Billet invité.
Continuant à pratiquer la politique du pire, le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble a affirmé hier que « jusqu’à présent, personne n’a compris ce que voulait finalement le gouvernement grec », faisant porter par avance à ce dernier la responsabilité de ce qui pourrait suivre et s’annonce mal, pour lequel il aura beaucoup œuvré.
Mettre en avant la conduite inconvenante de Yanis Varoufakis, qui préfère les déclarations à la presse aux conciliabules feutrés, pour justifier l’absence de confiance et l’impossibilité d’un accord n’est qu’un prétexte commode. Les propositions venant d’Athènes sont d’ailleurs en cours d’étude par les hauts fonctionnaires du « Groupe de Bruxelles », qui a pris la succession de la Troïka en répliquant la même configuration. Et les propositions élaborées du ministre des finances grec visant à restructurer la dette grecque et à financer un programme européen d’investissement via la BCE et la Banque européenne d’investissement (BEI) sont ignorées, ne s’inscrivant pas dans le cadre rigide dont il n’est pas question de sortir.
C’est cette intransigeance et ce refus d’en discuter que l’on s’emploie à masquer, et que le commissaire Pierre Moscovici a illustrée depuis Berlin en déclarant péremptoirement et avec assurance : « la dette doit être remboursée. Il n’y aura pas de décote, pas d’abandon de créance ». Tant qu’ils s’en tiennent à leurs dogmes et à leurs petits jeux de pouvoir, les dirigeants européens sont dans leur rôle, mais on verra la suite… C’est paradoxalement le président de la BCE qui, après celui de la Commission, comprend à sa manière ce que la situation actuelle réclame. Mario Draghi essaye de prendre de la hauteur : « nous avons besoin de passer d’un système de règles et de directives pour les politiques économiques nationales à un système s’appuyant sur davantage de souveraineté partagée au sein d’institutions communes ». Précisant, mais laissant sur sa faim, qu’il faut « renforcer la responsabilité démocratique de l’Europe ».
Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’en est pas pris pas le chemin en Grèce. Pour empêcher qu’une brèche soit creusée, dans laquelle d’autres pourraient s’engouffrer, c’est tout le contraire qui est imposé. La décomposition du paysage politique européen va se poursuivre, pour le meilleur et pour le pire, c’est le seul résultat dont les dirigeants européens vont pouvoir se prévaloir. Quant à la caution démocratique dont ils voudraient pouvoir bénéficier, elle va leur échapper des mains pour se résumer à des constructions technocratiques. Car les abandons de souveraineté qu’ils ont en tête réclament des contre-parties démocratiques étendues qu’ils ne sont pas prêts à lâcher.
À la toute puissance commode du marché qui a d’autres chats à fouetter, a été substituée par défaut celle de traités sur lesquels il ne peut être revenu. Les dirigeants européens ont organisé leur impuissance et s’en prévalent. Ils voudraient maintenant parler de démocratie, quelle plaisanterie !
Edward Abbey disait que la nature sauvage est un besoin fondamental de l’esprit humain, aussi vital pour l’homme que l’eau…