Billet invité.
Addendum à mon billet du 16 décembre 2014 : Des similitudes qui font froid dans le dos.
Il est probable que nul ne saura jamais la vérité sur l’assassinat de Boris Nemtsov, mais il est par contre certain que « l’enquête » demandée par le Kremlin livrera un coupable. Si on met de côté la thèse de la « manipulation pour déstabiliser la Russie », à peu près aussi crédible que la thèse de l’incendie du Reichstag commandité par les communistes, reste à voir le contexte de cet assassinat.
Quelques commentateurs russes indépendants pointent du doigt les mouvements ultranationalistes qui fleurissent un peu partout en Russie. Pour ces mouvements, toute remise en cause du soutien accordé par Moscou aux séparatistes pro-russes est inadmissible. Dans le même temps, il paraît peu vraisemblable que le pouvoir ait formellement ordonné cet assassinat, au même titre que le pouvoir nazi ne commandita pas explicitement toutes les exactions commises dans la période 1933-34 par les diverses factions se réclamant du nazisme. Reste que dans la Russie d’aujourd’hui, le climat délétère et de haine croissante contre l’Occident, soigneusement entretenu par les médias officiels, crée une toile de fond où ce type d’évènement est devenu inéluctable.
Il se trouve qu’en Occident, Poutine bénéficie chez certains d’un capital de sympathie. On peut l’entendre de la part de mouvements d’extrême droite qui partagent cette même conception de la nation et d’un darwinisme social et économique exacerbé. C’est totalement incompréhensible de la part d’une fraction de la gauche radicale qui voit pourtant d’un œil plutôt bienveillant (pour ne pas dire plus) l’opposition frontale de Poutine à l’Europe et aux États-Unis. Certes, l’Europe politique d’aujourd’hui est détestable, certes, les États-Unis sont le symbole de la frange la plus avancée du capitalisme, certes Poutine sait habilement manier les références à la guerre froide et n’hésite pas à ressortir à intervalles réguliers les symboles de l’époque communiste. Reste que les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis.
La politique actuelle de Moscou combine l’ultra nationalisme et l’ultra libéralisme, je n’y vois là rien de fréquentable. La confrontation frontale avec l’Occident renforce le sentiment nationaliste du peuple russe qui se fait par ailleurs allègrement piller par une oligarchie économique et financière sans scrupules. Sur le plan extérieur, elle justifie la politique des dominos territoriaux menés au nom de la défense des minorités russophones.
En ce domaine, chaque recul de l’Occident est un nouveau Munich, l’hypocrisie est sans limites. Comment croire en effet que des « rebelles » soient après plusieurs mois de conflit mieux équipés qu’une armée régulière ? Après l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, voilà donc la Crimée rattachée à la Russie en attendant que les séparatistes pro-russes obtiennent le même statut pour l’Est de l’Ukraine. Et demain ? Avec une opposition muselée, Poutine a les mains libres. En Asie Centrale, il existe un certain nombre de minorités russophones importantes dont le statut pourrait être mis à mal lorsque les autocrates qui gouvernent ces républiques disparaîtront. Après demain, l’Estonie, pays faisant partie de l’Europe, mais où la minorité russophone représente 25% ? Lutter contre Poutine n’est pas un blanc-seing accordé à l’Occident, à l’Europe ou à l’Ukraine, bien au contraire : les combats que nous menons contre les gouvernements européens et le capitalisme sauvage qui nous gouverne ne doivent pas nous faire oublier les autres menaces. La politique du pire n’est pas une option.
Le vent va très vite tourner ! Y’a que les girouettes qui ne le savent pas encore.