Billet invité.
Donald Trump est élu président des États-Unis et le Royaume-Uni quitte l’Union européenne : à eux seuls ces deux évènements totalement imprévus auraient justifié une interrogation à minima, mais on ne la voit pas venir. La victoire aux primaires de la droite française d’un candidat au programme ultra-libéral et réactionnaire vient au contraire de montrer qu’il n’en est tiré aucune leçon.
Les possédants en veulent toujours plus, animés par la conviction que le rapport de force leur est favorable et que le moment est venu d’en profiter. Pour conserver un statut qu’ils sentent menacé, ils vont accentuer les inégalités. À l’étape d’avant, ils ont essayé de faire passer en force des traités commerciaux internationaux répondant aux exigences des entreprises transnationales. Placés devant les désastreuses conséquences de la logique financière, ils veulent encore la favoriser. Devant le scandale de la révélation d’une surveillance généralisée, ils n’interviennent pas et adoptent au contraire des lois afin de l’étendre pays par pays.
La droite française se sent pousser des ailes, et le programme gouvernemental avalisé par sa primaire illustre un changement d’angle d’attaque. Plus besoin de se réfugier derrière le pacte budgétaire pour justifier des réformes structurelles qui visent à libérer une fois pour toutes le marché de ses contraintes. L’offensive s’affirme brutale sur un terrain préparé par le président sortant, où domine le découragement.
Une grande instabilité s’installe en Europe. Au Royaume-Uni, une période de transition pourrait être nécessaire au-delà de 2019, afin d’amortir progressivement les effets de la sortie de l’Union européenne en l’étalant dans le temps. À la fois en raison de la complexité du processus, de l’incertitude qui pèse sur ses conséquences économiques, et des divisions dans le camp conservateur.
En Italie, Matteo Renzi est donné pour perdre son référendum du 4 décembre prochain, démissionner et préconiser la mise en place d’un gouvernement d’experts afin de préparer des élections, prenant le risque de les perdre devant le Mouvement des 5 étoiles. En arrière-plan, la menace d’une crise du système bancaire italien se précise, qui fera rebondir la crise politique et favorisera ce mouvement.
En Espagne, la survie de Mariano Rajoy ne tient qu’à un fil, auquel se raccroche également le PSOE. Ce dernier craint que de nouvelles élections consécutives à la chute du gouvernement n’aboutissent à un nouveau désastre électoral. Comment un tel attelage pourrait-il répondre aux exigences de Bruxelles avec Podemos toujours en embuscade ?
En Grèce, Alexis Tsipras est toujours sous la pression d’une Commission qui prétend faire patte de velours mais qui refuse de reconsidérer des exigences d’objectifs d’excédent budgétaire primaire hors de portée, que seul le FMI veut de manière réaliste abaisser. Seul le Portugal est provisoirement à l’abri, venant de fêter le 1er anniversaire d’un gouvernement socialiste minoritaire soutenu par le PC et le Bloc d’extrême gauche. Lui aussi écrasé, comme la Grèce mais aussi l’Italie, par le poids écrasant de sa dette publique.
Chaque crise nationale a sa logique, son rythme et ses incertitudes. L’ensemble est devenu ingouvernable.
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