Billet invité
Le parc électronucléaire français se trouve dans un état critique. 21 des 58 réacteurs sont actuellement arrêtés, et l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) vient de demander d’accélérer la mise à l’arrêt de cinq machines (Fessenheim 1, Tricastin 2 et 4, Gravelines 4 et Civaux 1).
À l’approche de l’hiver, c’est donc une partie conséquente du parc nucléaire qui se trouve à l’arrêt (dont 10 réacteurs pour maintenance). Non seulement la technologie des réacteurs à eau pressurisée est intrinsèquement dangereuse – il faut maintenir à tout prix le refroidissement de la cuve pour éviter son explosion -, mais à ce défaut rédhibitoire se sont rajoutées les dérives du capitalisme mafieux qui place la maximisation des profits comme l’alpha et l’oméga de ses agissements. En conséquence de quoi, une société en faillite – Areva -, a livré des pièces vitales pour la sécurité des centrales avec de faux certificats à EDF…, dont on a toutes les raisons de penser qu’elle se trouve elle-même en situation de faillite virtuelle.
Résumons le paysage d’un électronucléaire français en ruine :
1- une filière industrielle REP (réacteur à eau pressurisée) intrinsèquement dangereuse,
2- des déchets radioactifs dont on ne sait que faire,
3- un parc de réacteurs hors d’âge que l’on ne sait pas démanteler,
4- la nécessité pour une EDF en quasi-faillite de trouver 100 milliards d’euros (d’après une estimation plutôt optimiste de la Cours des comptes), pour doubler (!) la durée de vie de cuves de réacteur prévues à l’origine, pour durer 30 ans,
5- des pièces de criticité, dites « d’exclusion de rupture », aux certificats falsifiés, et disséminées dans pratiquement toutes nos centrales (y compris celles en chantier…),
6- une fuite en avant avec des réacteurs EPR que l’on ne sait toujours pas construire, mais que nous continuons à vendre !
Arrivé à ce stade, vous vous dites certainement que même le plus obtus et ignare des politiciens devrait maintenant être en mesure de comprendre, et l’étendue de la catastrophe industrielle, et surtout le danger d’accident majeur qui nous guette.
C’est effectivement le cas.
Mais malheureusement pour nous, pour nos enfants et pour nos voisins européens, ce ne sont pas des hommes d’État soucieux du bien-commun qui nous gouvernent. Eux auraient depuis longtemps pris la seule décision qui s’impose : l’arrêt total et définitif de l’ensemble de nos centrales. Non, ceux qui nous gouvernent sont des politiciens professionnels. Une caste devenue hors-sol, toute entière occupée à servir sa carrière et les intérêts du big-business.
Propos haineux et populistes ? Eh bien pour vous faire une idée de la gravité de la situation et de la déliquescence de cette cinquième République (s’il en était encore besoin), je vous engage à jeter un coup d’œil à ceci (document PDF de 84 pages disponible au bas du texte pour pouvoir accéder aux ‘détails’).
De quoi s’agit-il ? D’une consultation publique (achevée au 30 septembre dernier dans la plus grande discrétion), présentant un décret qui sous couvert de protection sanitaire et de lutte contre les rayonnements ionisants, entend casser le thermomètre pour légaliser la vie humaine en zone contaminée, après un accident majeur du type de Tchernobyl ou de Fukushima !
Actuellement, le niveau d’exposition maximal aux rayonnements ionisants pour le grand public est de 1 mSv/an. Mais sur la base des recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), la France est en train de transposer en droit national les dispositions de la directive 2013/59/Euratom.
D’après le document officiel soumis en catimini à consultation, les autorités publiques légaliseraient un niveau de 100 mSv pour la phase d’urgence (l’accident), et de 20 mSv/an pour la phase post-accident de 12 mois (sans aucune garantie que celle-ci ne soit pas reconduite). Autrement dit, il s’agit de rehausser pour tout le monde d’un facteur 20 (femmes enceintes, nourrissons, enfants en bas-âge), le seuil de dangerosité !
Et encore ne s’agit-il pas de seuil à ne pas dépasser, mais de simples références de dose, une mention beaucoup moins contraignante sur le plan légal.
Voici donc la réponse apportée par nos politiciens à la catastrophe annoncée : puisqu’un accident majeur devient chaque jour plus probable, puisque de toute évidence la sauvegarde et la santé des populations passent après les intérêts privés (et nos carrières !), décrétons qu’il est possible de vivre en zone contaminée !
Et comme les billets de François Leclerc à propos de Fukushima nous le rappellent régulièrement, une catastrophe nucléaire a comme particularité d’augmenter ses effets sur le temps long. Qu’une de nos centrales explose, et au-delà des pertes humaines, matérielles et économiques, c’est toute une partie du territoire qui sera perdue pour des échelles de temps proprement géologiques.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…