Franck CORMERAIS
Votre livre La guerre civile numérique (2011) propose une analyse des blogs entre « subversion et information ». Comment qualifiez-vous ce dernier terme ?
Paul JORION
Internet offre un espace privilégié à la diffusion d’une information alternative. Malheureusement, celui-ci est essentiellement occupé par les théories du complot. Posant comme préalable une mécanique du secret, celles-ci forgent, en opposition, un discours qui se donne pour une vérité mais est en réalité un discours mythologique d’essence xénophobe et antisémite. De telles théorisations relèvent de la pensée brute. Elles s’appuient sur des bribes d’information et pallient leur manque de connaissance véritable des mécanismes à l’oeuvre par la mise en avant d’une volonté délibérée mais masquée qui orchestrerait dans l’ombre la marche des événements. Les discours complotistes ne s’alimentent pas seulement d’informations incomplètes, ils s’appuient aussi très souvent sur des informations fausses, mettant en exergue leur caractère « scandaleux ». Elles affirment par exemple que les banques créent de l’argent à la demande, comme si l’on était en manque d’authentiques scandales à dénoncer dans le monde de la finance ! Pour fallacieuse qu’elles soient, ces théories sont difficiles à contrecarrer, eu égard à l’existence avérée de sociétés telles que le Mont Pèlerin dont le but affiché est là véritablement de régenter le monde dans une perspective néo-féodale.
Internet permet cependant de diffuser une information occultée par la presse officielle. Presse qui s’est largement mise au service du monde des affaires, ainsi qu’en témoignent les récents événements à Canal +, et qui est donc marquée par l’autocensure, voire la censure pure et simple au nom d’intérêts commerciaux.
Les blogs sont le vecteur de cette information alternative dont la teneur n’est pas uniquement militante. Je relaye ainsi régulièrement des articles de la presse internationale dont les points de vue ne sont pas défendus en France.
Franck CORMERAIS
Les articles de votre blog seront prochainement publiés sous la forme d’un magazine. Comment interprétez-vous ce retour à un support traditionnel après avoir utilisé le blog comme le secteur d’une nouvelle culture de l’information ?
Paul JORION
Les blogs qui enregistrent une audience significative s’enrichissent de la participation des internautes. Mon blog publie les billets de nombreux contributeurs invités. Une telle démarche participe à générer un savoir global dont la publication est quasi immédiate. Cette facilité a toutefois un revers : elle renforce le caractère éphémère des textes. Les retrouver nécessite d’entreprendre de longues recherches au sein d’une base de données qui ne cesse de s’enrichir et qui mobilise maintenant trois serveurs.
Enfin, les outils informatiques permettent d’imprimer une sélection d’articles en un nombre d’exemplaires calibré à la demande des lecteurs. Ce magazine mensuel ne sera donc pas immédiatement distribué en kiosque mais accessible moyennant un abonnement ou un achat au numéro. Cette édition paramétrée est assurée par un groupe dynamique qui s’adresse à l’ensemble des blogueurs.
Franck CORMERAIS
Quelle sera la périodicité de cette publication ?
Paul JORION
Nous l’envisageons comme un magazine mensuel. (*)
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(*) Le N° 5 de (P)ièces (J)ointes a paru. Il est disponible dans quelques kiosques de Paris rive droite.
C’est la méthode descendante (top-down) : avec un LLM en arrière-plan de chaque personnage, répliquant dans chaque instance, un humain…