Billet invité. À propos de Martin Gilens and Benjamin I. Page : Testing Theories of American Politics: Elites, Interest Groups, and Average Citizens, Perspectives in Politics, September 2014, discuté dans Le temps qu’il fait le (jeudi) 16 avril 2015.
L’invasion de cliquets
Sauf si vous êtes un cyborg, une fois une langue maternelle apprise, apprendre une autre langue est une difficulté incomparable: c’est que votre cerveau a « pris des plis ».
Cliquet de langue
Les cliquets, c’est un peu ça, quelque chose qu’on fait au début, puis qui vous coince après. Pour la langue, ce cliquet se transforme en un vrai bonheur : les efforts mis dans les langues ouvrent nos oreilles et nos cœurs plus sûrement que vingt sermons. Car la langue est le cliquet de nos vies-mêmes : explorer d’autres langues, c’est explorer d’autres vies. Explorer sa langue, c’est être poète.
Cliquets longs et cliquets courts
Mais les cliquets sont aussi présents dans les objets autours de nous. Dans le « trop long » ou le « trop court », les cliquets sont nos ennemis de chemin.
Du long ?
Cette dalle chauffante de ta maison, mal conçue au départ — des tuyaux mal répartis dans du béton — on ne la changera jamais de ton vivant : qui veut tout casser quand ça marche à peu près ?
Du court ?
En veux-tu en voilà ! C’est le secret de notre art de jeter des objets âgés d’à peine 3 ans, dont aucun bout n’est recyclable ni par vous ni par moi.
Cliquets de printemps
Même à Flamanville, on a du cliquet, mais dame, c’est du « cliquet de printemps » : une nouvelle espèce active même dans l’acier le plus trempé qui fait qu’on peut poser une cuve défectueuse, et, bah, on la regardera vibrer. Et si elle vibre un peu fort ? Tous aux abris ! ce sera, comme dit Stromae, « Formidable » (étymologiquement : qui fait peur, le « miedo » espagnol = la peur).
Nano cliquets
La poussière, en voilà une chose courante qui ne l’était pas ! Nul autre qu’Homo, dans le règne animal ne « fait la poussière ». Minou fait sa toilette, certes, enterre ses crottes, oui-da, mais, foi de Colette, il ne fait pas la poussière de sa litière. Mésange, elle, fait son nid de fibres et de plumes, bien fol qui voudrait en ôter poussière.
La poussière, c’est du Nano-cliquet, un délice pervers d’Homo faber, parce qu’on a trop de surfaces qu’on ne touche jamais : une punition de l’accumulation si quotidienne et si infime.
Que ne suis-je vraiment moderne, toutefois ? Foin d’une bonne au plumeau, voilà, dites-vous, pour me satisfaire : un petit aspirateur automatique concentré d’intelligence rampant à mes pieds, poussiérophage en diable.
Devrais-je rester coi ?
Non pas, car, hop, voilà par cela rajouté deux de mes moments cliquetants : uncliquet court à valoir le jour prochain de sa panne fatale (mais l’heureux propriétaire n’a-t-il pas son badge de la déchetterie ?), et un cliquet long à valoir là-bas très loin (à la mine de cuivre El Teniente qui a servi à faire les bobinages du gentil moteur cyborgo-nettoyant).
Cliquets politiques
Les plus passionnants, mon cher zôon politikon qui me lisez ! L’espèce la plus connue ce ces cliquets zélés a pour petit nom « ménatupavoté ».
Car oui, trois fois oui, je le vois dans vos yeux : vous votez. Oui encore : vous avez vos préférences. Oui, toujours : il y a un programme sur une profession de foi sur feuille A4 à votre couleur préférée.
Mais… mais non, trois fois non : le programme analysé par Gilens et Page, –comprendre : celui des élites –, est le seul et unique qui sera appliqué. Ah le doux son de « cliquetTina« , espèce récente et déjà si robuste.
Et comme ça se comprend bien !
En effet, pourquoi diable, une fois arrivé comme cliquénarque aux manches de l’exécutif, s’embêter à revenir en arrière et demander son avis à quelqu’un(e), une dénommée Judith peut-être, alors qu’elle ne votera plus pendant 4 ans, ou 5 ou 6 ans ? Et pourquoi se priver de faire vivre des journalistes en masse pour blatérer tout le brouhaha qu’il faudra pour couvrir cette question d’un bruit de crécelles économiques.
Cliquet médiatique
C’est que, cher zôon, le cliquet politique va de pair avec le cliquet médiatique. Oui, celui qui fait un bruit de crécelle si reconnaissable. Suave et ineffable gazouillis gattazien :
Ô marché, bel oiseau, suspends ton vol et tes cotisations sociales juste quand tu passes au-dessus de moi et lâche de ton bec ce camembert de dividendes.
/continuer en psalmodiant façon cistercienne/ : Et dis leur que c’est ainsi que Sainte Compétitivité leur trouvera des saints emplois en Rafales. Des réacteurs d’Areva aux avaries avérées. Des crédits toute leur vie pour s’offrir un logis riquiqui. Du schiste finement pilé pour y puiser de l’énergie.
Aaaaaamèn(e) moi l’Oléoduuuuuuc.
/sortir du temple et ranger son missel dans son étui à Dos Jaune/
Cliquets climatiques – l’invasion
/Hôtel du Nord, gueule d’atmosphère /
Comment ça la poubelle est pleine ? Pas vidée, la poubelle atmosphère ? Mais que diable fait la RMSS (Régie Municipale du Système Solaire) ?
C’est qu’à force d’en mettre partout des cliquets, il s’en fait des nuées et des nuages.
Les moteurs cliquètent, les chaudières tirent sur les grandes pailles fichées dans le sol et l’oxyde ramène le carbone zombie réchauffer l’azote noir de nos nuits blanches.
L’invasion de cliquets, zôon poli, c’est l’action marchande, l’option marchande prise sur toute la planète à la nature formidable.
Formidable mais qui ne fait plus très peur.
Formidable mais qui n’est plus très bleue.
Les stocks de pétrole à trouver sans fin pour maintenir les cours de bourse valorisés :
Comme on prépare la gueule de bois de notre lâcheté commune, zôon !
La science exploitée comme un vulgaire citron pressé, aux grains jamais replantés.
Jamais, es-tu sûr, zôon ?
Déclic, pas que des clicks.
Espoir pour les vies encore humaines, celles d’après le citron pressé plus qu’à moitié, celles qui parleront à nos enfants : elles seront souvent sous la nuée. Mais aussi, elles seront incollables sur… les cliquets.
Leur déclic sera : Réparer ; réparer, balayer. Balayer toutes les sortes de cliquets : ça va de soi quand tu les reconnais.
Les efforts mis dans les déclics ouvrent nos oreilles et nos cœurs plus sûrement que trente sermons! Que quarante COP21 ! Car réparer est la dignité de nos vies-mêmes : Explorer d’autres vies, être notre poète, retrouver notre langue.
Notre fine langue de Terre.
J’ai l’explication : https://www.francebleu.fr/emissions/circuit-bleu-cote-saveur-avec-les-toques-en-drome-ardeche/drome-ardeche/circuit-bleu-cote-saveurs-avec-les-toques-de-drome-ardeche-102