Billet invité.
Le Comité européen du risque systémique (CERS) (*) a enfin rendu son rapport après trois ans de réflexion soutenue sur un sujet épineux : comment traiter la dette souveraine dans les bilans bancaires ? En attendant son verdict, on retenait son souffle.
On se souvient en effet que la BCE avait considéré comme étant sans risques les titres de la dette publique lors de sa rigoureuse évaluation des bilans des grandes banques européennes de l’année dernière, et que certains mauvais esprits s’en étaient chagrinés. Que nous apprennent donc aujourd’hui les experts du CERS ? Selon le communiqué de presse, « le rapport fait valoir que d’un point de vue macro-prudentiel, le cadre réglementaire actuel pourrait avoir conduit les institutions financières à des investissements dans la dette publique excessifs. Le rapport reconnaît la difficulté de réformer le cadre existant sans générer une instabilité potentielle dans les marchés de la dette souveraine. » Pour parler clair : les banques sont dangereusement gavées de dette publique, mais abandonner la fiction du risque nul accordé à ces titres déséquilibrerait le système financier. Heureusement, le CERS ne se décourage pas et voit une solution à ce dilemme, mais seulement « à moyen-terme, quand la crise sera finie »…
Faut-il rapprocher cet aveu d’impuissance de la déclaration du président de la Bundesbank à propos du programme d’achat de cette même dette publique par la BCE, qui vient de démarrer ? Pour tout satisfecit, Jens Weidmann a constaté que l’Eurosystème devenait « le plus gros créancier des États », une situation qu’il n’imagine pas des plus confortable, croit-on comprendre ! Si l’on saisit bien le rapport du CERS, en effet, certaines composantes de l’Eurosystème risqueraient des pertes significatives et celui-ci, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales, pourrait s’en trouver déséquilibré.
Une question en amenant une autre, la dette publique devenant à risque, comment le mesurer ? Les agences ayant habitué à des notations de complaisance désormais hors jeu pour les gens sérieux (et honnêtes), les investisseurs disposaient encore jusqu’à tout récemment de taux de marché intégrant une prime de risque, mais depuis qu’une étrange mode de taux négatifs fait fureur sur le marché obligataire, ce dernier repère tend à disparaître…
Avec la dette souveraine, nous sommes ramenés au cas général d’une mesure du risque impossible. Ce qui est particulièrement fâcheux pour un actif qui est un des piliers du système financier, alors que les banques centrales en possèdent des quantités astronomiques faute de savoir quoi en faire d’autre, et que son volume continue d’augmenter comme le cabinet Mc Kinsey l’a constaté…
——–
(*) Au sein du système européen de surveillance financière (SESF),
Et quand le portrait d’un neutrino ?