Billet invité.
Au pavillon danois de la dernière biennale d’architecture de Venise était présenté le projet REGEN VILLAGES, dessiné par l’agence d’architecture EFFEKT (Copenhague). Situé à la périphérie d’Almere (Pays-Bas), le « village » regroupera des maisons individuelles sur une aire circulaire, mais aussi des serres, chauffées ou non, traditionnelles ou verticales, la plus grande d’entre elles étant dédiée aux cultures en aquaponie (symbiose entre des poissons et des végétaux). La production locale sera complétée par une aire dédiée aux animaux et par le traitement sur place et le recyclage des eaux usées, pour assurer la plus grande indépendance possible de la communauté. Toutes les eaux pluviales sont stockées et réutilisées.
Chaque maison est imbriquée avec une serre familiale, qui sert pour le potager domestique, pour la production d’énergie et de chaleur, et également comme espace de vie intermédiaire.
D’autres espaces communs/communautaires, intérieurs ou extérieurs, sont régulièrement répartis et très divers. Ils n’ont pas seulement vocation à « favoriser le vivre ensemble » comme on le voit souvent dans ce type de projet, mais à créer un véritable espace socio-économique à l’échelle de la communauté, avec des rôles différenciés selon les individus. Prenant acte de la disparition prochaine des métiers tels que nous les connaissons aujourd’hui, l’ambition est de créer une sorte d’incubateur d’activités économiques nouvelles, locales mais aussi en interaction avec d’autres « villages ». Celui d’Almere n’est que le prototype d’un projet très ambitieux de changement de civilisation qui a été théorisé par James Ehrlich, de l’université de Stanford, fondateur de Regen Villages, société américaine qui assure la promotion immobilière de cette opération.
Ehrlich a peur des villes. Il pointe la fragilité de nos mégapoles grandissantes face aux menaces systémiques, leur dépendance aux systèmes complexes d’approvisionnement en eau, nourriture, et énergie, fragilité qui pourrait transformer en catastrophe géante toute défaillance grave sur un maillon du processus. Il souligne que la fin du travail tel que nous le connaissons et l’accroissement des inégalités font partie du cœur de la bombe, et qu’elles se manifestent avec plus d’intensité et de violence dans les grandes concentrations urbaines. L’exode rural, l’exode climatique, économique ou politique, tout comme l’accroissement de la population mondiale, amène dans les villes une population de moins en moins autonome, de plus en plus complexe et inégale. Avec ses villages autarciques, il propose en quelque sorte de diviser le problème, d’éviter les fragilités systémiques tout en œuvrant à la paix individuelle, sociale et environnementale.
La décentralisation comme solution est en train de gagner bien des esprits, mais, on l’a déjà fait remarquer ici, il faut se détacher de l’apparente sympathie du « local », car elle prend souvent, vu de plus large, la forme d’un survivalisme égoïste…
Que manque-t-il à cette image d’un village homogène, dans son cercle, autonome, bio, cool, et transparent, au milieu d’un monde qui ne l’est pas ? Un mur d’enceinte. C’est l’ombre que les architectes ont représentée au premier plan de l’image, celle d’une hypothétique forêt. Une frontière « naturelle »… C’est la possibilité même d’une clairière « neutre », qui pose ici problème.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…