Billet invité.
L’espace, le Temps, la Matière, existent-ils vraiment ? Oui – pour Albert Einstein, qui formalise une trame spatio-temporelle emprisonnant la matière sous toute ses formes. Oui mais – pour la physique quantique, qui décrit un monde microscopique où une particule peut se trouver en plusieurs endroits et en plusieurs états à la fois, et dont les caractéristiques multiples ne deviennent uniques qu’au moment de l’observation (ce que les physiciens nomment la réduction du paquet d’ondes).
Deux descriptions du monde fonctionnant parfaitement dans la vérification ou la prédiction des phénomènes physiques, mais contradictoires l’une-l’autre. Comment en effet expliquer qu’un objet macroscopique soit parfaitement localisable dans l’espace-temps, alors même que ses constituants microscopiques ne le sont pas ? Comment imaginer et situer une frontière, séparant deux mondes… constitués des mêmes atomes ? Notre vision de la matière est clairement duale, et la théorie de la décohérence quantique n’explique que partiellement la réduction du paquet d’ondes. À moins bien sûr, d’imaginer comme Hugh Everett, que la nature réalise toutes les valeurs quantiques possibles… mais chacune dans un univers différent ! Mais en admettant que cela soit bien le cas, même à imaginer que l’univers se scinde en deux à chaque réduction du paquet d’ondes, cela ne résoudrait en rien le problème de la frontière entre les mondes microscopique et macroscopique. La nature réaliserait certes tous les possibles, mais nous n’en aurions toujours qu’une vision hémiplégique.
Heureusement, lorsque l’injonction « tais-toi et calcule » ne suffit plus, reste la solution d’observer plus finement la nature afin d’espérer pouvoir débloquer la situation. Et c’est ce que fit brillamment en 1982, Alain Aspect à l’Institut d’Optique d’Orsay. Grâce à une manipulation très élégante, à base de lumière et d’actuateurs, il démontra la réalité du concept d’intrication découvert par Schrödinger en 1935 : deux particules formées au même endroit, intriquées l’une-l’autre, puis séparées et envoyées dans deux directions opposées, réagissent comme si elles formaient un système unique. Agir sur l’une, c’est agir instantanément sur l’autre ! Exit donc le cadre spatio-temporel einsteinien, où rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière. L’intrication n’est donc clairement pas une évolution dans le temps. Elle n’exprime pas une loi dynamique, elle ne peut pas être décrite par la fameuse équation de Schrödinger. En clair, la différence microscopique-macroscopique ne serait plus pertinente. L’expérience d’Alain Aspect démontrant qu’il nous faudrait penser le monde entre les phénomènes se déployant dans l’espace et le temps, et ceux qui se déploient… ailleurs ! (les physiciens pour paraître plus sérieux, parlent de phénomènes non-locaux).
Il n’empêche ! Plus de 5.000 ans d’avancées scientifiques, pour apprendre finalement que la vérité est ailleurs ! Dieu, scénariste à Hollywood ?
Heureusement pour nous, il existe peut-être une explication.
Malheureusement pour nous, si cette explication est vérifiée, elle prouvera définitivement que nos esprits-animaux sont bien trop limités pour percevoir la subtilité du monde.
Car dans le nouveau paradigme, la relativité générale et la théorie quantique ne décriraient plus la réalité, mais uniquement la représentation que s’en fait notre esprit. En clair, la physique ne formaliserait que notre subjectivité !
Et la réalité à jamais inaccessible, verrait homo-sapiens coincé dans son niveau de conscience, en compagnie des autres mammifères terrestres. Voilà qui incite à la modestie.
Cette nouvelle approche informationnelle doit maintenant démontrer qu’elle est opératoire, et pour cela s’attaquer -pour les dépasser-, aux deux monuments que sont la relativité générale et la mécanique quantique. Concilier dans une même théorie, cosmologie et infiniment petit. Si tel s’avère finalement être le cas, il ne sera pas exagéré de parler de révolution !
Restera alors la fameuse interrogation d’Einstein, « ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible ». Et en effet, comment expliquer que Platon avait déjà eu cette intuition il y a près de 25 siècles, au travers de son allégorie de la caverne ?
Pour aller plus loin :
– http://www.automatesintelligents.com/interviews/2004/juin/mugurschachter.html.
Pour une invalidation de l’approche réaliste (positiviste forte) d’un réel préexistant à l’observateur.
– A Quantum-Digital Universe (PDF en anglais)
– Par-delà le visible. La réalité du monde physique et la gravité quantique, de Carlo Rovelli. Éd. Odile Jacob. 2015. Un résumé accessible des liens unissant gravitation quantique et théorie informationnelle.
– Mécanique des étreintes, d’Alexei Grinbaum. Éd. Encre marine. 2014. Ou comment les vieilles disputes entre dieux et physiciens sont toujours d’actualité.
– Des univers multiples. À l’aube d’une nouvelle cosmologie, d’Aurélien Barrau. Ed. Dunod. 2014. Une présentation des multivers et un essai historique sur leurs histoires : d’Anaximandre de Milet au LHC.
Je ne suis pas sûr que ce dialogue entre vous-même et vous-même soit vraiment fructueux.