Brexit : l’Europe reprend le chantier de la démocratie par le commencement, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Le message adressé par les Britanniques à l’Europe est purement politique. Il n’aura pas plus de conséquences économiques que celles déjà en cours. L’association européenne actuelle ne répond pas aux attentes de tous ses peuples, en tout cas pas des Anglais ni des Gallois. Les institutions communes actuelles n’ajoutent plus rien à ce dont les Britanniques ont besoin pour produire et échanger des biens et services avec le continent. Ces mêmes institutions coûtent trop cher pour la protection qu’elles apportent aux intérêts britanniques dans l’espace de l’Europe. Les institutions de Bruxelles endossent une ligne politique qui est réputée entraver la liberté d’action du gouvernement britannique serviteur de la souveraineté du Royaume-Uni.

Les Britanniques empiristes constatent que l’Europe politique n’a plus d’utilité. L’intégration du Royaume-Uni dans l’espace économique européen est irréversible depuis le XIXème siècle. Aujourd’hui d’autant plus que les frontières ne sont plus maîtrisées par les États nationaux sauf à disposer de frontières naturelles comme « the English Channel » ; d’autant plus que les normes juridiques de l’Europe politique sont calées sur les principes anglo-saxons du Droit. Sur le plan financier, la zone euro est un satellite de la City. La Banque d’Angleterre a une politique de change conforme à l’équilibre interne des intérêts de l’empire britannique alors que la BCE est un pouvoir supra-national dissocié des institutions politiques.

Grâce à la livre sterling, le Royaume-Uni a conservé un vrai gouvernement politique qui a des moyens d’action fiscaux, monétaires, financiers et bancaires. La parité de change de la livre mesure le prix de l’efficacité économique du seul gouvernement de Londres sur le marché financier mondial de la monnaie. Et les non-résidents britanniques tout autant que les iliens, peuvent exprimer financièrement leur confiance ou leur défiance vis-à-vis du Cabinet de Londres et du Parlement de Westminster. Juste après le résultat du référendum, la livre baisse fortement face à l’euro et au dollar pour que le choix des Britanniques soit intégré et financé par l’économie mondiale quelles que soient les humeurs des uns ou des autres.

La zone monétaire de la livre sterling ayant besoin de davantage de liquidité pour garder son autonomie vis-à-vis du reste du monde, un dollar ou un euro déposé dans les banques de la City donne lieu depuis le 23 juin à plus de livres sterling pour acheter des biens et services produits dans l’empire britannique. La dévaluation de la livre rend le paradis fiscal britannique plus sûr. Le potentiel d’évasion fiscale s’est accru dans les empires concurrents, surtout celui des banquiers de la zone euro empiriquement garantis par les recettes fiscales des États membres. La souveraineté britannique renforce sa puissance de contrôle sur les banques de la City qui appliquent le droit britannique et une fiscalité exclusivement britannique du capital et du crédit.

Le gouvernement Cameron va démissionner du fait qu’il ne peut pas cacher sa responsabilité dans la politique qui a été suivie et désavouée par la majorité des électeurs. Sur le continent, la réévaluation de l’euro face à la livre va permettre aux gouvernements nationaux de proclamer et demander le renforcement de l’Euroland seul rempart contre la « montée des populismes ». Alors que les Britanniques rappellent qu’il n’y a pas d’économie efficace sans la responsabilité des nations organisées en États, les professionnels politiques de la zone euro vont se cacher derrière le dogme de la monnaie unique pour maintenir incalculable le prix économique objectif de leurs décisions et de leurs éléments de langage pour les peuples.

Le droit britannique permet des deux cotés de la manche de créer des personnes morales extra-nationales invisibles aux États constitués. Ces entités juridiques hors sol ont la capacité d’agir à l’intérieur des souverainetés sans que des personnes physiques identifiées par un patrimoine proportionné et saisissable par les États ne viennent garantir le respect de tous les droits humains pourtant financièrement définis et assurés par ces mêmes États. Grâce à la livre sterling et à l’absence de frontières financières par les droits de propriété virtualisée, la souveraineté britannique monétairement cohérente siphonne la liquidité du continent. Les continentaux placent leurs liquidités à la City pour ne pas payer la prime d’assurance fiscale de leurs droits de propriété.

Face au Royaume-Uni instrument politique unique de défense des intérêts déposés en livre sterling, les intérêts déposés en euro renvoient à une multiplicité d’États dissociés par les intérêts particuliers. Une myriade d’intermédiaires professionnels de la politique, de la finance et du Droit ne représentent qu’eux-mêmes dans des institutions de coopération formelle et non réelle. Le Conseil Européen, la Commission Européenne, le Parlement Européen, et le président de la BCE sont institutionnellement irresponsables en l’absence de citoyenneté unifiée par un État fédératif et des procédures partagées de représentation des intérêts communs. Le capital circule en livre sterling sous la responsabilité d’une monarchie parlementaire ; en euro, il n’est aucune responsabilité gouvernementale pour répondre de l’emploi du capital au bénéfice général des citoyens.

La politique de l’Europe géographique est maintenant à un point de bifurcation. Soit elle finit de s’euthanasier en interdisant la structuration des sociétés par des nations responsables dans leur monnaie négociable et régulable par les États. Soit elle refonde les États par un marché commun de la monnaie où les dettes sont adossées aux lois nationales et où les dettes internationales sont assurées par des États multinationaux fédératifs. Si l’Eurozone se dote d’un gouvernement confédéral responsable par une démocratie multinationale de l’assurance de toutes les dettes de droit en euro, alors l’Eurozone et le Royaume-Uni pourront refonder l’Union Européenne sur une économie de la responsabilité politique des vrais gens.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande est une confédération. Cette confédération ne veut pas se laisser entraver par le machin européen que même les avocats et les banquiers internationaux n’arrivent plus à piloter. Les peuples privés de droits sociaux et mis au chômage par la tyrannie des intérêts privés ne rembourseront jamais les dettes que les oligarchies comptabilisent sur leur dos. Le message des iliens européens à leurs compatriotes du continent est celui de la délimitation des responsabilités politiques dans les affaires communes. La monétisation en euro de normes abstraites non approuvées par la démocratie ni financée par une fiscalité objective et discutable du capital financier ne marche pas.

Les États nationaux de l’Eurozone doivent assurer leurs dépenses et leurs dettes publiques par l’élection d’un gouvernement financier confédéral comme le budget de la monarchie parlementaire du Royaume-Uni assure les dettes de toutes les nations britanniques. Les peuples européens sont directement alertés par le référendum britannique que les oligarchies financières hors sol détruisent la richesse commune si elles ne sont pas encadrées par des gouvernements dont la responsabilité politique soit mesurable par une parité monétaire et une fiscalité propres.

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