Billet invité.
Après avoir baissé de 10% en 2008, à 369.000 milliards de dollars, le capital mondial a représenté 512.000 milliards de dollars en 2015. Dans ce monde que d’aucuns s’acharnent à décrire en crise, il est réconfortant de constater que la machine à fabriquer du capital marche à plein rendement. C’est tout du moins ce qui peut être tiré comme conclusion de l’étude de Markus Schuller (1), publiée dans le quotidien Kurier.
Cette masse monétaire représentait en 2015 près de sept fois le PIB de la planète, soit 74.000 milliards de dollars. Les créances (la dette) y contribuaient pour 194.000 milliards de dollars, soit 37,8% du total. La dette privée représentait 99.000 milliards de dollars, devançant la dette publique qui atteignait 95.000 milliards de dollars après avoir bondi de 40% depuis 2008. Avec la Chine comme premier responsable.
On conçoit que, représentant un tel poids, le sort réservé à la dette n’est pas une mince préoccupation. En arrière-plan, deux théories s’affrontent, celle qui prétend qu’elle doit être remboursée rubis sur l’ongle, quand elle est publique, et celle qui suggère de donner un peu de mou et propose de ne pas prohiber les défauts en édictant des mécanismes trop stricts, car cela risquerait de créer des explosions quand la dette devient insoutenable. Une troisième voie existe, sous la forme de la création d’un tribunal international chargé de procéder à une remise de peine d’ampleur, afin de diminuer le poids de l’endettement qui pèse sur le financement de l’économie, mais c’est sur le papier.
En Europe, la mode est à l’ordo-libéralisme, faisant de l’endettement zéro le principe intangible de la politique économique et financière tout en réduisant les ressources et le rôle de l’État au profit du marché. Les banques centrales chinoise et japonaise peuvent par contre continuer de se permettre d’accroître la taille de leur bilan en pratiquant une véritable fuite en avant. Il en est de même du gouvernement américain, le Congrès relevant régulièrement le plafond de la dette. Il n’y a pas de cohérence dans tout cela, dans une sphère financière mondialisée.
On connait la capacité des dirigeants politiques à n’affronter les problèmes que lorsqu’ils ne peuvent plus faire autrement, souvent en cherchant à gagner encore du temps. Il serait cependant injuste de porter à leur débit personnel exclusif, ce qui est l’expression d’une contradiction interne d’un système qui étouffe progressivement sous le poids d’un capital qu’il ne cesse d’accumuler.
À cela se combine un autre phénomène irrésistible, l’accroissement des inégalités, qui pèse sur le principal moteur de la croissance, celui de la consommation. Pour tout arranger, la faiblesse de la croissance qui en résulte fait obstacle au remboursement de la dette.
Différents angles peuvent être pris pour tenter de percevoir la société de demain, tous complémentaires. L’épuisement des ressources de la planète est sans aucun doute le plus inéluctable. L’avènement de la société de surveillance n’est plus une vue de l’esprit, à la lumière des révélations qui se sont enchaînées. L’accroissement des inégalités crée pour sa part des cicatrices profondes, aboutissant à des sociétés fragmentées. L’ensemble n’est pas viable.
Le problème que nous rencontrons est que ce n’est plus de la science-fiction.
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(1) Intéressé par la richesse, car fondateur de Panthera solutions, une société monégasque de conseil en investissement.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…