Retranscription de Le temps qu’il fait le 24 avril 2015. Merci à Olivier Brouwer ! Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le vendredi 24 avril 2015. Et hier [et avant-hier], pour moi, deux journées bien remplies. Si j’ai l’air un peu fatigué ou si je m’embrouille un peu dans mes explications, vous saurez pourquoi.
Avant-hier soir, je me trouvais à Thuin, sur la Sambre, dans le Hainaut en Belgique, et j’ai eu un débat avec Patrick Dupriez, qui est le coprésident du parti Écolo. Hier à midi, je me suis entretenu avec les entrepreneurs du Brabant wallon, et ce n’était pas la moins intéressante des réunions que j’ai pu avoir ces jours derniers. J’ai rencontré des gens – pas tous, mais enfin beaucoup – qui essayent de faire des choses autrement dans leurs entreprises, distribuer les bénéfices d’une manière différente, organiser la hiérarchie intérieure, avoir des objectifs pour leur compagnie qui soient des choses un petit peu inhabituelles, et voilà. Je resterai en contact avec certains d’entre eux. Et hier soir, je me trouvais, pour l’extension de l’Université Libre de Bruxelles, à La Louvière, toujours dans le Hainaut, où j’avais un débat avec Bruno Colmant. Ce n’est pas le premier débat que j’ai avec Bruno Colmant, mais là, on était devant une salle bien remplie et on avait des questions intéressantes venant de la salle.
Durant la semaine – c’était avant-hier, le jour où je suis allé à Thuin – j’ai reçu un coup de téléphone qui m’a un peu désarçonné. Je ne peux pas vous en parler de manière détaillée ou de manière très précise, parce qu’il y a un « black out », comme on dit, jusqu’à mercredi, mais mercredi, watch this space comme on dit en anglais, [venez] voir ici, parce que je vous donnerai une explication de ce qui s’est passé. Et quand je dis (je ne sais pas ce que j’ai dit, mais) un coup sur la tête ou un coup de bambou, c’est parce que ce coup de téléphone m’oblige à reformuler autrement un certain nombre de choses que j’ai dites récemment, en particulier dans les vidéos, [comme quoi] ce que je dis n’a aucune importance par rapport aux décisions qui sont prises, qu’il n’y a pas de communication entre ce qui est dit ici sur le blog par moi-même, par les auteurs de billets invités et par les commentateurs, que ça ne perfuse pas, que ça ne percole pas avec les décisions qui sont prises. Parce que, voilà, je ne vais pas pouvoir plus longtemps dire ça ! Alors, bon, quand je vous expliquerai de quoi il s’agit mercredi, vous me direz que le monde n’a pas changé de face, mais vous verrez, vous comprendrez ce que je dis quant à l’influence ou non de ce qui est dit ici et de ce que je peux dire personnellement. Voilà. Plus de précisions mercredi prochain.
Alors, eh bien, ça me fait plaisir de voir ce matin que « Arrêt sur image », vous connaissez sans doute « Arrêt sur image » de Daniel Schneidermann, qui consacre un long paragraphe à un article que j’ai écrit sur Politico Brussels, qui est donc un nouvel organe de presse d’origine américaine qui vient nous expliquer ce qui se passe à Bruxelles et qui envoie 35 correspondants, ce qui est vraiment considérable, pour rendre compte de ce qui se passe à Bruxelles. Et j’ai manifesté ma consternation devant, comment dire, l’offensive anti-Tsipras, anti-gouvernement Syriza en Grèce, par Monsieur Pierre Briançon, qui est un reporter-journaliste chevronné, mais qui fait une attaque en règle contre le gouvernement grec. Alors, j’ai voulu réagir et Schneidermann reprend mes propos. J’exprimais ma consternation devant la manière inqualifiable dont un avocat de plus, un prêtre de plus, je devrais dire, de la religion féroce, de la Troïka, mène l’offensive contre ce que le gouvernement grec est en train de faire.
Alors, le gouvernement grec, il tient depuis le 29 janvier. C’est très bien ! Voilà, ça va être quoi ? ça va faire trois mois, ce qui est déjà pas mal dans le climat qui est celui de la pensée unique, du TINA – There is no alternative – et qu’on peut résumer aussi par dire qu’il n’y a qu’une seule variable d’ajustement quand le capitalisme est malade, c’est-à-dire que ceux qui en sont principalement les victimes, c’est-à-dire les salariés, eh bien, c’est eux qu’on va faire payer encore pour les péchés, les maladresses, les dysfonctionnements de ce système. Alors, ce Monsieur Pierre Briançon est une personne de plus qui va maintenant, avec des gros moyens financiers, nous répéter ce message.
Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Eh bien, il faut faire comme moi j’ai dit : « Vas-y Tsipras ! Rentre-lui dans le mou ! » ou « Rentre-lui dans le chou ! » Il faut que vous fassiez la même chose. Il faut continuer à taper sur des casseroles et dire, voilà : c’est un autre point de vue, c’est une autre manière de faire les choses qui est défendue par le gouvernement grec, et mettons-nous tous ensemble, créons, par les moyens que nous pouvons avoir – c’est d’aller écrire des commentaires sur des blogs, ou à la suite de choses qui paraissent dans la presse télévisée, imprimée, etc. – utilisez tous les moyens qui sont à votre disposition.
