». Parce qu’il y a déjà un système en place et qu’il faudrait intégrer ça là-dedans.
Allez, maintenant j’arrête ! Je ne sais pas combien de temps j’ai causé mais un bilan sur 10 ans ça mérite un peu plus de temps que la petite vidéo de chaque semaine ! J’espère que vous regarderez ça ! Vous avez eu l’amabilité de regarder un truc qui a duré une heure ; c’est mon intervention au CUBE sur les questions de Qui étions-nous ?, Le dernier qui s’en va éteint la lumière, collapsologie, etc. Vous avez eu l’amabilité de regarder ça très nombreux. C’est bien, parce que ça dure une heure, ça demande un certain temps de le faire. Merci !
Allez, à bientôt.
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