Les cliquets posés par la classe dominante alliés à la lâcheté de l’espèce, rendent-ils le pire inévitable ?, par Roberto Boulant

Billet invité

Il se murmurait entre quatre yeux dans la société soviétique au lendemain du 2ème conflit mondial, qu’il était incroyable qu’hommes et femmes soient aussi héroïques au front pour se révéler ensuite aussi lâches dans la société civile.

Dans un registre actuel plus apaisé, il est indéniable que les Grecs ont accepté d’endurer l’inacceptable avant de se décider à voter pour la nouveauté effrayante que constituait alors Syriza. Et lorsque leur premier ministre M. Tsipras trahit tous ses engagements en capitulant en rase campagne devant la Troïka, cela ne provoqua pas d’embrasement général, malgré la certitude que l’injustice et la souffrance allaient continuer de plus belle.

En France, il fut rapidement évident que M. Hollande qui s’était fait passé pour un social-démocrate afin de pouvoir être élu, était en réalité un ultra-libéral au service des intérêts des banques et transnationales systémiques. Ici également, nul soulèvement populaire ou grève générale pour exiger le départ du coucou ultra-libéral du nid républicain.

Enfin au niveau européen, il est tout aussi évident que la Commission européenne a trahit la lettre et l’esprit des pères fondateurs. L’Union née sur les décombres fumants de la guerre et qui se voulait au service des peuples et de la démocratie, s’est transformée doucement mais sûrement, en un Empire ploutocratique où le servage devient la norme.

Or, si tout le monde ici est d’accord pour dénoncer le nihilisme de l’argent -du futur faisons table rase-, il nous faut également admettre que Périclès en fin connaisseur des hommes, avait vu juste : pas de liberté sans courage.

Ce qui pourrait être qualifié sans trop de peine de ‘malédiction de l’espèce’, et qui est probablement la résultante de son parcours évolutif (la cohésion du groupe étant vitale pour la survie, mieux vaut donc se tromper avec le chef), fait que les années de jeunesse passées, l’écrasante majorité d’entre nous devient fondamentalement conservatrice. Elle s’oppose et proteste toujours, mais il devient très difficile pour elle d’accepter ce qui lui apparait dès lors comme une radicalité : l’épreuve de force avec le pouvoir. Au contraire même, préfère-t-elle se mentir et fermer les yeux en abandonnant son sort aux mains des politiciens professionnels.

Là est le paradoxe infernal ! Cette attitude dictée par un lâche aveuglement a toute les chances de déboucher sur des accès de violence dévastatrice. Et peu importe que la forme soit celle d’un état orwellien s’installant progressivement, ou celle d’un chaos social débouchant sur des scénarios de guerre civile.

La première question à laquelle nous devrions répondre, serait donc de savoir s’il est bien réaliste de vouloir restaurer la démocratie en respectant le cadre d’une république zombie, sur le mode trop peu-trop tard d’éventuelles primaires à gauche.

En cas de réponse négative, la Grande Grève Générale et une nouvelle Constituante semblant très improbables, ne resterait plus que deux cheminements possibles : celui d’une realpolitik, d’un repli national nous conduisant inévitablement au pire, ou celui d’une utopie dépassant les vieux cadres, à l’exemple de DiEM 25 (le silence assourdissant des médias en dit très long sur le danger que représente une telle initiative pour le 0,1 %).

Bien sûr, avec un âge moyen de plus de 40 ans, alors qu’il était inférieur à 30 ans en 1789, le scénario de la realpolitik en France et en Europe tient la corde…

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