Billet invité.
Prenant les devants, la BCE a jeudi dernier lancé un ultimatum avec effet à fin février : à cette date, les banques grecques ne pourront plus bénéficier de son assistance financière, si entre-temps un accord à propos de la conclusion du programme d’assistance en cours et de son suivi n’a pas été trouvé avec les composantes de la Troïka : Union européenne, BCE et FMI. Les mots en sont pesés.
Cette initiative confirme qu’un nouveau gouvernement emmené par Syriza aurait bien eu quelques mois devant lui pour négocier – un moratoire était d’ailleurs réclamé pour le formaliser – mais que la BCE a décidé de couper court, craignant les effets d’une période prolongée d’incertitude et ne se refusant pas au passage de faire pression sur les électeurs grecs. Toutefois, son communiqué n’énonce pas le contenu de l’accord réclamé, l’ultimatum valant à ce stade pour les deux parties et laissant possible un compromis entre eux. Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, a toutefois depuis précisé que les titres détenus par la BCE étaient intouchables, sauf à violer le Traité qui a présidé à sa constitution, restreignant le champ de ses modalités.
Indirectement, cette décision de la BCE lève les doutes et confirme le prochain lancement d’un programme d’achat de dette souveraine. Ce programme pourrait être d’une ampleur limitée, l’agence Bloomberg faisant état de 500 milliards d’euros, mais pour le reste le flou demeure. La principale interrogation porte sur le partage éventuel du risque. Afin d’emporter l’agrément des autorités allemandes, les titres de dette de chaque pays qui seraient achetés pourraient être inscrits aux bilans des banques centrales nationales correspondantes, afin de protéger la BCE d’éventuelles pertes, avec pour effet de déporter sur elles le risque. Si un tel dispositif était adopté, il représenterait dans les faits un premier pas vers le démantèlement de la zone euro, chaque pays restant responsable de sa propre dette, bien qu’elle soit libellée dans la monnaie commune.
Il est aussi question d’un programme d’achat réservé aux titres les mieux notés, ce qui exclurait du programme les titres des pays qui ne le sont pas et créerait le risque de déclencher la hausse de leur taux. En tout état de cause, ne rompant pas avec un usage bien établi, la BCE s’apprêterait à faire encore une fois les choses à moitié, dans le contexte de l’avis que va rendre le 14 janvier prochain la Cour européenne de Justice à propos de son ancien programme OMT, dont elle va devoir tenir compte.
Prenant le contre-pied, après avoir remarqué que « ces rendements obligataires extrêmement bas (à l’exception de la Grèce) sont une incitation à ce que les gouvernements empruntent et dépensent » (en desserrant les cordons de la bourse), l’éditorial du Financial Times de vendredi dernier pronostique que « il y a de bonnes raisons de penser qu’une opération [de la BCE] dans l’eurozone rencontrera plus de difficultés qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni » et que, dans ces conditions et par défaut, elle devrait « pousser au maximum les machines ». Mais cela ne pourra se faire que par étapes, une fois constaté le peu de résultats prévisibles de son action sur la déflation et la relance, et quand les conditions politiques seront réunies, c’est à dire quand il ne pourra plus être fait autrement !
Faisant contraste avec cette approche qui ne préjuge pas de l’avenir, les obstacles destinés à bloquer Syriza sont progressivement mis en place. Antonis Samaras, le premier ministre, joue en Grèce l’air de « c’est moi ou le chaos ! » et se prépare à annoncer des baisses d’impôts afin de peser sur les électeurs indécis, nombreux selon les sondages. Une deuxième ligne de défense est mise en place, en cas de victoire de Syriza : il pourrait être contraint de constituer une coalition avec la nouvelle formation To Potami, emmené par Stavros Theodorakis, une star de la télévision. Celle-ci ne prétend qu’à un allègement du poids de la dette sous la forme d’un nouvel échéancier et d’une baisse des taux et ne veut pas aller plus loin.
Le plan de Syriza fait au contraire dépendre le remboursement de la dette de la croissance économique – justifiant que des moyens financiers soient dégagés pour la relance – et non plus d’un excédent primaire, et prévoie en complément un achat de dette par la BCE, sans préciser son sort ultérieur. L’allégement, qui pourrait apparaître comme un compromis possible, ne rend toujours pas la dette soutenable : ses taux étant déjà faibles, elle permettrait au mieux de gagner du temps, sans donner à Syriza les moyens financiers de réaliser les « quatre piliers » de son plan de reconstruction de la Grèce et de revenir sur les mesures d’austérité. La nature du compromis qui pourrait au mieux être trouvé n’est pas financière mais politique et il ne serait que provisoire !
Un autre calcul, tout aussi politique, pourrait faire obstacle à sa réalisation, afin d’inciter Syriza à jeter l’éponge faute de se déjuger, mais il est d’un maniement incertain en raison de sa résonance, revenant sur le résultat d’une consultation électorale. Selon celui-ci, de nouvelles élections permettraient à Antonis Samaras de revenir au pouvoir au nom du réalisme.
Les Portugais iront aux urnes fin septembre prochain et les Espagnols en décembre, ce qui doit également donner matière à réflexion… Comment contenir au mieux dans ces deux pays le rejet des partis au pouvoir, qui se confirme, en favorisant des coalitions des partis gouvernementaux, sans rien lâcher en contrepartie ? L’équation est posée mais n’est probablement pas encore résolue.
@BasicRabbit en autopsy Il y a un demi-siècle il était plus rapide d’apprendre à parler (/écrire) le langage des ordi,…