Les paradis fiscaux « victimes » des pays désargentés
À l’automne 2008, le système financier international s’effondra. Les États, leur banque centrale, leur Trésor public, continrent l’hémorragie en parant au plus pressé. L’argent nécessaire pour relancer la machine fut trouvé et ce fut le contribuable qui, pour l’essentiel, régla l’ardoise. Lequel fit alors savoir très clairement à son gouvernement : « Plus jamais ça ! », message reçu cinq sur cinq en haut lieu.
On utilisa pour le sauvetage de 2008, l’expression anglaise de « bail out » signifiant « tirer d’affaire ».
Lorsque Chypre se trouva en difficulté financière en mars 2013, l’option du « bail out » était hors de question : l’île était un havre fiscal pour la Russie et la taille de son système financier excluait que l’État puisse le secourir avec les moyens dont il disposait. La finance cypriote fut sauvée quand elle alla chercher l’argent où il se trouvait : sur les comptes en banque et les livrets-épargne des déposants. Après quelques hésitations, les autorités décidèrent de ne s’en prendre qu’aux sommes dépassant les 100.000 euros et l’on appela l’opération « bail in » pour faire pendant à « bail out ».
Cette fois, ce furent les déposants et épargnants qui reçurent le message cinq sur cinq : « Votre argent à la banque n’est pas véritablement en lieu sûr ! ».
Le bail in a depuis été inscrit dans les textes : l’accord européen du 26 juin 2015 prévoit de solliciter en cas de pertes bancaires, par ordre de priorité, les créanciers des banques, suivis des dépôts des grandes entreprises, de ceux des PME et enfin, comme à Chypre, ceux des particuliers au delà des 100.000 euros garantis par l’État.
Le bail out fait appel à l’argent du contribuable, le bail in à celui de l’épargnant – même si ce n’est qu’en dernier recours. Malheureusement pour les autorités financières nationales, il s’agit généralement des mêmes ménages, dans des capacités différentes, c’est tout !
Que faire ?
Il reste pour les États une autre source potentielle importante de revenus : l’argent qui devrait rentrer au titre des impôts mais qui y échappe : fraudeurs et autres « optimisateurs » fiscaux, particuliers et entreprises. Cerise sur le gâteau : ils ne sont pas petits épargnants, et s’ils sont contribuables, ils n’auront pas le culot d’aller se plaindre si l’on s’en prend à leur rentrées puisque, contribuables, ils le sont bien moins qu’ils le devraient.
Même si les sommes perdues annuellement du fait de l’évasion fiscale décroissent régulièrement depuis la crise des subprimes, elles restent considérables et combleraient les trous les plus voyants des finances des États.
Pourquoi une fraude aussi massive que celle pratiquée aujourd’hui ? En raison du laxisme et du double jeu des États en matière de dumping fiscal. Double jeu du fait que les états ont recours aux havres fiscaux pour leurs agissements troubles (pots-de-vin, versements inavoués de rançons à des preneurs d’otage, financement occulte de campagnes électorales, etc.). Laxisme parce qu’il va de soi que les toutes petites nations ont toujours du mal à ficeler leur budget et que si, par exemple, une grosse compagnie américaine venait se domicilier dans un pays au centre de la construction européenne depuis ses origines mais qui ne compte que 540.000 habitants, pour s’y acquitter d’un impôt au taux ridicule de 0,25%, il s’agirait pour les dirigeants de cette firme et ses actionnaires d’économies considérables, et pour la petite nation, d’un véritable pactole.
Si les grandes nations avaient jusqu’ici fermé les yeux sur les arrangements des toutes petites, c’est que leurs contribuables et leurs épargnants n’avaient pas encore goûté au bail out et ne s’étaient pas encore vus menacés du bail in. Mais les choses ont changé : les contribuables grognent et les épargnants froncent les sourcils et font de gros yeux. Les petites nations aux systèmes juridiques et fiscaux durs à leurs propres citoyens mais à l’élasticité sans égale pour les « non-résidents » sont en train d’en faire les frais. Écoutons le message tout empreint de réalisme et d’un peu d’hypocrisie que leur adressent nos propres dirigeants : « Les lanceurs d’alerte altruistes poussent désormais comme bolets en automne. Qu’y puis-je, c’est la dure réalité ! Je n’y suis hélas strictement pour rien ! »
La gravité de la crise en comparaison de 1962 ? Certes en 62 on est passé très près de la…