L’Internet met à la disposition des citoyens ordinaires des moyens qui n’existaient pas autrefois. Utilisons-les et faisons le plus de bruit possible, en disant au gouvernement grec : « Tu n’es pas tout seul, nous sommes là ! Nos gouvernements qui sont censés nous représenter ne nous représentent pas de ce point de vue-là, nous sommes d’accord avec ce que vous essayez de faire. Il y a autre chose à faire en Europe que ce qu’on nous impose, et que, avec ces airs, comment dire, avec cette prétention, cette arrogance de ces différentes personnes qui dirigent la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et [le Fonds Monétaire International], il y a autre chose à faire que de répéter le même et d’enfoncer ce système, d’enfoncer ce système de plus en plus pour le rendre tout à fait inopérant, simplement à partir de croyances dogmatiques sur le fait que la privatisation, c’est mieux que quand c’est un gouvernement qui dirige les choses, que la concurrence de tous, c’est bien mieux que la solidarité, etc. » Ne nous laissons pas faire ! Répétons, répétons que ce que le gouvernement Syriza essaye de faire, c’est la chose [qu’il faut faire], et que nous sommes derrière lui avec les moyens dont nous disposons, qui ne sont pas énormes, mais disons-le quand même.
Hier, à La Louvière, Colmant, dans la discussion qui a eu lieu après nos interventions, en réponse à la salle, a souligné le fait qu’il était chagriné par le fait qu’il voit que ses arguments sont utilisés de plus en plus par le Front National en France, et qu’il reçoit des félicitations de ce côté-là. Alors, cette expérience, eh bien, elle n’est pas nouvelle : moi je connais ça. Je vous ai parlé à l’époque des ouvertures qui me venaient du Front National, qui demandait, voilà : « Pourquoi ne venez-vous pas nous conseiller ? », et j’avais expliqué pourquoi. C’est à cause de toute cette, comment dire, de tout ce folklore d’extrême-droite que ce parti considère nécessaire d’encore agiter, comme la xénophobie, l’animosité, l’hostilité, les explications simplistes que si les choses vont mal, c’est probablement mon voisin, qui a une tête qui ne me revient pas, qui en est responsable. C’est vrai. C’est vrai : c’est l’expérience de Lordon, de Sapir, de Todd, de mes amis, de voir que leurs arguments – les miens aussi bien entendu – sont repris essentiellement, par quel parti ? eh bien essentiellement par le Front National en France. Et maintenant, Colmant, dans la mesure où ses positions, je dirais, sont des positions davantage de gauche.
Alors il faudrait quand même dire à Madame Le Pen, il faudrait quand même dire, et j’espère qu’elle y pense dans ses querelles avec son père qui, lui, est un représentant, je dirais, de l’extrême-droite la plus haïssable, qui n’arrête pas de répéter des choses qui sont indicibles par leur stupidité, qui s’est conduit d’une manière qui est très très loin d’être irréprochable dans le passé – on m’a raconté aussi des anecdotes personnelles à ce sujet-là que je ne vais pas vous raconter, mais – Monsieur Jean-Marie Le Pen représente l’extrême-droite la plus haïssable, et on comprend mal le jeu que Madame Le Pen fille est en train de jouer. Elle recycle toutes les idées de gauche qui ne trouvent pas d’écho dans la gauche classique, elle les recycle. Je crois qu’elle devrait, dans ses querelles avec son père, essayer de faire le tri ! Essayer de faire le tri : si elle a des idées de gauche – et ce sont celles-là qui font que la classe ouvrière française se rallie derrière son parti, ce ne sont pas les discours xénophobes, j’en suis certain – il faut qu’elle en tire les conséquences. Si elle n’aime pas qu’on répète à tout moment qu’elle est d’extrême-droite, parce qu’il y a effectivement tous ces oripeaux, je dirais, inclassables et insupportables qu’elle entraîne avec elle, si elle considère qu’elle est de gauche, eh bien, qu’elle en tire les conséquences ! Qu’elle devienne un leader de la gauche en reniant, je dirais, des choses qui finalement ne sont absolument pas nécessaires à son discours. Voilà.
Bon, là je parle vraiment dans le vide, parce qu’il n’y a aucune chance que ça se passe, mais quand même : si ça la dérange tellement qu’on appelle ce qu’elle dit « d’extrême-droite » parce que c’est de gauche en grande partie, eh bien, qu’elle en tire les conséquences elle-même. Qu’elle fasse le pas supplémentaire et qu’elle cesse, je dirais, par piété filiale probablement, de rester dans la ligne d’un parti qui, lui, je dirais, n’est pas recyclable, recyclable pour l’avenir, parce qu’il a trop de casseroles du côté de l’extrême-droite et des idées les plus fascisantes, dont on a vu dans l’histoire les résultats que ça donnait. Ce n’est pas ça qu’on veut. Reprendre les idées des quelques personnes dont j’ai dit les noms, eh bien, c’est une idée excellente, et finalement, c’est à la gauche de se reprocher pourquoi est-ce que ce n’est pas elle qui reprend ces idées-là plutôt que Madame Le Pen, mais Madame Le Pen peut essayer aussi, je dirais, d’accorder ses violons à elle et d’en tirer les conséquences.
Voilà, bon, des considérations un petit peu disparates au lendemain de jours bien remplis. Je vous en dirai davantage mercredi, alors, eh bien, à très bientôt. En tout cas, à mercredi !
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