Billet invité. Ouvert aux commentaires.
La loi sur la transition énergétique a donc été votée en l’état [1] ce mercredi 22 juillet 2015. L’ensemble des 20 actions dites « phares » par la Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, sont saluées par une partie de la classe politique française, alors que la Ministre scande tout haut : « La France exemplaire pour la COP21 »…
Exemplaire ?
En réalité, cette loi sur la transition énergétique qui était pourtant l’un des engagements « phares » de campagne de François Hollande, a suscité très tôt la polémique et ceci dès le lancement du débat public. En novembre 2012, le Directeur Général de Greenpeace France justifiait leur décision de ne plus participer au débat du fait de la présence au sein même du comité de pilotage d’une majorité de membres favorables à l’énergie nucléaire, ainsi que l’absence des filières des renouvelables et de l’efficacité énergétique [2]. En outre, tout au long des consultations, les contributions citoyennes montraient du doigt d’autres grands sujets absents des discussions, notamment la santé et le transport. Elles déploraient également la non participation de l’école au débat national… Tiens donc, pourquoi diable les générations à venir n’auraient-elles pas leur mot à dire en terme de transition énergétique ? Mais le plus troublant dans tout cela, c’est sans doute le décalage observé durant le débat public entre les attentes exprimées par le comité de pilotage et celles des citoyens eux-mêmes :
« On nous dit que la transition énergétique peut être une réponse à la crise. Or, on nous parle d’horizon lointain, 2050, alors que la crise, c’est aujourd’hui. Certaines propositions nous semblent aussi très institutionnelles, il faut nous parler de sujets que nous pouvons nous approprier : la formation, la consommation… » [3]
Bref, tous ceux qui ont participé à ce débat pour le moins « chronophage » ont eu cette impression étrange, voire fâcheuse, de fin de non recevoir [4], à l’issue de quoi bien évidemment, « tout reste à faire » selon les propres mots du Directeur du CLER (Réseau pour la Transition Énergétique), tant il est certain aussi qu’« un débat national, ça ne remplace pas un gouvernement » selon les propres mots du Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie de l’époque.
Puis sans surprise, ce fut l’enlisement complet du projet puisqu’aucune date précise ne pouvait être fixée pour la future loi de programmation de la transition énergétique que l’on reportait sans cesse à plus tard. On trouvait alors des excuses toutes faites du genre : « c’est la faute à la crise financière puisqu’un tel projet nécessite des moyens financiers que nous n’avons pas ». Bien voyons…
Par contre, lorsqu’il s’agit d’augmenter aveuglément le budget du nucléaire, et ceci en dépit de l’explosion des coûts de l’EPR (European Pressurized Reactor) [5] [6], ou des zones d’ombre que sont le démantèlement des centrales et le stockage des déchets, cela ne pose a priori aucun problème [7] [8], même lorsqu’il s’agit d’une hausse de 20,6% en 3 ans entre 2010 et 2013 [9].
Le projet de loi sur la transition énergétique ne sera finalement dévoilé par Ségolène Royal que le 30 juillet 2014 ; un projet de loi aux jalons délirants d’ores et déjà fixés à 2030, voire 2050, tout en étant très favorable à EDF et au nucléaire [10]. Pas un mot lors de cette présentation sur le projet de stockage des déchets radioactifs, CIGEO (Centre de Stockage Réversible en Couche Géologique Profonde), qui pourtant provoquera un tollé général qui obligera le gouvernement à reculer. Ce sera alors le début du long feuilleton CIGEO qui ne se terminera, une fois n’est pas coutume à la surprise générale, qu’à l’issue de l’adoption de la loi… Macron [11] !?
Mais où est donc passée la transition dans cette loi dite de transition énergétique ?
Car entre temps, et alors que le Gouvernement peaufine une dernière fois ses derniers petits coups de poker, tant il y en aura finalement pour tous les lobbies, y compris ceux de l’industrie de la voiture électrique [12], le va et vient entre les deux chambres peut alors commencer. Tout est parfaitement huilé pour les lobbies du nucléaire qui connaissent parfaitement les ficelles et c’est au tour du Sénat de s’opposer par deux fois à une réduction de 50% de la production électrique nucléaire à l’horizon 2025 [13].
Finalement, une fois n’est pas coutume, on jouera encore un peu sur les mots et la loi sur la transition énergétique sera votée le 22 juillet 2015 après avoir été vidée de tout son sens [14].
C’est ce que semble d’ailleurs vouloir indiquer le Transitiomètre [15].
Avec des jalons fixés dans la loi :
- à 2025 pour ramener à 50% la part du nucléaire !?
- à 2030 pour réduire de 30% la consommation en énergie fossile
- à 2030 pour réduire de 40% nos émissions de gaz à effet de serre
- à 2050 pour réduire de 50% notre consommation énergétique finale
- à 2050 pour réduire de 50% le volume de déchets mis en décharge
- etc.
… si tous les États prennent ainsi exemple sur la France, alors il semble évident que la COP21 débouchera malheureusement sur un nouvel échec des plus patents… puisqu’au rythme où vont les choses, tout sera plié bien avant 2025 [16] !
Cette loi sur la transition énergétique nous prouve à quel point les lobbies sont à la fois méprisants et dangereux, confisquant le pouvoir démocratique des citoyens anonymes, mettant en péril le peu d’espoir qu’il nous reste. Ces gens là n’ont vraisemblablement aucune notion du temps, de sa capacité à s’étirer ou à se contracter, et n’ont pas la moindre idée de ce qui NOUS attend. C’est tout simplement pathétique…
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[1] http://www.developpement-durable.gouv.fr/Vote-definitif-de-la-loi-de.html
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_pressuris%C3%A9_europ%C3%A9en
[6] http://www.politis.fr/EPR-une-explosion-des-couts,20386.html
[7] http://www.reporterre.net/Le-nucleaire-coute-de-plus-en-plus
[8] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r2007-tI.asp
[9] http://denisbaupin.fr/le-monde-facture-du-nucleaire-lalerte-de-la-cour-des-comptes/
[13] http://www.ouest-france.fr/politique-le-senat-soppose-une-reduction-du-nucleaire-de-moitie-3551893
[14] http://www.developpement-durable.gouv.fr/Discours-de-Segolene-Royal-lecture.html
[15] http://transitionenergetique.org/transitiometre/index.html
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