Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Je lisais pour la seconde fois, « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » quand soudain ce vers m’est venu à l’esprit : « Puis les Temps sans nous recommenceront. »
J’étais certaine que ce vers faisait partie de l’œuvre de Marie Noël (1883-1967) que mon compagnon poète et athée m’avait pourtant fait connaître, car il estimait au plus haut point les écrits de cette poétesse chrétienne. J’ai retrouvé ce poème extrait de Chants d’arrière-saison (1961).
Quand un soir sur nous, quand arriveront
Les jaunes fourmis, jaunes par nuées,
Quand seront les airs lourds de leur ruée,
Nous boirons, un soir, tous assis en rond.Nous tiendrons encor la fleur, nous tiendrons
La douceur encor de notre veillée
Quand fleur et douceur seront balayées
Par un souffle énorme, implacable et prompt.Nous n’aurons plus sol ni ciel, nous n’aurons
Plus frères, ni sœurs, ni maris, ni femmes,
Ni mères. En vain nos corps à nos âmes
Demanderont l’heure et ne la sauront.Or, les chiens errants en vain chercheront
En vain pour le suivre homme qui soit homme.
Les chevaux de trait, les bêtes de somme
De champs en champs morts à mort marcherontLong sera le cri quand nous partirons,
Les cieux en colère à notre poursuite.
Dieu seul s’Il le veut, comptera nos fuites.
Sans main dans la main nous nous en irons.Sans pays aux pieds nous traverserons
Les lieux sans merci. Les anges hostiles
Qui chassent notre Ère, au for de la Ville
S’il reste un berceau, le renverseront.Les Grand Maux chargés de Fin verseront
A nos derniers yeux le plein de leur coupe…
Alors sur nos siècles rasés, les troupes
Pesamment, d’aube en aurore passeront…Puis les Temps sans nous recommenceront.
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