Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Depuis le début du mois de septembre, plusieurs centaines de demandeurs d’asile (Syriens, Irakiens, Érythréens, Somaliens) séjournent dans le Parc Maximilien de Bruxelles, à 300 mètres de la Gare du Nord. Leur campement fait face à l’Office des Etrangers, première étape dans le long et parfois surréaliste parcours qui leur permettra (peut-être) d’obtenir le statut de réfugiés. C’est que l’Office (fédéral) des Etrangers est dépassé et se montre incapable de répondre à l’afflux des demandes. D’où la présence de longues files d’attente devant le bâtiment.
C’est ce qui a conduit quelques personnes à s’organiser en une « Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés de Bruxelles. Improvisant d’abord une récolte de nourriture, de vêtements puis de tentes, celle-ci est à l’origine de l’étrange oasis du Parc Maximilien, tapi au pied des tours de verre du « World Trade Center » bruxellois. La Plateforme a été rejointe par des collectifs de sans-papiers, par le Samu Social de la ville (émanation du Centre Public d’Action Sociale), par des ONG (Médecins du Monde, MSF, Oxfam)… et des écoles des alentours. Une cuisine permanente a été mise sur pied, gérée et approvisionnée par Collectactif, un autre réseau solidaire.
Rapidement, un véritable petit village de tentes s’est constitué et structuré dans le parc, avec centre d’accueil et de coordination, cuisine, cantine, sanitaires, atelier-bois (pour construire des bancs, des tables à partir de palettes de supermarché), bazars à vêtements et à chaussures (gratuits évidemment), espace citoyen, écoles, ateliers, clowns itinérants… sans oublier le terrain de mini-foot au centre de l’espace. Les bénévoles y affluent, y passent une heure ou la journée, participant au tri des vêtements, à leur distribution, à la gestion des poubelles, aux cours de langue.
Le campement semble convenir aux demandeurs d’asile qui, il faut le rappeler, ne sont pas de simples migrants arrivés là tranquillement en avion ou en auto-stop, pour voir le monde et faire du shopping (la très chic Rue Neuve est pourtant à deux pas). Concrètement, le lieu leur permet de vivre et d’attendre en paix que l’Office des Etrangers finisse par faire son premier travail, qui est simplement, à ce stade, d’enregistrer les demandes d’asile et de fixer un rendez vous… plusieurs jours plus tard.
Nous ne sommes pas dans l’arrière-campagne sinistrée d’un pays « en voie de développement » : nous sommes en plein cœur de Bruxelles, capitale de la Belgique et de l’Europe. Et nous sommes aux premières loges pour assister aux errements de l’Etat fédéral belge : un ectoplasme en voie de disparition, vidé de sa dernière substance, livré aux appétits électoraux séparatistes et opportunistes de tous poils. Ce sont dès lors les citoyens qui suppléent à l’indigence éloquente (ou à l’éloquence indigente) du politique.
Ce n’est pas que celui-ci ne fait rien. Il prend quelques mesures … et surtout fait des déclarations qui sèment la confusion et parfois la haine, alimentant un de ces charivaris à la belge que le monde entier nous envie. Au centre de la mêlée, Théo Francken, secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, membre de la Nieuwe Vlaamse Alliantie (NVA, séparatistes flamands). Certes, il a consenti (à contre-cœur selon ses propres dires) à ouvrir pour les réfugiés un bâtiment de 500 places à deux pas de l’Office des Etrangers (et du Parc Maximilien), mandatant la Croix-Rouge pour l’administrer.
Cependant, le modèle d’accueil ainsi conçu s’inspire de ce qui se fait en Belgique dans les centres de nuit pour sans-abris : obligation d’être dans les bâtiments à 21h, obligation d’en sortir à 8h, séparation des hommes, des femmes et des enfants, impossibilité (ou grande difficulté) d’amener avec soi ses bagages (ses précieux bagages, quand on les a portés de si loin). A cela s’ajoute, dans ledit bâtiment, l’absence de douches et de nourriture. En comparaison, naturellement, le Parc Maximilien est un havre de paix et de convivialité. Chacun y va et y vient à sa guise, y sirote un thé jusque tard, jusqu’à rejoindre sa famille dans l’intimité de sa tente.
Vexé que moins de vingt demandeurs d’asiles répondent à sa cordiale invitation de se faire emmurer dans un cube de béton, piqué au vif comme un gamin dont on a osé refuser le beau dessin, Théo Francken a exigé… des excuses. Incapable de voir en quoi l’élan citoyen pouvait lui montrer la voie, le fougueux caporal-chef de l’asile et de la migration belges se répand depuis lors en persiflages contre ces gens qui, sous prétexte qu’ils fuient l’enfer, oublient toute courtoisie à l’égard de son génie gestionnaire. Et le charivari politicien à la belge reprend de plus belle.
Pendant ce temps-là, sur place, ce matin, les demandeurs d’asile et les bénévoles du Parc Maximilien avaient besoin de :
– Matelas, couvertures et oreillers
– Chaussettes et slips pour hommes
– Trainings pour faire du sport
– Déodorants pour hommes et femmes
– Cotons-tiges
– Couverts et assiettes en plastic
– Sacs poubelles de 30 ou 50 L
– Gants en latex
– Lampes de poche
– Extincteurs
– Sodas en canettes
– Et une paire de basket pointure 44 pour un homme invalide
Allez-y voir et donner un coup de main. Et faites passer !
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